II. Une responsabilité canonique de l’évêque 

A. Les fondements canoniques

Dans le Code de droit canonique de 1917, un canon du Livre second « Des Personnes » et trois canons du Livre trois « Des Choses » concernent directement la justification de l’érection de paroisses nouvelles et la construction de nouveaux lieux de culte. Le premier fait de l’évêque le responsable de l’état religieux du territoire qui lui est confié. Obligation lui est faite de pourvoir à l’éducation des populations dans la foi chrétienne. Le canon 336 § 2 déclare en effet que les évêques « doivent consacrer leurs efforts à la conservation de la pureté de la foi et des mœurs dans le clergé et le peuple, surtout chez les enfants et les gens peu instruits ; ils doivent faire en sorte que l’éducation de l’enfance et de la jeunesse soit donnée d’après les principes de la religion catholique ». C’est ce canon qui a motivé au premier chef le rattachement de l’archiprêtré de Villeurbanne au diocèse de Lyon en 1954-1955 : « La difficulté en conséquence qu’éprouve l’Ordinaire de Grenoble à observer strictement les prescriptions du canon 336 concernant la vigilance pastorale »926. Toute paroisse nouvelle est canoniquement découpée dans l’espace formé par les paroisses déjà existantes. La création de ce nouveau bénéfice ecclésiastique est rigoureusement encadrée. Le canon 1427 § 1 stipule :

‘« § 1 Pour une cause juste et canonique, les Ordinaires peuvent aussi diviser les paroisses ou démembrer leurs territoires, même contre la volonté de leurs recteurs et sans le consentement du peuple, en érigeant une vicairie perpétuelle ou une nouvelle paroisse.
§ 2 Pour que la division ou le démembrement de la paroisse puisse être effectué, la seule cause canonique requise peut être soit une grande difficulté d’accès à l’église paroissiale, soit l’accroissement du nombre des paroissiens, au bien spirituel desquels il est impossible de pourvoir dans les conditions prévues au Can. 476 § 1 ».’

Ce canon 476 § 1 précisant :« § 1. Si le curé, à cause du grand nombre de ses ouailles ou d’autres circonstances, ne peut pas, du jugement de l’Ordinaire, assurer seul le soin de sa paroisse, il faut lui donner un ou plusieurs vicaires coopérateurs, à qui une juste rémunération doit être assignée ».

L’évêque est par conséquent le seul à pouvoir canoniquement fonder une nouvelle paroisse. D’autre part, cette fondation doit être pleinement justifiée, ce que rappelle le canon 1428 § 2 : « l’union, la translation, la division, le démembrement faits sans cause canonique sont nuls». Trois motifs seulement peuvent par conséquent justifier l’érection d’une nouvelle paroisse : l’accès difficile à l’église paroissiale, l’augmentation du nombre de fidèles, l’insuffisance ou l’incapacité de recourir à la solution des vicaires paroissiaux927. Si l’on retrouve sans surprise ces justifications dans les documents officiels du diocèse, il vaut la peine de s’intéresser de près aux formulations dans les ordonnances épiscopales, afin de comprendre comment les autorités religieuses mettent en application le droit canon dans le cas d’une agglomération urbaine en croissance spatiale et démographique.

Notes
926.

AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, supplique sollicitant le « démembrement » du diocèse de Grenoble pour un rattachement de l’archiprêtré de Villeurbanne au diocèse de Lyon, 1954.

927.

On trouve déjà les deux premiers motifs comme causes de construction de nouveaux lieux de culte dans les faubourgs parisiens au XIXème siècle et encore aux lendemains de la loi de Séparation (voir Jacques-Olivier Boudon, « Les nouvelles paroisses parisiennes… », op. cit., en particulier p. 346).