3. La place des catholiques au sein du Comité d’expansion économique et d’aménagement de la région lyonnaise

Plusieurs « anciens » d’EH (équipe centrale ou BLAC) ou de l’aide au logement ont rejoint les rangs du Comité. Il a été dit plus haut que le père Lebret siégeait au Conseil d’administration du Comité, au moins de mars 1955 à mars 1957. Jean Pila, évoqué précédemment, apparaît dans le Comité en tant qu’administrateur de sociétés et membre du Cabinet immobilier Pila-Bérard. Sa présence peut paraître surprenante dans la commission « zoning industriel ». Les rapports d’activité soulignent cependant que la question du logement de la main d’œuvre fait partie des discussions récurrentes au sein de la commission. Le débat sur le choix de la localisation de l’habitat ouvrier (à proximité des usines en périphérie ou dans le centre avec des migrations quotidiennes) renvoie en effet directement aux problématiques de l’implantation spatiale des activités industrielles.

Membre du MLAL et ami de Labasse, le directeur du Crédit lyonnais Xavier d’Hauthuille fait partie du Conseil d’administration du Comité de mars 1955 à mars 1957 au moins, et préside à la même période le groupe d’études « Pierre-Bénite ». Cette commission s’est donnée pour tâche d’élaborer enquêtes et propositions pour la construction d’un barrage sur le Rhône dans cette commune au sud de Lyon, en partenariat avec les services du Plan378.

D’autre part, le Conseil d’administration du Comité réserve cinq sièges à des représentants syndicalistes. Si la CGT n’a jamais voulu siéger dans un organisme qu’elle considère comme une instance exclusivement patronale, deux sièges sont occupés par des militants de la CFTC entre mars 1955 et mars 1957379. Il s’agit en 1957 d’Élie Amiral, qui participe également à la commission « main d’œuvre et emploi », et d’Antoine Chol, déjà cité dans le mouvement « castor » de Tassin. Ce dernier est chef du service « entretien » puis rattaché à un bureau d’études chez le chimiste Rhodiaceta380. D’autres membres du Comité sont cités en 1957 comme représentants de la CFTC au sein des différentes commissions381.

Le cas d’Antoine Chol est révélateur des réseaux tissés au sein du Comité. En mars 1957, il est élu au Bureau du Comité en tant que secrétaire, alors que Jean Labasse et André Gibert sont vice-présidents. Il est également membre de l’équipe dirigeante du Comité régional d’expansion économique du Centre-Sud-Est aux côtés des mêmes ! Il participe en mars 1957 au groupe « recherche opérationnelle » qui s’était constitué quelques moins plus tôt autour d’une équipe nombreuse d’ingénieurs désireuse de diffuser cette nouvelle technique. Il y côtoie le chef d’entreprise Ancel de la société de teinturerie Vulliod-Ancel et parent d’Alfred Ancel (1898-1984), l’évêque auxiliaire de Lyon depuis 1947382. Ce duo Ancel-Chol travaille également en mars 1957 dans la commission « Conjoncture », aux côtés notamment de Xavier d’Hauthuille, du syndicaliste CFTC Mandel et de Gilbert Blardone, professeur d’économie politique aux Facultés catholiques de Lyon et membre actif de la Chronique sociale.

Jean Labbens, professeur à l’Institut de sociologie aux Facultés catholiques de Lyon, figure parmi les membres de la commission «Main d’œuvre et emploi » en mars 1957383. Michel Laferrère est également une des figures marquantes du Comité des années 1950. Cet agrégé de géographie, militant à la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC), prépare sa thèse sur la vocation industrielle de Lyon lorsqu’il est appelé au Comité à la demande de Jean Labasse. Il en devient secrétaire général de 1954 à 1958. Dans ses travaux de doctorat, Michel Laferrère montre à quel point la ville a été construite par les activités industrielles, dans ses dimensions et dans l’organisation de son espace384. Son directeur de thèse est André Gibert, qui occupe lui aussi des responsabilités importantes au sein du Comité. Ce professeur de géographie à la Faculté de Lettres de Lyon, pasteur darbyste, animé d’une grande rigueur morale, a été un élève de l’école de géographie de Grenoble. Raoul Blanchard l’a formé au travail de terrain et au recours systématique à la carte comme outil fondamental de la géographie. Les géographes Laferrère et Gibert mettent par conséquent leurs compétences au service du travail du Comité. Le troisième géographe de formation, Jean Labasse, mérite une attention particulière. Il est un de ceux qui assurent le passage entre le BLAC et le Comité. Il est également l’un des principaux animateurs du second organisme, et influence fortement l’orientation des enquêtes du Comité via ses propres travaux scientifiques.

Notes
378.

IUL, fonds Jean Labasse, procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du Comité pour l’aménagement du territoire dans la région lyonnaise, 28 mars 1955 ; Comité pour l’aménagement et l’expansion économique de la région lyonnaise, L’aménagement et l’expansion économique de la région lyonnaise, plaquette de présentation du Comité, Publipress, juillet 1957.

379.

IUL, fonds Labasse, procès-verbal de la réunion mensuelle des commissions du Comité, 11 mars 1957.

380.

IUL, fonds Jean Labasse, procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du Comité pour l’aménagement du territoire dans la région lyonnaise, 28 mars 1955 ; IUL, fonds Jean Labasse, bilan d’activité des commissions du Comité, mai 1955.

381.

Mandel dans la commission « Conjoncture », Meyer dans la commission « zoning industriel », Depardon dans celle s’occupant du « marché de gros et des problèmes agricoles », Thalvard dans la commission « parking, tourisme, affaires » et Mathieu dans le groupe d’études « aérodrome de Bron » (L’aménagement et l’expansion économique… , op. cit.).

382.

La famille Ancel descend de Gustave Ancel, gendre de Joseph Gillet (Bernadette Angleraud et Catherine Pellissier, Les dynasties lyonnaises…, op.cit ., p. 663 et p. 800, note 35).

383.

L’aménagement et l’expansion économique… , op. cit. Sur Jean Labbens et son rôle central sur la question de la ville au sein du diocèse de Lyon, voir chapitre 4.

384.

Michel Laferrère (né en 1924) a soutenu sa thèse en 1959, publiée en 1960 aux PUF sous le titre Lyon, ville industrielle. Essai d'une géographie urbaine des techniques et des entreprises. Nommé une première fois assistant à la Faculté de Lettres de Lyon (1951-1954), il entre au Comité en obtenant un congé d’études jusqu’en 1958, date à laquelle il est nommé comme attaché de recherche au CNRS. Après avoir obtenu un second poste d’assistant en 1961, il devient professeur de géographie à l’Université de Lyon. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages de géographie économique, notamment sur Lyon et sa région (Lyon et ses environs, Grenoble, Éditions Arthaud, 1990) . Il a dirigé chez Privat en 1988 une Histoire de Lyon et du Lyonnais. Il a reçu le Grand prix de la Société de géographie en 2006 pour l’ensemble de son œuvre. (Entretien de Michel Laferrère avec l’auteur, 25 octobre 2007).