A. La plantatio ecclesiae : enracinement de l’église et rassemblement d’une communauté

Cette première conception de la mission est celle que systématise le jésuite Pierre Charles de l’Université de Louvain dans les années 1930, mais qu’il reprend d’une tradition héritée du XIXème siècle. La plantatio ecclesiae, qui donne naissance à une stratégie missionnaire universelle, se définit comme la constitution d’églises locales par essaimage à partir du centre romain⁹⁴⁶.

Cette doctrine, que Claude Prudhomme résume dans la formule « Bâtir pour s’établir », est explicitement revendiquée par l’autorité diocésaine dans le cadre de l’équipement religieux après 1945. En témoigne la recension déjà évoquée du livre Construire des églises de Paul Winninger par Henri Denis dans la Semaine religieuse. L’abbé Denis, qui encourage par ailleurs la lecture de l’ouvrage, précise en conclusion que « l'auteur ne prétend pas qu'il suffise de construire des églises ; il prétend seulement que, pour faire tout le reste, il faut d'abord que l'Église soit plantée. Nous retrouvons dans son argumentation tous les thèmes de la missiologie contemporaine (missions en terre païenne) »⁹⁴⁷.Cette « implantation de l’Église », évoquée à d’autres reprises dans les sources diocésaines⁹⁴⁸, s’articule autour de quatre thèmes en phase avec le discours des catholiques lyonnais de l’ODPN.

Il s’agit avant tout de créer la Maison de Dieu, car l’enjeu est la présence du Christ sauveur dans les nouveaux espaces urbanisés. D’autre part, cet enracinement renvoie à la théologie de l’Incarnation, qui permet de penser le sens du territoire. La plantatio ecclesiae est aussi le rassemblement d’une communauté, qui fait corps autour de la figure centrale du prêtre. Enfin, l’implantation de l’Église est la condition pour l’éveil de nouvelles vocations sacerdotales qu’il faut sans doute rapprocher de l’encouragement constant de Rome et des théologiens catholiques à former un clergé indigène dans les pays de mission.