B. Construire ? Reconstruire ? Prospecter ? Les atermoiements autour de la question du lieu de culte de Cusset

1. Un lieu de culte devenu problématique au tournant des années 1950-1960.

La vieille église de Saint-Julien-de-Cusset, située rue Pierre-Baratin, pose un double problème à partir de la fin des années 1950. Le mauvais état du toit de l’édifice est d’abord à l’origine de plusieurs gouttières qui provoquent des inondations dans la nef les jours de pluie. Les murs s’en trouvent dégradés, ce qui nécessite régulièrement des travaux coûteux. De l’avis du curé, la mairie de Villeurbanne propriétaire des lieux agit en outre trop lentement pour remédier à ces dégradations1359. En hiver 1960, la remise en état des murs et de la peinture oblige les paroissiens à se replier dans le rez-de-chaussée de la cure pour la messe du dimanche1360.

Surtout, avec l’arrivée de nouveaux habitants dans le quartier, la capacité de l’église montre ses limites, notamment lors des grandes fêtes religieuses : elle ne comporte que 250 places alors que la paroisse comprend entre 9 et 10 000 habitants1361. L’accroissement démographique dans le quartier est visible dans les cahiers d’annonces de la paroisse. Le curé souhaite régulièrement la bienvenue aux nouveaux paroissiens « qui s’installent dans des immeubles neufs » et les fidèles sont sollicités pour aider les jeunes travailleurs embauchés dans les usines du quartier qui n’ont pas encore trouvé de logement1362. Un vicaire supplémentaire est par ailleurs nommé par l’Archevêché en 1956 pour faire face à ces nouveaux besoins1363. Les difficultés de formulation du curé dans la rédaction de ces annonces sont sans doute révélatrices d’une angoisse face à l’urbanisation accélérée du quartier. Le père Loison mêle par exemple exiguïté de l’église et augmentation du nombre de pratiquants dans un précipité significatif (« remplacer notre église de plus en plus trop petite »), ou associe dans un raccourci saisissant accroissement démographique et extension spatiale (« Le quartier augmente toujours »)1364.

Y a-t-il eu de la part du curé Loison la préoccupation de s’appuyer sur des données démographiques précises pour trouver une solution adéquate ? Dans les archives paroissiales, il n’est pas fait de mention explicite d’une utilisation des résultats du recensement religieux de mars 1954, publiés en 1957, qui portaient à 8 % le taux de pratique dominicale pour la paroisse1365. Ce très faible pourcentage, dans la moyenne des autres paroisses de Villeurbanne1366, place Saint-Julien-de-Cusset au 81ème rang (sur 87) dans l’agglomération pour le taux de « messés ». Quatre ans plus tard, en décembre 1961, lorsque s’amorce le projet d’une nouvelle église, le curé Loison évoque, sans indiquer ses sources, les chiffres de 12 500 habitants dans le quartier, « environ 14 000 dans le proche avenir », et entre 9 et 10 % de pratiquants1367. Les chiffres de population, différents de ceux donnés en 1957 à Mgr Dupuy, témoignent d’une prise en compte de la dynamique de peuplement. Ils sont repris par l’Association paroissiale et servent constamment de référence pour justifier le chantier1368. Quant au pourcentage de pratique, il est donc, à un point près, conforme aux résultats publiés par l’Institut de sociologie. Ces données chiffrées ont donc constitué pour la paroisse une sorte de « mémoire de référence » qui a pu fournir au moins une base de calcul ou un ordre de grandeur au père Loison.

Notes
1359.

APSJC, Ba3, cahier d’annonces, 2 septembre 1956.

1360.

APSJC, Ba3, cahier d’annonces, 6 et 27 mars 1960.

1361.

Soit un accueil théorique, non mentionné par le père Loison de seulement 2,5 % de la population du quartier (APSJC, Ca2, « mémoire remis à Mgr Dupuy » par le curé Loison, 1957).

1362.

APSJC, Ba3, cahier d’annonces, 2 septembre 1956, 10 mars 1957, 18 septembre 1960 (18 septembre 1960 pour la citation).

1363.

APSJC, Ba3, cahier d’annonces, 12 juillet 1956 (nomination du père Pierre Buteaud).

1364.

APSJC, Ba3, cahier d’annonces, 27 octobre 1957 et 18 septembre 1960.

1365.

Jean Labbens et Roger Daille, La pratique dominicale…, op. cit., annexe statistique n°2, p. 41.

1366.

12,0 % pour La Nativité, 10,4 pour Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus, 10,3 pour la Sainte-Famille, 8,7 pour le Saint-Curé-d’Ars, 8,6 pour Sainte-Madeleine-des-Charpennes, 6,6 pour Saint-Joseph. Le taux brut (par rapport à la population de la commune) de pratique dominicale s’élève à 9,6 % pour l’ensemble des paroisses de Villeurbanne (calcul effectué par nos soins à partir des données disponibles dans l’annexe statistique n°2 citée dans la note précédente).

1367.

APSJC, Ca6, fiche de renseignements demandés par l’ODPN, 22 décembre 1961.

1368.

APSJC, Cb1, compte-rendu du comité d’administration, 15 janvier 1962.