Dans son diocèse, Mgr Caillot lance en effet au début des années 1950 un projet de Mission pour la ville de Grenoble. Une « préparation sociologique de la Mission » est confiée en 1952 au Centre d’études des complexes sociaux, fondé à Grenoble en 1947 par des ingénieurs dans la mouvance d’EH639. Des militants y réalisent des recherches et des enquêtes sur la ville. Une « consultation paroissiale » en mai 1952 sert de matériau pour cette « préparation » que coordonne Madeleine Perrot. Les résultats sont publiés en 1953 sous le titre Essai de sociologie religieuse. L’auteure présente en outre la métropole alpine aux missionnaires le jour du lancement de la Mission, leur donnant des clés de compréhension sociologique et géographique pour saisir la complexité urbaine. L’objectif est de parvenir à « une carte religieuse de la ville »640.
Or, pour Mgr Caillot, c’est bien cette Mission de Grenoble qui a été déterminante pour la décision du démembrement. Dans une lettre au cardinal Gerlier, il écrit à propos des raisons qui l’ont conduit à faire ce choix : « Enfin et surtout, le diocèse de Grenoble ne dispose pas du nombre de prêtres qu’il faudrait pour évangéliser convenablement les douze paroisses de Villeurbanne. Je m’en aperçois mieux en ce moment où je suis occupé à réorganiser dans le sens de l’évangélisation les paroisses de l’Isère »641. La déclaration de l’évêque de Grenoble à l’occasion de l’annexion le confirme : « Nous sommes à un moment où, devant l’insuffisancede nos méthodes pour atteindre les âmes, il faut en chercher de plus efficaces. À ce point de vue, notre Grande Mission de Grenoble a été vraiment une révélation : puisque les gens ne viennent plus à l’église, il faut aller à eux, chez eux, dans leurs quartiers. […]. Malheureusement, les apôtres ne sont pas assez nombreux. Nous manquons de prêtres à Villeurbanne, comme nous en manquons à Grenoble. Mais à Villeurbanne, tout près de Lyon, on y pourrait suppléer par des prêtres lyonnais »642. Le bilan tiré de la Mission de Grenoble donne des chiffres sur cette impression de pénurie. Le ratio est d’un prêtre pour 3 700 habitants environ. « De l’avis des Missionnaires, rares sont les villes aussi démunies de prêtres que Grenoble »643. À Villeurbanne, la proportion est plus forte encore : une population de 128 700 personnes, répartie en douze paroisses, dispose de vingt-huit prêtres seulement, soit un prêtre pour 4 600 personnes. La solution tient donc dans une nouvelle répartition du clergé, « en fonction du développement industriel ». Il faut réduire le nombre de prêtres ruraux, par exemple en mettant en place une motorisation du clergé. « Est-il normal qu’à Villeurbanne, il y ait un prêtre pour 4 600 personnes, alors qu’à Mens ou à Clelles il y a un prêtre pour 500 ou 600 personnes ? Sans doute, il y a des questions d’éloignement, de distance, qui jouent. Mais tout de même ! »644. L’urbanisation et l’industrialisation qui lui est liée obligent donc à faire des choix rapidement, car la ville n’attend pas : « Il faut faire vite car les villes souffrent d’un sous-équipement sacerdotal qui ira toujours croissant et qui empêche l’évangélisation des pauvres »645.
Bernard Bligny (dir.), Histoire du diocèse de Grenoble…, op. cit., p. 287-288.
Semaine religieuse de Grenoble du 18 mars 1954.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, lettre de Mgr Alexandre Caillot au cardinal Gerlier, 23 août 1954.
Semaine religieuse de Grenoble, 27 janvier 1955.
Réunion des archiprêtres du 20 avril 1954. Compte-rendu publié dans la Semaine religieuse de Grenoble du 22 avril 1954.
Idem.
Idem.