1. Construction d’églises et manque de prêtres

En mai 1962, l’ODPN insère dans Paroisses Nouvelles un encart intitulé « Quand un paroissien pose des questions à son curé » qui est à comprendre comme une mise au point sur un certain nombre de points contestés par certains diocésains916. Les deux premières questions (sur cinq au total), fictives sans aucun doute mais représentatives à coup sûr d’une préoccupation bien réelle, portent sur l’opportunité de construire des lieux de culte : « Le diocèse manque de prêtres… On multiplie églises ou chapelles… Comment pourra-t-on assurer le culte ? » et « Les gens des campagnes font jusqu’à une heure de marche pour se rendre à la messe du dimanche et parfois, dans de biens mauvais chemins. Les gens de la ville, quand ils sont à dix minutes de l’église, demandent un lieu de culte pour leur quartier. N’y a-t-il pas de l’abus ! ». Dans l’enquête du CNCE, la réponse de la section de l’ACGH de La Mulatière va dans le même sens : « Une autre objection parfois rencontrée : "À quoi bon construire des églises puisqu’on manque déjà de prêtres" ».

Ces paroles de fidèles, réelles ou fictives, témoignent au minimum d’une incompréhension entre l’autorité diocésaine et les croyants à la base. La crise des vocations sacerdotales est ressentie par une partie de la population catholique comme un obstacle aux chantiers, alors même qu’elle est au contraire un argument pour le cardinal Gerlier pour construire de nouvelles églises et créer ainsi les conditions d’un éveil des vocations dans les quartiers périphériques917. En outre, ce malentendu oblige les responsables diocésains à s’expliquer sur les efforts consentis par le clergé pour que les paroisses anciennes ne souffrent pas de l’augmentation des lieux de culte : mobilité accrue des curés, mise à contribution du clergé extra-paroissial. L’ODPN justifie également sa politique d’équipement religieux en faisant valoir qu’il en va de l’intérêt de l’ensemble des diocésains : l’implantation de lieux de culte dans les nouveaux centres « de rencontre, d’échanges et d’influence » rejaillit indirectement sur toute la vie du diocèse.

Par ailleurs, le questionnement tel qu’il est formulé par les rédacteurs de l’article de Paroisses nouvelles fait jouer à plein la dichotomie ville/campagne et ranime les réflexes d’identité du rural contre l’urbain. Cette présentation a un intérêt pédagogique918 évident, mais elle renvoie vraisemblablement à des sentiments réels chez les catholiques ruraux, qui comprennent difficilement cette politique de constructions qui semble les délaisser.

Notes
916.

« Quand un paroissien pose des questions à son curé », dans Paroisses Nouvelles, supplément au n°812 de L’Écho-Liberté du 12 mai 1962.

917.

Voir infra dans le même chapitre.

918.

On serait presque tenté d’écrire : « démagogique » !