Jean Labasse siège au conseil d’administration du Comité en mars 1955 et en devient le secrétaire deux mois plus tard385. Il est par ailleurs l’un des quatre membres du conseil d’administration, pour le département du Rhône, du Comité régional d’expansion économique du Centre-Sud-Est386. C’est lui qui assure la continuité entre le BLAC et le nouveau Comité. Sa présence dans les deux structures l’atteste, mais également ses efforts sur la longue durée pour imposer, selon lui, l’idée d’aménagement du territoire à la culture économique lyonnaise. Même s’il s’agit d’un topos déjà évoqué plus haut, on peut penser que les mots de Jean Labasse renvoient à une expérience réelle, qui s’est étalée sur plusieurs années : « Pour la jouer avec succès, un aride et long travail était au préalable nécessaire. Car la vieille cité lyonnaise, qui a connu tant de vicissitudes durant sa longue existence - bientôt bimillénaire - est lente à émouvoir. Qui lui est étranger d'origine sait combien il est difficile d'en pénétrer les divers milieux sociaux et d'y "faire son trou". Le Lyonnais, qui ne se livre pas, se défie d'instinct des initiatives même attrayantes dès qu'elles lui semblent prématurées outéméraires. Il n'investit sa confiance et ses ressources qu'au vu d'un dossier solidement étayé ; cela lui vaut souvent quelque retard dans l'action, mais il le compense, et au-delà, par la persévérance dans l'effort dès qu'il en a saisi la valeur »387. C’est lui aussi sans doute qui propose les services d’EH pour l’enquête générale que le Comité souhaite entreprendre pour dresser un état des lieux de la région lyonnaise quelques semaines seulement après sa fondation. Même si le nom du père Lebret apparaît également dans la liste des membres du conseil d’administration du Comité en mars 1955 et dans celle de présentation des auteurs de la dite enquête, il semble que Labasse en ait été le véritable inspirateur et le coordinateur388.
Autre indice d’une mouvance EH autour de la personnalité de Jean Labasse : son jury de thèse comprend des universitaires sensibles aux centres d’intérêt du mouvement, en particulier sur le thème du développement et des Suds. C’est le cas de Jean Dresch (1905-1994), spécialiste de géographie physique des milieux arides, professeur à la Sorbonne depuis 1948. Militant communiste et syndicaliste, ses positions anticolonialistes vont de pair avec ses analyses du système colonial - notamment au Maghreb et en Afrique noire - dont il dénonce les formes de domination. Il est un des fondateurs d’une géographie des capitaux en esquissant une carte des investissements de la métropole française dans son empire colonial389. L’autre universitaire est Maurice Le Lannou (1906-1992), professeur de géographie à la Faculté de Lettres de Lyon. Il est nommé « Professeur visitant » à l'École Libre de Sciences politiques de São-Paulo (Brésil) en 1947, l’année où le père Lebret y donne des cours et fonde sur place la SAGMACS, succursale d’EH sur le modèle de la SAGMA stéphanoise390.
IUL, fonds Jean Labasse, « bilan mensuel d’activité du Comité », mai 1955.
Cette association, déclarée en préfecture du Rhône le 31 juillet 1956 (Journal officiel du 5 août 1956) et agréée par arrêté ministériel le 14 décembre de la même année (Journal officiel du 16 décembre 1956), a été créée par les comités d’expansion économique de dix départements (Ain, Ardèche, Drôme, Isère, Loire, Haute-Loire, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Haute-Savoie). Pour plus de précisions, voir : L’aménagement et l’expansion économique…, op. cit. ; André Gibert, « Où en est l'effort d'aménagement du territoire dans la région lyonnaise », Revue de géographie de Lyon, 4, 1958, p. 281-292.
L’aménagement et l’expansion économique… , op. cit.
Il rédige en particulier l’avant-propos de l’enquête publiée (Lyon et sa région…, op. cit., p. 5-6). Voir aussi L’aménagement et l’expansion économique… , op. cit.
Futur directeur de l’Institut de géographie de Paris, il est notamment l’auteur d’une Géographie des pays arides (Paris, PUF, 1984). Voir Jean-Louis Tissier, « Jean Dresch », dans Jacques Julliard et Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Seuil, 2002 (2ème édition), p. 438-439.
Sur le séjour du père Lebret au Brésil en 1947, voir Denis Pelletier, Économie et Humanisme…, op. cit., p. 156.