La mise en œuvre se déploie en plusieurs étapes. Un premier questionnaire est envoyé aux prêtres à la fin de l’année 1958 pour les inviter à réfléchir en équipe à la notion d’ « ensemble »1653. Mais en l’absence d’autres documents plus précis sur ce point, il n’est pas possible d’établir avec certitude que cette démarche ait constitué le début du processus.
À la fin de l’année 1959 sont mises en chantier des « enquêtes pastorales ». Les résultats du recensement de pratique dominicale de 1954 ayant perdu leur actualité et leur validité avec le temps, l’autorité diocésaine souhaite ainsi amorcer une pastorale d’ensemble1654. Les questionnaires proposés dépassent la seule question de la pratique religieuse (incluse cependant) et, fait intéressant pour notre étude, diffèrent selon qu’il s’agisse de paroisses situées dans le monde rural, dans les petites ou dans les grandes villes. Pour les deux premières catégories, les enquêtes portent sur la pratique religieuse, les « migrations pour le travail » et « l’avenir des jeunes »1655. Pour les grandes villes (Lyon et Givors avec certitude, mais au-delà ?), les questionnaires s’intéressent à la « promotion d’une année de catéchisme » 1656 et au « recensement des chrétiens actifs »1657. L’enquête sur les « mariandaires » est probablement commune à tout le diocèse1658. Le but de ces enquêtes n’est cependant pas très clair à établir : s’agit-il de préparer une mission générale pour Lyon sous la direction du père Motte1659, bien qu’aucune trace de cette mission n’ait été retrouvée dans la Semaine religieuse du diocèse et dans les papiers Gerlier ? Ou doivent-elles produire un matériau sociologique pour des sessions pastorales animées dans le diocèse par le chanoine Boulard en janvier-février 19611660 ?
Toujours est-il qu’un remaniement des responsables a sans doute quelque peu retardé la mise en route. Le vicaire général Michel Vial, qui assurait le suivi des enquêtes dans le diocèse, sans doute en collaboration avec l’Institut de sociologie1661, est nommé évêque coadjuteur de Nevers en février 19611662. Le père Vial avait en outre été désigné, sur la proposition de Mgr Dupuy et du chanoine Boulard, pour représenter une partie des vicaires généraux de diverses régions apostoliques au Secrétariat inter-diocésain de la pastorale d’ensemble. Le cardinal Gerlier avait accepté ce choix1663. Le vicaire général Gabriel Matagrin devient dès lors, à partir de février 1961, le nouveau secrétaire diocésain à la pastorale d’ensemble1664. La création des zones pastorales est ensuite officiellement annoncée aux archiprêtres en avril 19611665. La troisième étape, à partir du mois de mai de la même année, a consisté à mettre en place les premières commissions pastorales et les conseils de zones. En quoi consiste chacune de ces structures ?
Les conseils de zone « doivent assurer une évangélisation efficace de la zone par la coordination de toutes les forces apostoliques, sacerdotales, religieuses et laïques »1666. Ils comprennent, de droit : les aumôniers d' Action catholique qui sont les porte-parole désignés de la pastorale sacerdotale et de l'action du laïcat ; les responsables des commissions pastorales ; les délégués des principaux services diocésains (enseignement religieux, enseignement libre, aumôneries de l'enseignement public) ; enfin les archiprêtres qui représentent la pastorale paroissiale. Il est donc à noter que les archiprêtrés ne disparaissent pas avec la création des zones. Quatre nouveau archiprêtrés, dont deux dans l’agglomération lyonnaise, sont même créés en octobre 1961, dans le but de « rendre plus aisée la coordination nécessaire des activités pastorales dans [le] diocèse »1667.
Les commissions pastorales sont constituées avant même les conseils de zone. L’ensemble des prêtres de chaque zone est en effet invité à se réunir dans un premier temps, afin de déterminer, en présence d’un délégué de l’archevêque, l’objet de commissions « d’études ». Celles-ci portent soit sur des faits sociaux, soit sur des catégories sociales « qui posent de graves problèmes du point de vue de l'évangélisation ». Le vicaire général fournit quelques exemples possibles : les loisirs; les grands ensembles pour les faits sociaux ; les employés de maison, les étrangers, les ruraux ouvriers pour les catégories sociales1668. En octobre 1961, ces commissions pastorales fonctionnent. Il ne s’agit pas de commissions destinées directement à l’action, mais d’équipes « déléguées à la recherche », composées de six à huit prêtres, dont le but est de préparer l’action d’ensemble1669. Les sujets choisis dans les commissions recoupent en partie les exemples qu’avait proposés Gabriel Matagrin : il s’agit, entres autres, des loisirs des jeunes, des heures supplémentaires, de la vie de famille en banlieue pour les faits sociaux ; des artisans et commerçants, des ruraux ouvriers ou des étrangers pour les catégories sociales problématiques. Dans tous les cas, l’Archevêché insiste pour que l’objet de l’étude ne porte pas sur les faits sociaux en eux-mêmes, mais sur les personnes concernées par ces phénomènes1670. Il est demandé aux délégués des commissions de mobiliser, au-delà de leur expérience personnelle et des observations de leurs confrères de la zone, un savoir empirique et théorique destiné justement à dépasser les jugements hâtifs et les idées trop générales. Enquêtes pastorales préparatoires, enquêtes des laïcs de l’Action catholique spécialisée, lectures ou exposés de spécialistes (sociologues, économistes) : les sources consultées doivent servir à dégager des connaissances précises et fondées, utiles à l’action. La pastorale d’ensemble est une démarche exigeante qui fait de la réflexion intellectuelle un axe essentiel de sa dynamique.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.161, note sur la Journée de pastorale du troisième trimestre 1958 dans l’archiprêtré de Villeurbanne.
