Un des résultats les plus significatifs mis en évidence par l’enquête est la grande dissymétrie est-ouest dans l’agglomération sur le plan de l’équipement religieux, le Rhône faisant office de frontière théorique. Plusieurs constats témoignent de cette opposition.
Rapporté au nombre d’habitants, le nombre d’églises ou chapelles diffère profondément selon les communes et les quartiers de l’agglomération. D’après l’enquête, si on compte un lieu de culte pour 820 habitants à l’ouest de la Saône, et un pour 1 620 entre Saône et Rhône, on n’en trouve qu’un pour 4 000 au-delà du Rhône573. En termes de densité d’équipement religieux, le rapport peut donc être de un à cinq.
Jean Labbens utilise l’image d’une comète pour décrire la forme - à vrai dire peu visible sur la carte (fig. 6) - que prend spatialement le réseau des lieux de culte de l’agglomération : « La disposition des lieux de culte sur la carte fait apparaître une espèce decomète munie d’une énorme tête recouvrant la presqu’île de la place Carnot à la place Bellecour, la colline de Saint-Just depuis le fort Saint-Irénée jusqu’à l’église ou la gare Saint-Paul, le plateau de la Croix-Rousse. Cette comète possède une queue qui s’étire, au-delà du Rhône, entre les avenues Gambetta et Berthelot, spécialement le long de la première. Des systèmes plus restreints se révèlent en direction de Cuire, sur le territoire de Sainte-Foy, autour de Saint-Martin d’Oullins ou, à l’est du Rhône, auprès de Saint-Pothin. Partout ailleurs, et à de rares exceptions près, les lieux de culte brillent comme autant d’étoiles isolées, largement disséminées »575. L’analyse de la répartition des lieux de culte annexes conduit à la même conclusion. Destinés le plus souvent à desservir des populations éloignées de l’église paroissiale ou à suppléer à sa taille devenue insuffisante pour accueillir les fidèles, ces lieux de culte sont rares sur la rive gauche du Rhône : cinq annexes, c’est même une de moins que pour la seule Presqu’île. « On s’attendrait à voir les annexes se multiplier dans les immenses et populeuses paroisses de l’Est, au-delà du Rhône. Il n’en est rien », constate Jean Labbens576.
Du point de vue de la pratique effectivement recensée, c’est cette même géographie qui, à peu d’exceptions près, se dégage des statistiques. Le taux général de pratique dans l’agglomération s’élève à environ 20 % de la population, mais cette moyenne masque toute une série d’échelons qui font passer sans solution de continuité de paroisses typiques des terres de chrétienté les plus ferventes à d’autres marquées par une profonde désaffection religieuse. Sur la carte, ce différentiel de pratique dessine les contours d’espaces déjà évoqués : « Les cartes par paroisses et par communes ou arrondissements font apparaître une zone très pratiquante qui recouvre une grande partie de l'Ouest, le Centre, le quartier des Brotteaux et le nord de la Presqu'île (commune de Caluire-et-Cuire); une zone de pratique moyenne située au sud de Perrache, vers la Guillotière en bordure du Rhône, à Bellecombe, dans la commune de Crépieux-la-Pape […]. Ici encore, tout l'Ouest nous apparaît comme massivement pratiquant : seuls la commune de Saint-Rambert-l'Île-Barbe, le quartier de Vaise et la commune de Pierre-Bénite n'atteignent pas 15 %. […]. Toute la partie Est accuse une pratique médiocre »577.
Quatrième et dernier critère : le nombre de prêtres par paroisse. Alors que la moyenne calculée s’élève pour l’ensemble des paroisses recensées le 21 mars à 2,6, ce chiffre varie selon les quartiers dans une proportion de 1 à 6578. De fait, un peu moins du tiers du clergé paroissial et la moitié des paroisses se trouvent ainsi affectés au service d’un peu plus du cinquième des habitants. Cette situation est nettement favorable une fois encore aux paroisses de l’ouest du Rhône (Centre-Presqu’île et rive droite de la Saône). Le rattachement au diocèse de Lyon de l’archiprêtré de Villeurbanne quelques mois après le recensement aggrave encore les inégalités constatées au détriment de la rive gauche du Rhône579. Ce territoire de grande superficie et densément peuplé pose des problèmes urgents et redoutables. Construire des églises paraît dès lors comme la solution évidente pour évangéliser ces marges.
Jean Labbens, La pratique dominicale…, op. cit. (fascicule I), p. 14-15.
Source : Jean Labbens, La pratique dominicale dans l'agglomération lyonnaise. I. L’équipement religieux, Institut de sociologie, 1955, p. 15.
Idem, p. 16.
Idem, p. 14.
Jean Labbens et Roger Daille, La pratique dominicale…, op. cit. (fascicule III), p. 21.
Jean Labbens, La pratique dominicale…, op. cit. (fascicule I), p. 20-22.
Ibidem.