B. La mobilité des pratiquants dans la ville

L’enquête dominicale a mis à jour un autre phénomène « d’une ampleur considérable et généralement insoupçonnée »585 : des échanges inter-paroissiaux particulièrement importants dans l’agglomération. En effet, 30 % environ des fidèles recensés ne se sont pas rendus dans leur paroisse canonique mais dans un autre lieu de culte. Si l’équipe de Jean Labbens ne s’étend pas sur les causes d’une telle mobilité, elle établit par le menu l’ensemble de ces transferts d’une paroisse à une autre, en calculant pour chacune d’entre elles le nombre de fidèles « reçus » et « perdus ».

Loin d’y voir le signe d’un éclatement religieux de la ville, cette mobilité est perçue par le secrétariat général comme le révélateur d’une « unité de l’agglomération » lyonnaise586. Ces flux dessinent à eux seuls les contours réels de l’espace religieux en ville : ils en sont une des dynamiques d’organisation, à l’origine de lignes de force et de polarités. Aux yeux des enquêteurs, il serait donc peu judicieux de la part des autorités ecclésiastiques de ne pas en tenir compte et ne voir dans ces transferts que l’expression de fidèles capricieux peu respectueux des limites canoniques. Ces échanges inter-paroissiaux justifient au contraire la nécessité d’une pastorale proprement urbaine puisque ils s’effectuent à l’échelle de l’agglomération : « Celle-ci[l’unité d’agglomération]appelle normalement, sinon une rigoureuse unité d’action, du moins une coordination, une "unanimité pastorale" et des initiatives concertées jusque, sans doute, sur le plan des prédications (afin que les fidèles reçoivent, en dépit de leur mobilité, un enseignement suivi et formateur) et sur le plan des efforts liturgiques (afin que le mouvement ne se traduise point par un dépaysement) »587. Cet apostolat urbain n’est pas sans contradictions ni ambigüités : entre obéissance et concertation, uniformisation et respect d’une relative diversité, la pastorale urbaine n’est ici qu’une proposition, encore incertaine, qui n’engage que Jean Labbens lui-même. D’autant que la publication des chiffres de l’enquête a une portée plus immédiate et plus concrète pour les curés : l’apport d’un éclairage sur le profil sociologique et la « volatilité » de leur public. Ce qui a pour conséquence de réajuster les frontières des paroisses.

Notes
585.

Jean Labbens, La pratique dominicale…, op. cit. (fascicule II),p. 29.

586.

Idem, p. 39.

587.

Ibidem.