2. La continuité avec le BLAC

On peut considérer cette création comme tardive si on la replace dans le mouvement de création des comités d’aménagement locaux recensés en France par René Bride371. Mais les éléments de continuité avec le BLAC sont frappants. Le Comité se donne pour tâche de travailler en collaboration avec les autres partenaires privés ou publics en tant que « société d’études […] au service des entreprises, des professions, des pouvoirs publics ». Les statuts précisent que l’association a pour objet « d’harmoniser le plan d’équipement et le plan d’aménagement, afin de réaliser un développement rationnel de toutes les activités »372. Rassembler la documentation existante sur les problèmes locaux et régionaux d’intérêt général, organiser des enquêtes, associer à ces travaux des représentants qualifiés, issus aussi bien des instances régionales que des organismes parisiens : les objectifs affichés expriment clairement la volonté de constituer un organe d’expertise373 et recoupent les perspectives du BLAC

Comme le BLAC, le Comité multiplie les études et les enquêtes sur la vie économique de l’agglomération lyonnaise, mais avec une dominante accordée aux équipements ou aux secteurs susceptibles de dynamiser la croissance industrielle. Les six commissions existantes en 1955 portent le nom des projets ou problématiques que le Comité s’efforce de promouvoir, souvent avec succès : « aérodrome de Bron », « marché agricole et marché de gros » (en vue du marché-gare de Perrache), « circulation-parking », « zoning industriel », « main d’œuvre et emploi » et « conjoncture économique »374.

Troisième élément de continuité : le Comité se pense comme un point de ralliement, et plus encore comme un creuset propice à la réflexion accueillant une grande diversité d’acteurs. Élites économiques locales et régionales de la banque, de l’industrie et du commerce, ingénieurs, directeurs régionaux de services de l’État, représentants du monde de l’agriculture et de l’artisanat, responsables des centrales syndicales, membres de l’Université : l’ouverture se lit dans les listes des membres du Conseil d’administration et des commissions. Avec cependant pour différence avec le BLAC que la greffe sur ce tissu des forces vives a cette fois remarquablement pris : pendant l’année 1956, une centaine de personnes sont actives au sein des groupes de travail375. Cette composition marquée par le poids de la Chambre de commerce et l’absence de représentation des campagnes et du monde ouvrier se retrouve dans la plupart des comités créés à la suite de l’exemple rémois. La frontière est d’ailleurs parfois ténue entre le travail engagé au nom du bien commun et condamnant toute allégeance à un quelconque pouvoir, et la défense d’intérêts privés376. La composition de la Commission « aérodrome de Bron » en 1955 est particulièrement révélatrice de ce milieu qui mêle compétences techniques, intérêts commerciaux et souci du « bien commun » : Pierre Delattre, directeur général de la Compagnie Nationale du Rhône y côtoie Alexandre Bret, secrétaire général de la Chambre de commerce de Lyon, Perrachon, président de la Jeune chambre économique, Paul, directeur régional du pétrolier Shell, et Pierre Le Bourgeois, directeur de l’agence de voyages du même nom. L’idée est d’entreprendre une étude de marché sous la forme d’un questionnaire envoyé aux grandes entreprises et aux administrations de toute la région pour évaluer les besoins réels d’une plate-forme aéroportuaire en périphérie immédiate de l’agglomération377.

Mise en place d’outils d’analyse au service de la vie économique de la région lyonnaise, politique de partenariat systématique avec les autres acteurs du développement économique local, efforts de constitution d’une documentation éparse pour en faire un outil de pilotage, attention portée au territoire sur lequel se déploient les activités : les points communs sont nombreux avec le BLAC mis en sommeil quelques années auparavant. Les continuités concernant le personnel des commissions sont tout aussi frappantes.

Notes
371.

Le Comité lyonnais n’apparaît pas dans la liste des vingt-et-un organismes du même type existant déjà en France (officiellement créés ou en cours de création) en octobre 1952. Voir René Bride, « La constitution d’organismes en vue de l’aménagement du territoire », Efficacité, 8, octobre 1952, p. 181-186.

372.

IUL, fonds Labasse, procès-verbal de l’Assemblée générale extraordinaire du Comité pour l’aménagement du territoire dans la région lyonnaise, 28 mars 1955.

373.

Idem.

374.

IUL, fonds Jean Labasse, rapport d’activité du Conseil d’administration du Comité pour l’année 1956, 29 mars 1957.

375.

Voir par exemple IUL, fonds Jean Labasse, bilan d’activité des commissions du Comité, mai 1955.

376.

C’est ce que laisse supposer l’article de René Bride sur le travail de ces comités d’aménagement. Voir René Bride, « La constitution d’organismes en vue de l’aménagement du territoire », Efficacité…, op. cit., p. 185.

377.

IUL, fonds Jean Labasse, bilan d’activité des commissions du Comité, mai 1955.