Les recensements religieux de Romans et de Grenoble sont cités par les responsables lyonnais, mais ils sont utilisés à des fins de pédagogie et de justification de l’enquête auprès des fidèles ou du clergé. Il a été dit plus haut la fonction de repoussoir (sur le plan financier uniquement) que joue l’enquête de Grenoble. Mais plus largement, ces deux villes sont l’illustration, aux yeux de Jean Labbens, du volontarisme que le sociologue lyonnais aimerait susciter dans le diocèse : face à des difficultés importantes d’organisation, Drômois et Isérois ont su inventer des solutions pour mener à terme leur projet de recensement513.
L’enquête de Saint-Étienne fait l’objet d’une plus grande attention encore : réalisée le 8 mars 1953 (le même jour qu’à Marseille), cette « consultation religieuse » a donné lieu à toute une série de circulaires et de fiches pratiques qui ont été conservées aux archives diocésaines de Lyon. Elles n’ont semble-t-il pas été annotées ou retravaillées pour le recensement de Lyon, mais il est possible d’établir des analogies entre la « présentation de la consultation » stéphanoise et le texte lu en chaire par les curés de l’agglomération lyonnaise le jour du recensement514 : les fidèles sont guidés pas à pas, ou plutôt rubrique après rubrique, pour cocher (dans le cas lyonnais) ou déchirer (dans le cas stéphanois) les cases des bulletins. L’insistance dans les deux cas sur la concentration avec laquelle les fidèles doivent s’atteler à cette tâche est également un thème récurrent dans les deux présentations : en aucun cas il ne s’agit d’une cours de vitesse, il n’y a « aucun intérêt à finir les premiers ». Autre point commun : la chasse aux erreurs. Les consignes très pédagogiques et préventives du curé rendent certaines évidences particulièrement cocasses : « N°1. SEXE. Les messieurs, les jeunes gens, les garçons font une croix dans le carré "Masculin" ; les dames, les jeunes filles, les fillettes, dans le carré "Féminin" […]. N°4. NOMBRE D’ENFANTS. Cette question intéresse seulement les personnes qui ont ou ont eu des enfants »515. Le comique de situation est parfois renforcé par les hésitations des responsables dans la rédaction du texte à lire aux fidèles : « Il est bien entendu que seule la fiche a de l’importance et non les tickets que vous détacherez. Pour ceux-ci vous n’avez qu’à les jeter ou mieux les mettre si possible dans votre poche ou sur le b ou votre sac [rajout à la main : et non par terre] afin de faciliter le nettoyage de l’église »516.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.126, dossier « pratique dominicale », 1954.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.126, dossier sans titre sur le recensement religieux de Saint-Étienne et dossier « pratique dominicale », 1954.
Idem.
Idem.