1. Nature et ambiguïtés d’une légitimité

a) Au cœur de la convention : la logique du mandat

La convention signée le 21 novembre 1963 entre l’Association diocésaine et l’Association paroissiale est un premier indicateur du rôle dévolu à l’équipe locale. Signe minime mais réel de son institutionnalisation et d’une reconnaissance par ses membres de la place qu’elle entend occuper dans les négociations et la conduite du projet, le Comité commande du papier à entête au moment où cette convention est rédigée1459. Le préambule et le premier article reviennent sur les origines du projet et sur la place assignée à chacun des acteurs en présence :

‘« L’Archevêché ayant décidé de créer un nouveau centre de culte à Villeurbanne a confié à l’Association diocésaine le soin d’acquérir le terrain destiné à servir d’assise aux édifices de ce nouveau centre de culte et de procéder à la construction et à l’aménagement de ces édifices. L’Association diocésaine ne disposant ni des moyens ni des ressources nécessaires pour l’exécution de cette mission, se trouve dans l’obligation pour la mener à bonne fin, de faire appel au concours des habitants du quartier […]. Répondant à cet appel, les futurs bénéficiaires de ce centre de culte ont formé une association déclarée […].
Art. 1er : L’Association diocésaine donne mandat à l’association paroissiale :
1° de faire toutes études et de passer avec tous architectes et entrepreneurs tous traités et marchés en vue de la construction et de l’aménagement, sur le territoire acquis par l’Association diocésaine, des édifices.
2° de surveiller l’exécution de ces travaux […].
3° et d’assurer la collecte de la totalité des fonds nécessaires au financement des travaux »1460.’

À aucun moment, il n’est dit par l’Archevêché que l’Association paroissiale représente une population particulière (des habitants, ou les paroissiens de Cusset par exemple), ou un espace délimité (le quartier, la paroisse). Il est certes question « des [article défini] habitants du quartier » et « futurs bénéficiaires du centre de culte », mais ceux-ci ne sont mobilisés qu’en tant que moyens au service d’une mission dont l’Archevêché aurait eu l’initiative. Alors même que ce sont les paroissiens de Cusset et leur curé qui ont alerté la hiérarchie diocésaine de l’exiguïté de leur lieu de culte, la convention nie cette chronologie pour en reconstituer une autre, plus conforme à l’esprit du mandat, explicitement cité, sur le modèle de l’Action catholique. À la lente prise de conscience par les paroissiens de la nécessité d’un nouveau lieu de culte se substitue la réponse à un « appel » de l’Archevêché, officiellement seul détenteur de l’initiative. C’est uniquement en raison d’une insuffisance de moyens humains, matériels et financiers que l’Archevêché est en quelque sorte contraint d’associer à sa mission les habitants du quartier. À défaut d’une Association diocésaine suffisamment dotée, l’autorité religieuse, dans un emboîtement décroissant de légitimité, se tourne vers les habitants du quartier qu’elle aurait pu ne pas associer au projet. La convention insiste par conséquent sur la contingence qui préside à la création de l’Association paroissiale, l’Archevêché étant reconnu comme la seule instance légitime. D’emblée définie de manière minimaliste, l’Association paroissiale se voit octroyée un rôle d’ajustement, non de propositions et d’innovations. C’est donc un véritable discours sur les origines qui ouvre la convention, fondant et distribuant les rôles de façon inégalitaire dans un bref récit reconstitué.

Il est également intéressant de relever le curieux mélange entre légitimité religieuse et légalité. La « mission » définie par l’Archevêché, qui renvoie à une théologie de la présence divine et de l’Incarnation évoquée plus haut1461, doit se couler dans le cadre républicain de la loi 1901 (Association diocésaine ou paroissiale) pour avoir une chance d’aboutir.

Enfin, la tâche de l’Association paroissiale n’est pas de recueillir les avis des habitants sur la future église (emplacement, superficie, architecture) mais de conduire le projet en experts, avec pour seule tâche de mener à bien un processus technique et juridique (« faire toutes études », « passer tous traités et marchés »). La logique de l’efficacité et de la compétence l’emporte sur toute considération d’une participation des habitants à l’élaboration d’un projet. Cette conception seulement « instrumentale » de l’Association paroissiale convient-elle à la majorité des membres actifs du Comité de l’association ?

Notes
1459.

« Proposition du contrat entre l'AD et l'AP. Il sera commandé du papier à entête » (APSJC, Cb1, compte-rendu du comité d’administration, 9 octobre 1963).

1460.

APSJC, Ca6, convention entre l’Association diocésaine de Lyon et l’Association paroissiale de Saint-Julien-de-Cusset signée 21 novembre 1963.

1461.

Voir chapitre 6.