1. La collecte des fonds sur le territoire paroissial

Plusieurs moyens sont régulièrement mis en œuvre pour collecter des fonds auprès des habitants de Cusset et de Villeurbanne en général. Ils correspondent pour la majorité d’entre eux à des pratiques catholiques traditionnelles d’appel à la générosité.

Des kermesses paroissiales et des ventes de charité ponctuent chaque année. C’est le cas par exemple en 1962 avec un grand succès du bazar qui permet de récolter 4 600 francs, auxquels s’ajoutent les recettes de la vente paroissiale habituellement organisée le premier dimanche de l’Avent1397. Combien rapportent ces fêtes et ventes diverses ? Le chiffre de 11 500 francs de moyenne annuelle est avancé en 1966 par les membres du Comité, ce qui n’empêche pas des années creuses1398. En particulier, la kermesse a dû être annulée au printemps 1968 en raison « des événements de mai-juin ». Une tombola est prévue en décembre de la même année pour compenser ce manque à gagner estimé à 6 000 francs1399.

Ce sont cependant les quêtes, dons et souscriptions qui constituent l’essentiel des ressources de l’Association paroissiale. La quête du 21 mai 1961 est la première dont les fonds récoltés serviront directement et exclusivement à la nouvelle église de Cusset, contrairement aux quêtes organisées à l’initiative de l’Archevêché et de l’ODPN pour les églises nouvelles au pluriel, en particulier le jour de la fête du Christ-Roi1400. Ces appels à la générosité sont la plupart du temps accompagnés d’un commentaire explicatif, de la part du prêtre lorsque l’annonce est faite en chaire ou via une feuille paroissiale distribuée par des membres de l’association à la sortie de l’église. Sont alors rappelées les grandes lignes du projet puis, de novembre 1967 à mai 1969, les étapes de l’avancée du chantier. La maquette-église, évoquée plus haut, sert de tirelire permanente depuis le lancement du projet (1961) et recueille environ 3 000 francs chaque année. À partir de 1970, l’édition et la vente de deux cartes postales représentant l’intérieur et l’extérieur de la nouvelle église, constituent un apport supplémentaire de ressources, tout en contribuant à faire connaître cette réalisation hors de l’agglomération lyonnaise1401.

En moyenne, les seuls dons et souscriptions locaux représentent 9 000 francs d’apport annuel pour l’Association paroissiale (estimation de 1966), qui sont le fait de 180 familles du quartier, soit deux cinquièmes de l’ensemble des foyers pratiquants de la paroisse1402. Pour une église dont les fondations ne sont pas encore sorties de terre à cette date, c’est un effort remarquable, qui correspond à deux fois l’effort consenti par l’ensemble des paroisses marraines réunies. À partir du moment où le projet des architectes, plusieurs fois remanié, est accepté par le Comité (octobre 1965), les dons connaissent une forte augmentation : 11 700 francs pour l’année 1965, 15 500 en 1966, 32 800 en 1967 (sommet de la courbe). Si 1968 marque le pas (chute de 36 % pour ce type de revenus par rapport à 1967), l’année d’achèvement des travaux voit retrouver les chiffres exceptionnels de 1967 (32 800 francs en 1969) avant de se stabiliser autour de 15 000 francs par an jusqu’en 19731403. Au total, les ressources recueillies sur la seule paroisse de Cusset s’élèvent à 380 000 francs pour la période 1961-1973, soit une moyenne annuelle de 29 200 francs. La courbe des quêtes (qui inclut cependant aussi les recettes des fêtes) suit la même trajectoire, d’abord avec des chiffres supérieurs aux dons, avant de s’inverser au moment du démarrage du chantier. Cette courbe en ciseaux s’explique sans doute en partie par la mise en place d’un système rigoureux de collecte des dons dans le quartier. Celle-ci coïncide avec la prise de conscience de revenus annuels insuffisants à la suite de l’annonce d’un emprunt auprès de l’ODPN dont le montant est inférieur aux prévisions1404.

Pour la Noël 1967, le Comité met en effet sur pied un dispositif de collecte de dons sous la forme d’un porte-à-porte sur tout le territoire paroissial. L’idée est proposée en novembre lors d’une réunion par un « publiciste » nommé Gabard, sans doute un paroissien. La réalisation effective est confiée à la « commission de propagande » du Comité, sous la houlette de Jean Funfrock, apprêteur de son métier. En quoi consiste cette collecte ? Des enveloppes de dons, sur lesquelles est dessinée une église, sont distribuées dans chaque foyer la semaine précédant Noël. Ces plis anonymes comportent une lettre signée d'un membre du Comité ainsi que d'un représentant de l'équipe de prêtres, garantissant le bien-fondé de la demande et apportant une caution morale à la démarche. Les destinataires sont invités à remettre cette enveloppe chargée de l’ « offrande », soit directement au laïc qui assure le porte-à-porte, soit le soir de la messe de Noël pendant l’offertoire (ce qui laisse la possibilité de refuser).

