La critique traditionnelle de la richesse temporelle de l’Église se déploie également au moment de la construction de nouvelles églises. Un exemple suffira pour en donner les termes.
En octobre 1962, Mgr Ancel envoie depuis Rome où il siège au Concile un article qui est placé en « Une » du journal Paroisses nouvelles 919. L’objet de son intervention est de répondre à un certain nombre de « critiques », entendues « plusieurs fois » et « personnellement », à l’encontre de l’effort diocésain en faveur des églises nouvelles920.
Pour mieux les réfuter, l’évêque auxiliaire reprend ces objections qui se réclament toutes, précise-t-il, de « l’action missionnaire » : « On dit par exemple : "il ne s’agit pas de bâtir des églises, mais d’édifier l’Église ; il ne faut pas que les prêtres et les laïcs perdent leur temps à s’occuper de constructions, il faut qu’ils se donnent totalement et uniquement à l’apostolat ; le Christ n’a pas dit à ses Apôtres de construire des églises, Il leur a dit d’annoncer l’Évangile"[…]. D’autres disent : "Il y a encore trop de gens qui sont mal logés, occupez-vous d’abord des membres du Christ qui souffrent ; quand ils seront tous convenablement logés, alors vous pourrez construire des églises !" »921. Ces critiques émanent sans nul doute des milieux progressistes du catholicisme lyonnais. Elles renvoient à une théologie de l’enfouissement, conçue comme une action au cœur des masses, éloignée de toute pratique ostentatoire de l’Église et de la hiérarchie.
La réponse du Supérieur des prêtres du Prado est intelligente dans la mesure où elle se situe sur le même plan missionnaire. Mgr Ancel prend acte de ces critiques, qui ont, dit-il, « malgré certaines exagérations, toutes une base solide ». Mais l’évêque renverse l’argumentation en affirmant que c’est précisément en soutenant l’effort de l’ODPN que ces dérives seront évitées. Avec l’Office diocésain, les fidèles actualisent trois valeurs missionnaires : l’unité de l’Église au service de chacun, et notamment des paroisses les plus pauvres ; le dépouillement volontaire, lorsque des paroisses « marraines » financent des paroisses « filleules » ; enfin « l’indépendance de l’Église vis-à-vis des puissants et des riches de ce monde », dans un vocabulaire qui n’est pas sans évoquer les termes de la réforme grégorienne du XIème siècle !
Le débat pastoral qui oppose les tenants de la visibilité de l’Église en ville à ceux qui militent en faveur d’un « enfouissement » va se révéler prégnant tout au long des années 1960 avant de remettre en cause la politique d’équipement religieux dans le diocèse à partir du début des années 1970922.
Mgr Alfred Ancel, « Construction des églises et action missionnaire », dans Paroisses Nouvelles, supplément au n°839 de L’Écho-Liberté du 18 novembre 1962, 25 octobre 1962.
Critiques entendues… à Rome où il se trouve ?
Mgr Alfred Ancel, « Construction des églises et action missionnaire »…, op. cit.
Voir chapitre 12.