« Ce travail se réalise sur les mêmes points précis pour l'ensemble du diocèse, selon des méthodes qui ont fait leurs preuves, et d'après des expériences dont certains résultats sont déjà d'une valeur incontestable. Mais et c'est là le point essentiel, cette recherche est par définition destinée à la mise en route d'une pastorale qui, sans rejeter les formules et les structures déjà acquises comme valables, a pour but de les hiérarchiser et de les coordonner dans une pastorale d'ensemble, en liaison plus étroite avec le dispositif diocésain » (« Pastorale diocésaine. Pastorale d'ensemble », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 8 janvier 1960). Voir aussi AAL, fonds Gerlier, 11.II.40, « ordre du jour du synode des archiprêtres du 6 octobre 1959 ».
Questionnaire et instructions destinées au curé en AAL, fonds Gerlier, 11.II.126.
Idem. Ce recensement comptabilise les militants du diocèse. Sont considérés comme militants « ceux qui remplissent au moins deux des caractéristiques suivantes : régularité aux réunions du mouvement ou régularité du service ou de l’activité ; dévouement chrétien au service des autres ; influence chrétienne sur son entourage ». Ce dernier critère est intéressant pour notre étude car il est demandé au curé de reporter sur un plan de la paroisse ou de la ville, par exemple au 1/2 000, le domicile de chaque militant, « de préférence en sa présence, en lui expliquant la signification apostolique de ce repérage ». L’idée est de parvenir à une vision spatialisée du rayonnement de l’activité militante dans la ville.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.40, réunion des archiprêtres, « situation des enquêtes pastorales », sans date.
« Pastorale d'ensemble. Avis important à MM. les curés au sujet des enquêtes », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 27 mai 1960. Cette liste est-elle exhaustive ?
Comme l’indique l’encart du bulletin diocésain déjà cité : « "Le prêtre et la ville", par le père Motte, directeur national du CPMI », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 30 octobre 1959.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.40, réunion des archiprêtres, « situation des enquêtes pastorales », sans date.
C’est en effet dans la pochette « Institut de sociologie » que se trouvent les questionnaires conservés, ainsi que les instructions qui les accompagnent (AAL, fonds Gerlier, 11.II.126).
Michel Vial (1906-1995), natif de Lyon, a été ordonné prêtre dans le diocèse en 1935. Il accède au siége épiscopal de Nevers après le retrait de Mgr Flynn (1963). Le pape Paul VI le fait évêque de Nantes en 1966, charge qu’il occupe jusqu’à son départ à la retraite en 1982.
AAL, fonds Gerlier, 11.II.160, lettre de Fernand Boulard au cardinal Gerlier, 23 février 1960 ; réponse du cardinal Gerlier au même, 29 février 1960.
Il a en outre remplacé Mgr Michel Vial à la Direction diocésaine de l’Action catholique, de l’action sociale et des Œuvres au début de l’année (« Nomination du chanoine Gabriel Matagrin vicaire général de Lyon comme évêque auxiliaire », La Documentation catholique, 1439, 3 janvier 1965, col. 95).
AAL, fonds Gerlier, 11.II.40, lettre du cardinal Gerlier aux archiprêtres, 6 avril 1961.
« Organisation des zones pastorales et des commissions pastorales. Résumé des communications de M. le vicaire général Matagrin à la réunion des archiprêtres et des remarques qu'elles ont provoquées », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 5 mai 1961.
Il s’agit pour l’archidiaconé de Saint-Jean (agglomération lyonnaise) des archiprêtrés de Sainte-Thérèse dans l’ouest lyonnais et de Chaponost dans le quart sud-ouest de l’agglomération. L’archiprêtré de Saint-Genis-Laval est supprimé (« Création de quatre nouveaux archiprêtrés et nouvelle répartition des paroisses entre plusieurs autres archiprêtrés existants », Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 21 octobre 1961).
« Organisation des zones pastorales… », op. cit.
« Les commissions pastorales », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 20 octobre 1961.
Idem.