Les implications pratiques de ce dispositif sont intéressantes à un double titre pour notre étude. Une telle opération nécessite d’abord le recensement des foyers du quartier, rue par rue et même habitation par habitation, à une échelle micro-locale. Quarante fiches cartonnées (une, voire deux par rue) sont ainsi établies comportant la liste exhaustive des noms trouvés sur les boîtes aux lettres1405. C’est donc un quadrillage très fin qui est entrepris et qui peut, une fois établi, être réutilisé à chaque nouvelle collecte ou distribution de tracts d’information. Ces inventaires détaillés apparaissent donc comme un outil très performant dans la mobilisation des habitants du quartier autour du projet d’église. Il est dès lors difficile d’échapper à cette campagne de sensibilisation. D’autre part, cet état des lieux géographique est mis à jour de façon immédiate par le volontaire qui sonne aux portes : un changement de nom sur une boîte aux lettres ou un échange d’informations informel avec des voisins lorsque l’intéressé ne répond pas, apportent à ce fichier un caractère dynamique au sens où il prend en compte les déménagements ou les décès des riverains. Il tend par conséquent à coïncider avec la mobilité (arrivées et départs) d’un quartier alors en profond renouvellement. Ratures, points d’interrogation, corrections multiples par les « démarcheurs » témoignent de cette prétention à donner une image exacte de la population résidentielle de Cusset1406. Des fiches récapitulatives font le point sur les absents de la tournée et servent de base à des tournées complémentaires. La rigueur dans la prétention à l’exhaustivité et la pugnacité mises en œuvre par le Comité pour atteindre chaque foyer expliquent le succès de l’opération. Le montant récolté s’élève à 1 696 francs, « résultat qui a dépassé ce que le Comité en attendait »1407. « C'est tout simplement magnifique », peut-on lire dans la feuille paroissiale début janvier, « à ce train-là, nous allons pouvoir payer notre église »1408. Au total, 840 familles ont remis leur enveloppe, soit plus de quatre fois plus que le nombre habituel de foyers donateurs.

Notes
1397.

APSJC, Cb1, comptes-rendus du comité d’administration, 4 septembre et 6 novembre 1962.

1398.

APSJC, Ca7, compte-rendu de l’assemblée générale de l’Association paroissiale du 11 mars 1966 ; Cb1, compte-rendu du comité d’administration, 19 octobre 1966.

1399.

L’épisode de mai-juin a également eu des conséquences directes sur l’avancée du chantier. Celui-ci a pris deux mois de retard sur le planning prévu du fait de la grève des ouvriers (APSJC, Ca2, feuille paroissiale du 17 novembre 1968).

1400.

APSJC, Ba3, cahier d’annonces du dimanche 21 mai 1961. C’est le cas également des dimanches 2 juin 1963 (Pentecôte) et 10 avril 1966.

1401.

« Nous pensons aussi que vous aimerez avoir des cartes postales de notre Église pour les garder en souvenir ou les utiliser pour la correspondance à vos amis. Nous nous permettons de vous en proposer à la sortie de la messe au prix de 1 franc la carte » (APSJC, Ca3, texte de la visite aux paroisses marraines de Tarare, 1970).

1402.

Parmi les 380 familles donnant au Denier du clergé - indicateur adopté par l’ODPN pour évaluer la générosité des fidèles - un peu moins d’une sur deux participe donc au financement de la nouvelle église ( APSJC, Ca7, compte-rendu de l’assemblée générale de l’Association paroissiale du 11 mars 1966).

1403.

APSJC, Ca3, « graphique des offrandes reçues pour la future église de Saint-Julien-de-Cusset, 1961-1972 ».

1404.

APSJC, Ca6, lettres de H. Jaillard (ODPN) à Gabriel Maucuer, 11 mai 1966 et 20 avril 1967.

1405.

APSJC, Ca3.

1406.

Quelques exemples de ces griffonnages, parfois cocasses, relevés sur les fiches : « déménagé », « n'existe plus » ; « inexistant » ; « pas » ; « pas trouvé ce nom » ; « fausse adresse » (avenue Marcel-Cerdan).

1407.

APSJC, Ba3, cahier d’annonces du dimanche 7 janvier 1968.

1408.

APSJC, Ca7, 10 janvier 1968 (quel contraste avec la prudence et le pessimisme de Mgr Mazioux à l’ODPN !).