Dès lors, le choix d’un quartier, d’un secteur ou d’un site particulier pour implanter un nouveau lieu de culte s’effectue sur des critères qui, tout en se conformant autant que possible aux principes théoriques d’urbanisme que s’est fixés l’ODPN, doit tenir compte des conditions locales voire microlocales. Or, il semble qu’une sorte de consensus se soit dessinée autour de la notion d’autonomie.
Dans bien des situations où cette condition est remplie, que ce soit pour le cas d’un quartier ou mieux, d’une communauté chrétienne déjà en fonctionnement, le choix du site, de l’îlot ou du secteur proposé pour une implantation paraît avoir été accepté sans trop d’hésitations par l’Archevêché. Ainsi, pour l’archiprêtre de Villeurbanne, ce sont « l’organisation autonome et l’équipement du quartier au point de vue civil » qui justifient à ses yeux que suive un équipement religieux dans le quartier de la Poudrette au milieu des années 19501160.Quinze ans plus tard, c’est encore l’autonomie du quartier qui sert de fondement à une politique de construction sur le plateau de la Duchère, au nord de Lyon1161. Inversement, la construction d’un lieu de culte certifie l’existence d’un quartier se suffisant à lui-même1162. Comment se traduit concrètement l’émergence d’une vie paroissiale dans un quartier neuf qui permette précisément de prétendre à cette autonomie ? Plusieurs ordonnances de création de paroisses nouvelles font état d’œuvres ou de patronages, en particulier en direction de la jeunesse, qui sont propres à l’espace urbain en cours de peuplement. Le nouveau lieu de culte est généralement construit à proximité. Par exemple, la création de la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes dans le quartier de Vaise est rendue possible par « un aménagement suffisant » structuré autour d’ « œuvres d’enfants déjà en partie fondées »1163. De même, l’église de Sainte-Marie-de-la-Guillotière est bâtie là où fonctionne « un groupe important de jeunesse déjà constitué sous le vocable de Sainte-Marie »1164.
L’implantation d’une congrégation religieuse peut également expliquer l’acquisition d’un terrain à proximité, comme ce fut le cas par exemple à la fin des années 1930 pour l’église de Sainte-Thérèse-de-la-Plaine à Sainte-Foy-lès-Lyon1165. Ainsi, dans le quartier de la Ferrandière à Villeurbanne, c’est l’annexe desservie par les religieux Clarétains (pères du Cœur-Immaculé-de-Marie) qui devient église paroissiale en 19591166. À la Mulatière, au sud de l’agglomération, l’église nouvelle du Roule se substitue à la chapelle du scolasticat des Maristes qui accueille le dimanche les habitants d’un quartier qui s’urbanise rapidement, comme l’atteste l’achèvement d’une Cité « castor » en 1956-19571167. Derrière la basilique de Fourvière, l’Archevêché envisage un temps la construction d’un lieu de culte pour desservir les populations nouvellement installées à Loyasse et dans le quartier de la Sarra, et les religieuses du Verbe-Incarné acceptent de céder 5 000 m2 de terrain rue des Quatre-Vents1168.
L’autonomie d’un quartier est également visible à travers la présence d’une chapelle de secours qui s’avère décisive pour le choix du site d’implantation de la nouvelle église. Ces lieux de culte toujours provisoires, souvent démontables et parfois réutilisés dans plusieurs quartiers avant une construction en dur, sont à considérer comme de véritables « têtes de pont » pour l’implantation d’une future église. C’est le cas à Bron, où la chapelle des Essarts dans le quartier du même nom sert de base à l’édification d’une véritable église à partir de la fin des années 19501169. Il en va de même à la Croix-Rousse où l’église Sainte-Élisabeth remplace une bâtisse provisoire près du presbytère et des salles de catéchisme déjà construits1170. Dans le quartier des États-Unis, la nouvelle église Saint-Jean-Apôtre sort de terre à quelques mètres de la chapelle préfabriquée, sur un vaste terrain en cours d’urbanisation1171.
Cette insertion réussie dans le nouveau tissu urbain nécessite une connaissance des aménagements en cours. La recherche d’informations apparaît par conséquent comme une préoccupation majeure de l’Archevêché dans sa politique de constructions de lieux de culte. Elle est la condition fondamentale d’une bonne implantation.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, rapport de l’archiprêtre de Villeurbanne Veyron à Mgr Caillot évêque de Grenoble, 28 juillet 1953.
« L’équipement religieux de la Duchère a été décidé en 1958 par le cardinal Gerlier et Mgr Dupuy en fonction de quatre quartiers à autonomie propre » (AAL, fonds Delorme, I. 1511 bis, lettre du chanoine Louis de Galard (sans destinataire mentionné, probablement Mgr Delorme), 7 avril 1971).
« Ce quartier regroupe la population la plus pauvre. Il a, pour une part, sa vie propre et celle-ci a déjà été reconnue par l’implantation d’un lieu provisoire de culte et de rassemblement » (AAL, fonds Delorme, I. 1511 bis, « Accord sur le projet de relais paroissial de la Sauvegarde à la Duchère », 2 décembre 1971).
« Ordonnance érigeant la paroisse de Notre-Dame-de-Lourdes dans l'archiprêtré de Saint-Pierre-de-Vaise », Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 11 janvier 1948.
« Ordonnance de Son Éminence érigeant la paroisse Sainte-Marie-de-la-Guillotière dans l'archiprêtré Notre-Dame-Saint-Louis à Lyon », Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 24 mai 1952.
Œuvres scolaires et patronages de la paroisse embryonnaire ont bénéficié du « concours des religieuses du Carmel apostolique » (« Ordonnance de Son Éminence l’Archevêque de Lyon érigeant la paroisse de Sainte-Thérèse, dans le quartier de la Plaine », Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 5 novembre 1937).
« Érection de la paroisse du Cœur-Immaculée-de-Marie à Villeurbanne », Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 1er juillet 1959.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, rapport « Les projets des futurs paroisses », sans date, vraisemblablement 1956-1957.
Idem.
« Ordonnance de l'érection de la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes "Les Essarts" à Bron », Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 16 septembre 1955.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, rapport « Les constructions » de H. Jaillard pour la réunion générale de l’ODPN, 19 juin 1963.
Photographie légendée dans le journal Paroisses nouvelles, supplément au numéro 757 de L’Essor, 23 avril 1961.