1. De nombreux réajustements de limites paroissiales

L’Archevêché prend acte d’une forte mobilité des fidèles entre les paroisses. Ces échanges inter-paroissiaux particulièrement intenses en ville appellent sans doute des mesures d’ensemble. Il reste que certaines modifications ponctuelles de limites paroissiales apparaissent comme urgentes et nécessaires, « pour consacrer en droit des situations defait »588. Le dépouillement de la Semaine religieuse révèle en effet une inflation du nombre d’ordonnances de modifications de limites entre les paroisses dans les mois qui suivent le recensement. C’est le cas entre les paroisses de La Nativité et de Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus à Villeurbanne589, de Saint-Fons et de Vénissieux590, ou encore de Saint-Vincent-de-Paul et Notre-Dame-des-Anges dans le quartier de la Mouche591. La paroisse de Millery est en outre rattachée à l’archiprêtré de Saint-Genis-Laval en novembre 1955592 et les paroisses de la Croix-Rousse font l’objet d’un redécoupage géographique en juin 1957593.

Ces réajustements ont été possibles parce que l’Institut de Sociologie a fourni à l’Archevêché une carte de l’ensemble des paroisses de l’agglomération lyonnaise qui n’existait pas auparavant ou qui n’était plus à jour. Jean Labbens rappelle les efforts fournis pour parvenir à un tel outil de travail : « Une carte d'ensemble des frontières paroissiales en 1954 a pu être établie par le procédé banal qui consiste à solliciter de MM. les curés le plan de leurs paroisses respectives, à vérifier si ces plans concordaient entre eux, à résoudre les litiges lorsqu'il s'en présenterait et à dessiner enfin la carte des paroisses de l'agglomération […] »594. D’autre part, bien qu’il n’y ait pas de référence explicite au recensement pour la totalité des cas de refonte du maillage territorial, ceux-ci correspondent à l’analyse de mobilité inter-paroissiale qui avait été mise en évidence par l’équipe de l’Institut de Sociologie lors de la publication des résultats.

De plus, il semble que l’Archevêché ait directement demandé aux curés de l’agglomération, au cours d’une réunion sacerdotale à l’automne 1954, de faire des suggestions sur les limites de paroisses595. Des prêtres de l’agglomération répondent favorablement. C’est le cas par exemple du curé Magat à Sainte-Foy-lès-Lyon, qui décline sur chaque frontière de sa paroisse de Sainte-Thérèse-de-la-Plaine les ajustements nécessaires596. Avant même que les résultats complets de l’enquête du 21 mars ne soient rendus publics, certains membres du clergé envoient à Fourvière des projets de refonte du découpage paroissial en s’appuyant sur les résultats partiels du recensement. Ainsi, en novembre 1954, le curé de Notre-Dame-de-Lourdes dans le quartier de Gorge-de-Loup alors en forte croissance démographique, cite les chiffres du recensement pour en appeler à une nouvelle répartition des centres paroissiaux dans ce quartier597. À la fin de l’année 1954, le curé de Saint-François-de-Sales, sur la Presqu’île, dit s’inquiéter de l’excessive mobilité des fidèles dans son quartier au détriment de la fréquentation de son église. Favorable à un projet « plus rationnel » des limites de Saint-François, il attend beaucoup des résultats du recensement du 21 mars pour avoir une connaissance plus claire des flux de ses paroissiens598.

Le souhait de voir publier rapidement ces résultats se retrouve chez plusieurs prêtres de l’agglomération. Le curé de Saint-Antoine-de-Gerland est obligé, à la date du 16 novembre 1954, de se limiter à des suppositions vraisemblables pour appuyer sa démonstration : « Le recensement religieux a certainement fait apparaître que les chrétiens de cette région sont davantage attirés par Saint-Antoine que par Notre-Dame-des-Anges, plus proche et plus facile d’accès ». En revanche, il possède les chiffres du recensement civil de mai 1954599. L’archiprêtre de Saint-Jean a déjà son idée des résultats concernant la mobilité des fidèles, même si un « pointage personnel » le conduit à en nuancer par avance les chiffres600. Cette relative lenteur du dépouillement mécanographique s’explique en particulier par le fait que l’INSEE doit mobiliser ses machines et ses équipes pour le recensement national601.

Au-delà du problème des limites paroissiales, le recensement a-t-il laissé apparaître la nécessite de renforcer l’équipement religieux du diocèse par la création de nouveaux lieux de culte ? En avril 1954, les premiers résultats du dépouillement révèlent pour le moins aux autorités ecclésiastiques que la question vaut d’être posée : « En ce moment même, nous prévoyons la création, dans les banlieues des villes importantes du diocèse, de sept à huit paroisses nouvelles, dont le recensement récent de la pratique religieuse a fait apparaître la nécessité, de façon encore plus précise »602. Ce chiffre est minime par rapport à la centaine de lieux de culte qui seront envisagés au plus fort des chantiers diocésains au début des années 1960. Mais il témoigne d’une prise de prise de conscience d’un postulat qui prendra progressivement un caractère d’évidence dans le diocèse, notamment après la parution de l’ouvrage Construire des églises de Paul Winninger en 1957 : la présence d’un lieu de culte est la première condition de l’évangélisation d’un territoire.

Notes
588.

« La pratique religieuse à Lyon. Pourcentage de pratique. Mobilité des pratiquants dans l'agglomération lyonnaise », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 20 mai 1955.

589.

Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 19 mai 1956.

590.

Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 30 décembre 1957.

591.

Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 1er février 1958.

592.

Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 19 novembre 1955.

593.

Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 1er juin 1957.

594.

Jean Labbens, La pratique…, op. cit. (fascicule I),p. 4-6.

595.

AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, lettre du curé Bissuel de Saint-Antoine-de-Gerland à Mgr Claude Dupuy, 16 novembre 1954 ; lettre de Mgr Gabriel Galland, archiprêtre de Saint-Jean, au même, 10 décembre 1954.

596.

AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, rapport de l’abbé A. Magat, curé de Sainte-Thérèse-de-la-Plaine, 13 décembre 1954.

597.

AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, rapport du curé de Notre-Dame-de-Lourdes, 10 novembre 1954.

598.

AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, lettres du curé de Saint-François-de-Sales à Mgr Claude Dupuy, 15 novembre et 16 décembre 1954.

599.

AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, lettre du curé Bissuel de Saint-Antoine-de-Gerland à Mgr Claude Dupuy, 16 novembre 1954.

600.

« Le recensement prouvera évidemment que bien des paroissiens du quartier des Célestins vont se dispersant aux paroisses Saint-Nizier, Saint-François et Hôtel-Dieu… » (AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, lettre de Mgr Gabriel Galland archiprêtre de Saint-Jean à Mgr Claude Dupuy, 10 décembre 1954).

601.

AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, « Remarques sur la pratique dominicale à la chapelle de l’Hôtel-Dieu », anonyme, sans date (vraisemblablement fin 1954).

602.

« Quête du Christ dans la banlieue », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 25 avril 1954.