B. les activités du BLAC : un laboratoire d’expertise dans la ville

L’agglomération lyonnaise est le lieu de tous les projets ou réalisations du BLAC installé rue Mulet (1er arrondissement). Certes, certaines initiatives sont des études pour lesquelles Lyon sert seulement de cadre géographique. C’est le cas par exemple de l’enquête réalisée à partir de juillet 1947 sur les coopératives de consommation, à laquelle participe Robert Caillot³²¹, membre de l’équipe centrale d’EH. Pour le compte de la Chambre de commerce de Lyon qui finance à hauteur de 50 000 francs le projet d’une durée de trois mois, il s’agit d’évaluer la place des coopératives dans l’agglomération lyonnaise. Pour le BLAC, à usage interne, l’objectif est de savoir précisément dans quelle mesure ces coopératives remplissent leur rôle économique et social. Des contacts sont engagés avec le Service ravitaillement du MRU, l’Union des coopératives, le Tribunal de commerce et le Mouvement populaire des familles (MPF)³²². Des enquêtes sur l’alimentation (pour le compte de l’Institut national d’hygiène) et sur les budgets familiaux sont également envisagées pour l’année 1947. Enfin, diverses études réalisées vraisemblablement au tournant des années 1940-1950 portent sur le vieillissement de la population en lien avec l’Alliance nationale contre la dépopulation ou sur les usines d’industrie chimique de Saint-Fons³²³.

Le BLAC se proposait plus largement, au moment de sa création officielle, de couvrir un champ d’études très étendu : « Nous donnons ici, à titre d’exemple, un aperçu desrecherches que nous pouvons entreprendre : étude d’une structure économique locale (carte et fichiers professionnels d’une région ou d’une ville, étude localisée des échanges, des transports, etc…). Étude d’une entreprise ou d’une profession sous certains aspects (recrutement et localisation du personnel, structure par âge et sexe des différentes classifications professionnelles, étude du renouvellement des ouvriers qualifiés, de l’orientation à donner à l’apprentissage, etc… […]. Étude d’un cas social déterminé (enfance délinquante, taudis, alcoolisme, équipement sanitaire, etc… ). Cette liste n’est évidemment pas limitative et n’a été établie que par référence à des travaux déjà effectués ou en cours »³²⁴.Sont également proposés des travaux portant sur les problèmes familiaux et les relations entre vie de famille et vie professionnelle, par le biais d’études sur les métiers féminins et les pouponnières³²⁵.

Cependant, le BLAC se propose aussi d’étudier la ville pour elle-même, en tant qu’espace habité et aménagé. Ce souhait est visible dès les premières réunions de travail : en plus des champs d’étude qui viennent d’être évoqués, le Bureau lyonnais entend s’intéresser à l’ « étude de la structure d’un quartier ou d’une commune, sous l’angle de l’habitat, de l’urbanisme, du commerce, de la démographie, cartes et diagrammes rendant compte de l’état de la population, de son origine, de ses déplacements et fluctuations, etc… »³²⁶. Ces projets ne sont pas laissés lettre morte. L’équipe s’emploie à mettre sur pied des comités de quartier susceptibles de créer « un esprit communautaire ». Dans une cité HBM du quartier Montessuy à Caluire, dans la banlieue nord de Lyon, le comité embryonnaire tente de créer une dynamique autour des habitants sur plusieurs thématiques de leur vie quotidienne en ville : entretien des parties communes des immeubles, organisation de la voirie, création d’un marché hebdomadaire, mise en place d’un comité local d’amélioration de l’habitat³²⁷. A l’est de Lyon, dans le secteur de Sans-Souci, c’est une coopérative gérée par le MPF qui est à l’origine d’un comité de quartier³²⁸. L’idée là encore est de développer des « communautés de travail ». Le même document prévoit que ces comités de quartier soient étendus à la Croix-Rousse. Une enquête sur les effets de décrets sur les loyers, en partenariat avec le MRU et des représentants du monde industriel comme Philippe Isaac, est effective à l’été 1947. Elle s’est donnée pour tâches d’établir un bilan très précis des loyers à Lyon et dans vingt autres villes françaises. Il s’agit de comparer ces prix à un échantillon de cinquante logements lyonnais qui ont appliqué le nouveau décret et d’établir, pour dix cas de logements « améliorables à peu de frais », des devis de rénovation de l’habitat. L’idée est d’utiliser les subventions du Fonds national d’amélioration de l’habitat, en prenant également pour base une enquête réalisée par la municipalité sur les taudis³²⁹.