La tâche est rendue difficile en raison d'une historiographie religieuse française marquée par un relatif silence sur le thème des classes moyennes dans l'Église. Pour l'époque contemporaine - mais peut-on réellement parler de classes moyennes avant l'industrialisation ? - les rapports entre l'Église et ce groupe social se sont traduits par une prise de conscience limitée, qui n'a en retour que peu encouragé les historiens du religieux à approfondir ce champ de recherche1710.
Jean-Marie Mayeur a bien montré l'intérêt tardif que les autorités religieuses comme les historiens ont porté à un groupe pourtant central dans la sociologie des instances dirigeantes et des mouvements militants de l'Église catholique, notamment pour le XXème siècle : alors que les couches moyennes constituent un « vivier considérable », ce n'est qu’avec l'épisode du Front Populaire que des responsables catholiques commencent à s'y intéresser1711. Par la suite, les déclarations de Pie XII puis de Paul VI sur les classes moyennes sont très peu nombreuses1712. Cette « relative discrétion des évêques » (Jean-Marie Mayeur) n'est pas sans lien, nous semble-t-il, avec celui de ces mêmes autorités religieuses sur la ville. D'une façon générale, nous faisons l'hypothèse que la prise en considération tardive des classes moyennes par l’épiscopat ne nous semble pas sans rapports et sans analogies avec l'intérêt limité que porte ce même épiscopat avec la problématique de l'urbanisation. Il n'est donc pas inutile pour notre démonstration de rappeler ici brièvement les facteurs qui ont contribué à faire des classes moyennes un « point aveugle » de l'histoire du catholicisme français contemporain, car ces causes peuvent également nous servir de piste pour comprendre les rapports entre Église et ville.
Jean-Marie Mayeur, Catholicisme social et démocratie chrétienne. Principes romains, expériences françaises, Paris, Cerf, 1986, en particulier « L’Église et les classes moyennes. Les limites d’une prise de conscience », p. 209-221.
C'est le cas notamment du jésuite de l'Action Populaire Desqueyrat dans l'ouvrage Classes moyennes françaises. Crise, programme, organisations publié en 1939, ou encore du secrétaire général de l'ACJF (et futur secrétaire général du MRP) Albert Gortais lors de la Semaine Sociale de 1939 (voir Jean-Marie Mayeur, Catholicisme social et démocratie chrétienne…, op. cit., , p. 214-215).
Jean-Marie Mayeur, Catholicisme social et démocratie chrétienne…, op. cit., p. 217.