1. Répondre à la demande d’une communauté naissante

Répondre à l’attente des jeunes communautés dépourvues de lieu de culte en dur est une réelle préoccupation de l’autorité diocésaine. Certes, la publicité donnée à ces besoins est aussi utilisée comme arme de propagande pour réclamer des fonds et justifier le bien-fondé des chantiers diocésains. Ainsi, pour solliciter les dons d’entreprises, Mgr Mazioux évoque « ces centres religieux désirés par la plus grande partie des habitants, même s'ils sont loin de suivre régulièrement les offices » ; l’érection de ces lieux de culte est à considérer comme « un véritable service commun nécessaire à la société »¹¹⁴⁴.

Cependant, l’attente est souvent bien réelle et des communautés chrétiennes dans des quartiers neufs réclament une reconnaissance canonique. Ainsi, aux Minguettes à Vénissieux, cent familles sur les 250 installées dans les HLM au milieu des années 1950 « ont déjà signé une pétition pour l’établissement d’un centre religieux »¹¹⁴⁵. Le cardinal Gerlier reprend cet exemple dans un appel aux dons lu dans les églises du diocèse en février 1957, en y ajoutant le cas de catholiques qui, avec leurs pieds, témoignent d’une demande de lieu de culte : « Ailleurs, ces populations appellent, elles-mêmes, la création de centres religieux. Dans tel autre quartier, cent familles sur 250 ont signé récemment une pétition pour l'édification d'une chapelle. N'a-t-on pas vu, à Noël dernier, le modeste baraquement mis à la disposition d'un prêtre pour y célébrer la Messe de minuit, rempli de façon débordante par une population avide de choses religieuses, tandis que jusqu'alors Noël n'avait été marqué, au milieu d'elle, que par le bruit et le luxe insolent des fêtards d'une salle de danse et de réveillon ? »¹¹⁴⁶. L’église Sainte-Élisabeth était de même « depuis longtemps attendue » par les habitants de la Croix-Rousse si l’on en croit une des photographies légendées du journal Paroisses nouvelles du 18 novembre 1962.

Dans ces cas précis, il semble donc que ce soit la présence d’une communauté existante qui ait été déterminante pour l’implantation d’un lieu de culte. À ce titre, le cas du quartier des Poulettes à Villeurbanne mérite lui aussi une nouvelle fois un intérêt particulier. Ce secteur est situé à la jonction de deux paroisses, Croix-Luizet et Sainte-Madeleine-des-Charpennes. En janvier 1958, le curé des Charpennes dénonce l’inaction de l’Archevêché depuis plusieurs années en matière d’équipement religieux dans ce quartier et se fait le porte-parole d’une communauté d’après lui oubliée : « En particulier, je soutins[dans une lettre récente à Mgr Dupuy] que dès maintenant, sans attendre les nouvelles constructions, la partie charpennoise des Poulettes comporte beaucoup de familles chrétiennes mais abandonnées, et qu’il est urgent de leur donner un prêtre qui s’occupe d’elles et établisse au plus tôt un lieu de culte et une salle de catéchisme à leur portée. Cette nécessité d’un lieu de culte à proximité était la conviction profonde du père Monnier qui avait expérimenté au Tonkin [un quartier voisin] la montée immédiate de ces familles déracinées, mais à l’affût dans leur quartier d’une église où se trouve le Bon Dieu […]. N’est-il pas douloureux de penser que tout au long du cours É. Zola il n’y a pas de lieu de culte avant Cusset ? Sainte-Thérèse disparaît totalement derrière le bloc laïque des "Gratte Ciel". Cette absence est très vivement ressentie par les familles chrétiennes du quartier »¹¹⁴⁷. Ces communautés à l’affût d’un lieu de culte sont-elles pour autant toujours écoutées ?