Danièle Voldman, qui a étudié de nombreux cas de « castorisation » à l’échelle nationale dans ses travaux sur la Reconstruction en France, rappelle que ces initiatives sont le fait de familles de condition modeste, qui décident de construire par leurs propres moyens des logements bon marché dont ils deviennent propriétaires. Fruit d’un travail pris sur les heures non travaillées, souvent issues de mouvements associatifs, ces auto-constructions peuvent être analysées sous plusieurs angles : elles sont à la fois « une protestation des sinistrés et des mal-logés contre l'apparente immobilité des pouvoirs publics à résoudre la crise du logement, une utopie communautaire regroupant les laissés-pour-compte de la reconstruction, un essaide développer la construction en dehors des entreprises de bâtiment et un contrepoint à la diffusion de l'industrialisation de la construction »253.
L’auto-construction s’inscrit dans l’héritage de la lutte contre le mal-logement au temps de la Reconstruction. De nombreux militants MPF grossissent notamment les rangs des premiers « castors », non sans essuyer certaines critiques : l’auto-construction détournerait les ouvriers de l’action collective et revendicative ; intrinsèquement individualiste, elle serait une solution seulement provisoire au problème du logement et ne pourrait être érigée en système ; elle constituerait enfin une concession au régime capitaliste. L’Union nationale des castors créée en octobre 1950 déclare pourtant associer un geste de protestation au geste de construction254.
Danièle Voldman, La reconstruction des villes françaises de 1940 à 1954. Histoire d'une politique, Paris, L'Harmattan, 1997, en particulier p. 367-372.
Bruno Duriez, « Les squatters : la "vraie justice" contre la loi »…, op. cit., p. 92-95.