C. Les réticences de militants et de fidéles

Il faut se garder d’emblée d’un contresens : toute la population catholique du diocèse est loin de s’opposer à la politique de constructions d’églises nouvelles. Au contraire : le soutien financier que reçoivent l’ODPN et les paroisses nouvellement créées témoigne de l’appui moral d’une grande partie des diocésains. Néanmoins, quelques documents laissent entrevoir des critiques qui battent en brèche le bel unanimisme que voudraient susciter les autorités religieuses autour des chantiers.

Le journal Paroisses nouvelles de l’ODPN qui paraît avec le quotidien L’Écho-Liberté ne donne pas directement la parole aux fidèles ou aux militants. La parole est monopolisée par les responsables pastoraux et les membres de l’Office diocésain. Mais, dans certains numéros, il est parfois possible d’avoir une idée, en négatif, des critiques qui ont pu être formulées par des fidèles du diocèse à propos de la construction des paroisses nouvelles. Notre hypothèse repose sur l’idée que c’est parce que l’Archevêché juge ces objections trop largement répandues ou porteuses d’une menace pour la réussite des chantiers - notamment financière -, qu’il décide de s’expliquer sur les fondements de sa politique de construction.

L’enquête que propose le Comité national de construction d’églises (CNCE) - déjà évoquée - s’adresse quant à elle en décembre 1961 à l’ensemble des catholiques, pratiquants ou non, pour éclairer son action. Mgr Mazioux approuve cette forme de sondage : « Les laïcs qui seront demain les usagers de ces édifices et qui doivent, en attendant, en payer les factures, ont bien le droit d’exprimer leur point de vue ». Il faut noter que le directeur de l’ODPN ne dit pas que ces opinions seront prises en compte : il les considère seulement comme la juste possibilité de donner un avis sur ce qu’on pourrait presque appeler, si on reste dans son registre, un « service marchand ». Toujours est-il qu’un questionnaire de deux pages est envoyé aux sections de tous les mouvements d’Action catholique générale et spécialisée du diocèse. La première de ces questions - celle qui sera l’objet de ce paragraphe - se présente ainsi : « Êtes-vous personnellement, est-on, autour de vous et dans votre milieu, hostile, indifférent, favorable, à l’effort diocésain pour la construction des églises ? Pourquoi ? (résumé rapide) »914. Quelques réponses ont été conservées aux Archives diocésaines de Lyon915.

Dans ces deux types de sources apparaissent trois séries de critiques qui prennent la forme de paradoxes : l’incompréhension face à un diocèse qui construit des églises alors que les prêtres sont déjà en nombre insuffisant ; l’image de puissance que dégage l’Église en construisant des lieux de culte alors qu’elle se dit servante et pauvre ; enfin, la désaffection d’un lieu de culte pour un nouveau plus adéquat alors qu’il constituait un fondement de l’identité de la communauté chrétienne sur place.

Notes
914.

AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, duplicata de la lettre du 18 décembre 1961 adressée par Mgr Mazioux aux dirigeants des divers mouvements d’Action catholique et réponses à cette lettre. Dans les lignes qui suivent, sauf indication contraire, les extraits des questions et des réponses au questionnaire CNCE sont tirés de ces documents.

915.

Sur quels critères ? Ou s’agit-il des seules réponses parvenues à l’Archevêché ?