L’association Économie et Humanisme créée pendant la guerre par le père Louis-Joseph Lebret a en effet consacré une de ses premières sessions d’étude (les 10-19 septembre 1942 à la Sainte-Baume) à la notion de propriété. Le projet n’est pas tourné vers les problèmes de logement, mais vers l’élaboration en interne de prises de position doctrinales sur la notion de communauté239. Parmi les articles élaborés lors de la session ou peu après, deux contributions « lyonnaises » peuvent être retenues.
La première est celle du père Hyacinthe Paissac, professeur de philosophie au studium dominicain de Saint-Alban-Leysse (Savoie), qui enseigne également aux Facultés catholiques de Lyon. Ce théologien rappelle en particulier le caractère limité du droit de propriété, provenant des conditions de fait dans lesquelles est engagé l’être humain, alors que l’essence de la propriété est un droit absolu car inscrit dans la nature même de la personne qui est esprit libre et pensant. Le droit de propriété doit être exercé au service de la communauté. Le détachement est alors la marque du possesseur authentique, de celui qui mérite vraiment le privilège d’avoir en propre240. La seconde est produite par le juriste Auguste Murat, originaire du Puy-de-Dôme mais professeur à l’Ecole nationale professionnelle de Lyon et chargé depuis 1942 d’un cours d’économie politique à la Faculté de Droit de Lyon. Il est l’auteur entre autres d’une thèse de doctorat sur la propriété agraire en Italie. Dans son intervention, Auguste Murat traite notamment du problème de la propriété dans l’espace urbain. Il estime que le propriétaire de l’immeuble urbain n’est plus un privilégié, en raison d’une législation devenue plus contraignante. D’autre part, il encourage la naissance de la co-propriété dans les immeubles urbains comme témoignage d’une propriété communautaire241. L’importance accordée aux échelons intermédiaires et à la notion de communauté est en partie seulement reprise par le Comité théologique de Lyon après-guerre, qui s’appuie plus directement sur la tradition thomiste.
Voir en particulier : L-J. Lebret, « Propriété et communautés », Économie et Humanisme, 3, octobre -novembre 1942, p. 321-328 ; Émile Marmy, « La propriété, esquisse d’une synthèse », dans Économie et Humanisme, 4, décembre 1942, p. 481-500.
Hyacinthe Paissac, « Personne et propriété », Économie et Humanisme, 3, octobre-novembre 1942, p. 329-347.
Auguste Murat, « Les formes modernes de la propriété, dans et depuis le Code civil », Économie et Humanisme, 8, juillet -août 1943, p. 481-500, en particulier p. 488-489.