II. La ville au centre d’un nouveau dispositif pastoral et institutionnel : la pastorale d’ensemble (1961-1969)

À notre connaissance, il n’existe pas dans l’historiographie du catholicisme contemporain une étude approfondie de la « pastorale d’ensemble »¹⁶⁰⁹ telle qu’elle se met en place au début des années 1960 dans de nombreux diocèses français. Il faut se reporter aux derniers chapitres des volumes de l’Histoire des diocèses de France, parfois écrits par les évêques en place eux-mêmes, pour avoir une idée des structures adoptées. Ainsi, dans le diocèse d’Angers, Mgr Veuillot (1959-1961) charge son vicaire général Bouin de la pastorale d’ensemble dès son arrivée. Neuf « zones pastorales » sont définies en 1962, qui servent de cadre à des « conseils de zone » et des « commissions pastorales »¹⁶¹⁰. Dans le diocèse d’Annecy, le tournant des années 1950-1960 est également marqué par la mise sur pied de « zones regroupant plusieurs archiprêtrés à problèmes humains et pastoraux communs », donnant lieu à la création de vingt-cinq commissions pastorales, chacune dédiée à une problématique particulière considérée comme urgente¹⁶¹¹. À Nice, six zones pastorales sont créées au début des années 1960 sous l’impulsion de Mgr Rémond (1930-1963) puis de Mgr Mouisset (1963-1984). Les prêtres de chaque zone sont invités à se retrouver pour une réunion de travail une fois par mois, de même que les responsables de zone autour de l'évêque et des principaux responsables des services diocésains¹⁶¹². D’après l’auteur du chapitre sur l’épiscopat de Mgr Rémond, les aménagements de la pastorale d'ensemble sont à considérer comme l’un des problèmes les plus « pressants » et les plus « originaux » auquel se trouva confronté le diocèse de Nice au milieu du siècle¹⁶¹³. Dans le diocèse de Strasbourg, la terminologie est la même, bien que la chronologie ne soit pas très claire : « à partir de 1958 », les missions qui deviennent régionales s’inscrivent dans la perspective d’une pastorale d'ensemble, mais les « zones pastorales » dateraient de 1967 seulement¹⁶¹⁴.

Il est vraisemblable que la mise en place de ce dispositif ait été masquée par l’épisode conciliaire et ses effets dans l’Église de France. La réflexion et le lancement de la pastorale d’ensemble constituent pourtant des événements de première importance pour comprendre les stratégies et les représentations des milieux ecclésiaux tout au long de la décennie 1960. Gabriel Matagrin, qui fut l’un des principaux artisans et défenseurs de cette réorganisation pastorale, parle de « renouveau pastoral des années 1960 ». Dans les derniers entretiens qu’il accorde à la manière d’un testament, il invite à une redécouverte de ce pan de l’histoire de l’Église de France, dans lequel « ce courant qui reste assez méconnu » a joué un rôle à ses yeux primordial¹⁶¹⁵. L’idée n’est pas ici de proposer une analyse exhaustive de cette pastorale d’ensemble, mais d’en présenter les éléments les plus saillants afin de pouvoir saisir la place qu’y occupe la réflexion sur la ville et sur l’urbanisation. Avant d’envisager plus précisément le cas lyonnais, un bref aperçu permettra de donner les grandes lignes de cette tentative de réorganisation du dispositif pastoral.