A. une paroisse ancienne, dynamique et SOUMISE À UN essor démographique accéléré depuis 1945.

1. Le quartier de Cusset, berceau historique de Villeurbanne

La butte de Cusset (également appelée « Haut-Villeurbanne » au XIXème siècle)1306 constitue l’une des premières implantations humaines de Villeurbanne, à l’abri des inondations du Rhône et de la Rize. Le quartier est resté très largement rural jusqu’à la fin du XIXème siècle. Un plan de la commune de Villeurbanne en 1862 mentionne le « hameau » de Cusset comme espace le plus densément peuplé, avec celui des Charpennes plus à l’ouest1307. La famille Gillet y installe dès 1887 une unité industrielle de teinturerie et d’apprêt, à laquelle s’ajoute quelques années plus tard la construction d’une centrale hydro-électrique sur le canal de Jonage. Mais l’urbanisation du quartier ne commence véritablement qu’avec la mise en service de la ligne de tramway « Perrache-Cusset » en 1901, qui emprunte dans sa partie finale le cours Émile-Zola1308. À proximité de l’église Saint-Julien et en bordure de la Rize se développe tout un ensemble de cafés-comptoirs et de guinguettes qui bénéficient de la présence du terminus1309.

Comme l’ensemble de la commune de Villeurbanne, Cusset est marqué, à partir de cette époque et jusqu’aux années 1980, par l’affirmation d’un socialisme municipal1310. Pour Bernard Meuret, le territoire a été transformé sur la base d’un fort et quasi continuel volontarisme des élus. Soucieuse de l’autonomie villeurbannaise, la municipalité est animée par un idéal d’émancipation de la classe ouvrière, en particulier dans les années 1920-1930. C’est à Cusset qu’est par exemple construite une des premières piscines d’été de l’agglomération (1932), avec des équipements modernes qui en font un des symboles de l’utopie socialiste villeurbannaise1311. Néanmoins, à l’époque de la construction de la nouvelle église de Saint-Julien, les deuxième, troisième et quatrième mandats du maire socialiste Étienne Gagnaire (1959-1977) dérivent progressivement vers un apolitisme affiché, dans une logique gestionnaire « où le possible l’emporte sur le souhaitable »1312. En particulier, la municipalité serait restée indifférente à la hausse des rentes foncières, notamment le long du cours Émile-Zola bientôt équipé d’une ligne de métro. Dans un contexte de désindustrialisation accélérée à partir du milieu des années 1960, l’absence de politique claire en matière de logement social aurait eu des effets néfastes sur le marché immobilier : « Le capitalisme privé s’empare de plus en plus des emplacements laissés libres par les usines, sans que les pouvoirs municipaux tentent véritablement quelque chose »1313. On retrouve cette même tradition de socialisme municipal avec des évolutions politiques semblables - multiplication des formes d’interventionnisme social jusque dans les années 1930 puis apolitisme de principe dans la gestion des affaires communales - dans des villes du Nord de la France, en particulier Roubaix entre 1912 et 19771314.

Notes
1306.

Bernard Meuret, Le socialisme municipal…, op. cit., p. 52.

1307.

Plan sans référence précise repris par Bernard Meuret dans Croix-Luizet, quartier de Villeurbanne…, op. cit., p. 20.

1308.

Le prolongement du cours Vitton à partir des Charpennes prend le nom de l’écrivain quelques jours après la mort de celui-ci, en 1902.

1309.

Christophe Coupaud, Villeurbanne, promenade en ville, collection « Mémoire en Images », Saint-Cyr-sur-Loire, Éditions Alan Sutton, 2006, p. 56-61 et 85.

1310.

Bernard Meuret, Le socialisme municipal…, op. cit. Cet ouvrage reprend sa thèse de troisième cycle de sociologie urbaine intitulée Socialisme et localités. Histoire d’une différenciation, soutenue à l’Université de sciences sociales de Grenoble en juin 1980.

1311.

Bernard Jadot, Villeurbanne, mon village de A à Z, Brignais, Éditions des Traboules, 2000, p. 93.

1312.

Bernard Meuret, Le socialisme municipal…, op. cit., p. 240.

1313.

Idem, p. 233.

1314.

Ce socialisme municipal roubaisien se caractérise par la recherche du consensus, l’importance des réseaux catholiques et patronaux mais aussi par l’inscription d’une large fraction de la population locale dans une relation de dépendance vis-à-vis des services municipaux (Catherine Neveu, Citoyenneté et espace public…, op. cit., p. 65-67).