La reconstruction des lieux de culte dans l’agglomération à partir de la Libération a-t-elle joué un rôle dans l’émergence d’un service diocésain chargé d’ériger de nouveaux lieux de culte à partir du milieu des années 1950 ?
Le patrimoine immobilier du diocèse de Lyon a été relativement épargné par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Une enquête réalisée en 1945 par l’Union nationale des coopératives d’églises et édifices religieux sinistrés ne relève que « des dégâts sporadiques » pour le département du Rhône718. Le petit nombre de lieux de culte concerné n’a pas justifié le maintien d’une Coopérative d’églises prenant en charge les réparations719.
Deux églises seulement font l’objet d’une reconstruction complète dans l’agglomération : l’Annonciation à Vaise (9ème arrondissement) et Saint-Michel en bordure sud du quartier de la Guillotière (7ème arrondissement)720. L’église de l’Annonciation avait été construite entre 1891 et 1896 au moment où le quartier de Vaise, avec l’arrivée du chemin de fer, connaissait un rapide développement industriel. Suite à un bombardement allié sur le quartier le 26 mai 1944, l’église est éventrée721. Devant l’importance des dégâts, le bâtiment est rasé. L’église est rebâtie entre 1953 et 1957 sur les plans de l’architecte Paul Koch qui est un spécialiste de ce type de chantiers. Cet architecte-conseil de la Fédération nationale des coopératives pour la reconstruction des églises sinistrées est en effet membre de la Commission nationale de classement des édifices religieux. À ce titre, il est chargé par le MRU de l’étude financière et technique pour la reconstruction des églises entre 1944 et 1946722.
Située sur l’avenue Berthelot aux abords de la place Jean-Macé, l’église Saint-Michel fut également victime des bombardements. Reconstruite sur les plans de l’architecte Rinuccini, elle n’est terminée qu’en 1963. Ce lieu de culte a donc été intégré dans le programme de l’ODPN au même titre que des églises bâties ex nihilo. De ce fait, une partie seulement des travaux ont été financés par l’État au titre de la Reconstruction723.
Bien que le nombre de lieux de culte sinistrés soit très faible, l’Archevêché s’est montré préoccupé du financement de leur reconstruction. Ainsi, répondant à une demande du diocèse, le Commissaire général aux dommages de guerre indique que les sommes indispensables pour assurer la continuité ou la reprise du service public de culte peuvent être prélevées sur les crédits destinés à la reconstruction des immeubles bâtis : « Il ne peut être question d'investir des sommes importantes dans la reconstruction des églises, et ce au détriment de la reconstruction des maisons à usage d'habitation, mais, par contre, la remise en état des édifices cultuels doit être assurée chaque fois que les travaux, exécutés ou en cours, ont permis ou permettent d'accroître la capacité de logement des localités ou desquartiers sinistrés, desservis par une église elle-même endommagée »724. La Semaine religieuse se fait également le relais dans le diocèse des appels lancés par l’ACA pour souscrire à des emprunts en faveur des églises sinistrées sur l’ensemble du territoire national. Le dernier de ces appels date de juillet 1953, soit quatre ans avant le démarrage de l’ODPN725.
Au total, il ne semble donc pas que l’on puisse établir une continuité de pensée - et encore moins d’action - entre le traitement des églises sinistrées d’une part et la création de l’ODPN d’autre part. Il faut concéder toutefois que les sources manquent pour être tout à fait affirmatif sur ce point. Mais il est assez peu probable que la création de l’ODPN trouve son origine dans les réparations des dommages de guerre. Dès lors, si l’on exclut le cas de l’Œuvre du Christ dans la banlieue évoqué plus haut726, a-t-il existé au début des années 1950 un service diocésain qui a pu servir de matrice à l’Office diocésain chargé d’ériger de nouvelles églises dans l’agglomération ?
Au total, sur l’ensemble du territoire français, l’enquête relève environ 6 000 églises endommagées par fait de guerre, dont 3 000 « gravement endommagées ou totalement détruites » (AAL, fonds Gerlier, 11.II.196, rapport sur les églises dévastées par la guerre 1939-1945 établi par l’Union nationale des coopératives d’églises et édifices religieux sinistrés).
Le Groupement « Loire et Rhône » créé en novembre 1946 et rattaché à la Fédération nationale des groupements d’églises et édifices religieux sinistrés en décembre 1946 n’a semble-t-il pas été maintenu après cette date (AAL, fonds Gerlier, 11.II.196, rapport administratif et financier de l’Assemblée générale de la Fédération nationale des groupements d’églises et édifices religieux, 11 juillet 1947).
La reconstruction de l’église Saint-Charles-de-Serin en 1951-1952 n’est pas due à des dommages de guerre. Une première église Saint-Charles avait été construite entre 1876 et 1883 sur la rive gauche de la Saône, au pied du plateau de la Croix-Rousse face à Vaise (en partie financée par l’industriel François Gillet, voir chapitre 1). Au début des années 1950, le percement du tunnel routier sous la Croix-Rousse, matérialisant la volonté des élus locaux d’intégrer plus efficacement le quartier de Vaise et l’Ouest lyonnais à l’agglomération, nécessite la démolition de l’édifice. Louis Mortamet est désigné par l’Archevêché pour dessiner les plans d’une nouvelle église érigée à proximité de l’entrée du tunnel.
Trois vicaires ont également péri dans le bombardement.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.129, lettre de Paul Koch au cardinal Gerlier, 2 juillet 1952. Paul Koch a également conçu les plans de l’église de Bernes-sur-Oise (Val d’Oise) reconstruite en 1951.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, rapport de la réunion générale de l’ODPN par H. Jaillard, 19 juin 1963.
« Groupement des propriétaires des églises et édifices religieux sinistrés », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 5 septembre 1947.
Semaine religieuse du diocèse de Lyon des 17 novembre 1948 et 24 juillet 1953.
Voir chapitre 1.