4. Un bilan financier difficile à établir

Ces quelques données chiffrées peuvent paraître bien imprécises et partielles. Plusieurs difficultés méthodologiques compliquent la tâche de l’historien pour établir un bilan fiable. D’abord, les documents dépouillés mentionnent des espaces très différents d’un rapport financier à l’autre : les chiffres donnés pour le diocèse sont à distinguer des données concernant la seule agglomération lyonnaise. D’autre part, l’ODPN parle parfois en termes de « tranches » pour les chantiers, mais la liste de lieux de culte de chaque « tranche » s’allonge régulièrement pour prendre en compte de nouveaux besoins ; dès lors, et le nombre de centres religieux et la durée des « tranches » s’en trouvent modifiés. En outre, l’ODPN a recours à de multiples expressions qui ne sont pas synonymes entre elles pour dénombrer les lieux de culte : le « centre religieux complet » regroupe l’église et ses annexes, mais que désigne exactement le terme « paroisse » ? À quels bâtiments correspond l’expression « centre religieux » sans l’adjectif « complet » ? D’après les informations de l’Archevêché, le coût de la construction passe de 250 000 à 300 000 francs pour une « paroisse nouvelle » en octobre 1957 à 300 000 à 400 000 francs en octobre 1960 puis « entre 300 000 et 600 000 francs » un an après.

Il est par ailleurs difficile, faute de documents comptables, de rendre compte précisément du recours aux emprunts ou à d’autres formes de financement en lien avec la loi de finances de juillet 1959. Ainsi, il n’a été retrouvé nulle confirmation de prêts contractés en 1958 qu’évoque pourtant le bulletin diocésain en 1975 pour alerter les fidèles sur les difficultés du remboursement1246. De même, l’Association diocésaine a-t-elle bénéficié de subventions allouées par les services ministériels de l’aménagement du territoire aux organismes privés « qui entreprennent des travaux de nature à permettre une meilleure utilisation des îlots urbains », ou qui concourent « à la réalisation des travaux d’équipementcollectif du lotissement ou de l’ensemble d’habitations » ? Une note de l’ACA datée du 25 juin 1956 retrouvée aux Archives diocésaines de Lyon assure que l’État interprète de façon très large l’octroi de ces subventions, pouvant aboutir à des cas-limites de financement public : « Si le sectarisme local n’oblige pas le Ministère à renoncer à ses intentions, la construction de l’église elle-même, et en tout cas celle des annexes, pourront être en partie financées par la collectivité »1247. Là encore, aucun document dépouillé ne permet de confirmer ou d’infirmer le recours par l’Archevêché de Lyon à ces types de financement.

Il reste qu’un chiffre peut donner une idée du volume de dépenses effectuées dans le cadre des chantiers diocésains. Au total, l’ensemble du diocèse a dépensé entre 1957 et 1970 environ 30 millions de nouveaux francs pour l’équipement religieux1248. Ce chiffre comprend les archidiaconés de Roanne et de Saint-Étienne, et porte sur les quatre-vingt-un projets alors réalisés, qui ne se sont pas tous des églises nouvelles : des agrandissements de lieux de culte, la construction de salles de catéchisme ou de réunion sont comprises dans ce volume de dépenses.

Or, au milieu des années 1970, les églises nouvelles sont loin d’être entièrement payées. Le diocèse doit faire face à une dette importante, dont le remboursement s’étend au-delà du cadre chronologique fixé pour ce travail. En 1968 comme en 1970, l’ODPN doit encore rembourser 6 millions de nouveaux francs pour l’ensemble des constructions nouvelles dans le diocèse1249. Un calcul effectué pour les seules églises nouvelles de l’agglomération lyonnaise donne le chiffre de 6,08 millions de francs de dettes au 1er octobre 19711250. Le budget de l’ODPN est alors désormais intégré à celui de l’Association diocésaine. En novembre 1974, du fait des ventes opérées par la Commission des biens immobiliers, l'ensemble des arriérés se chiffre autour de 4,5 millions francs pour l’ensemble des constructions dans le diocèse de Lyon (2,8 millions pour celui de Saint-Étienne)1251. En 1978, la question n’est pas encore réglée, car une quête est organisée pour « les églises et aumôneries nouvelles ». L’année précédente, l'ODPN avait affecté intégralement au remboursement des dettes les 50 centimes sur les honoraires de messes et une quête spécifique, soit au total une somme de 344 000 francs1252.

Il faut reconnaître pourtant que le Diocèse n’a pas ménagé ses efforts pour susciter un élan de sympathie et de générosité autour de la question des églises nouvelles. Pour ce faire, les responsables de l’Office diocésain se sont employés à mettre en œuvre un dispositif de sensibilisation. La mobilisation espérée s’appuie sur la production et la diffusion de supports matériels de propagande (presse diocésaine, tirelires familiales) mais elle pose également le problème de l’accommodement de la question financière chez les catholiques.

Notes
1246.

« Quête du Christ-Roi », Église de Lyon du 21 novembre 1975.

1247.

AAL, fonds Gerlier, 11.II.8, note du 25 juin 1956.

1248.

AAL, fonds Delorme, I. 1542, « ODPN. Informations données à la réunion de la Commission du Temporel du 21 octobre 1970 et questions posées ».

1249.

« Appel pour les églises nouvelles, par le cardinal Renard », Église de Lyon du 18 octobre 1968 ; AAL, fonds Delorme, I. 1542, « ODPN. Informations données à la réunion de la Commission du Temporel du 21 octobre 1970 et questions posées ».

1250.

AAL, fonds Delorme, I. 1542, « CDERIER. Situation financière des projets déjà réalisés au 1er octobre 1971 ».

1251.

« Les églises nouvelles », Église de Lyon du 15 novembre 1974.

1252.

« Quête pour les paroisses et aumôneries nouvelles », Église de Lyon du 3 novembre 1978.