1. Héritages et lignes de force de l’UFCS

Ce sont d’abord les liens tissés avec des lieux (Semaines sociales, Musée social) ou des personnalités (Albert de Mun) du catholicisme social qui donnent pour longtemps une matrice doctrinale à l’association. Jusqu’à sa déconfessionnalisation en 1965, l’UFCS s’inspire largement des enseignements de Léon XIII et de ses successeurs. Andrée Butillard, qui dirige l’association pendant trente ans, noue des contacts réguliers avec des responsables ecclésiastiques. Pour autant, l’Union féminine s’inscrit dans le champ du temporel et n’est pas un mouvement d’Église, à la différence des mouvements d’Action catholique qui se développent également dans les années 1920. Cette autonomie revendiquée lui vaut quelques difficultés au début des années 1950, lorsque l’épiscopat français redéfinit, au sein de la pastorale commune, la place de la Ligue féminine d’Action catholique (née de la fusion en 1933 des deux principales ligues féminines catholiques), qui devient alors l’Action catholique générale des femmes (ACGF). Quoique née avant la condamnation par Pie XI de l’Action française (1926), l’UFCS ne se veut pas non plus un mouvement politique : reconnue d'utilité publique en 1947, elle n’est subventionnée par aucun parti et laisse libres ses adhérentes d’adhérer à la formation politique de leur choix.

Deuxième caractéristique : les tâches d’enseignement auxquelles se consacrent Andrée Butillard et son amie Aimée Novo à partir de 1908, qui débouchent sur la fondation de l’École normale sociale trois ans plus tard, inspirent très largement les finalités que se propose l’UFCS. Si elle s’adresse idéalement aux femmes de tous milieux sociaux, l’association a pour projet de former une élite féminine chrétienne grâce à l’étude. À partir d’une expérience acquise dans les années 1910 dans le syndicalisme féminin qu’elle contribue également à développer, Andrée Butillard souhaite par l’UFCS encourager la formation des femmes, et soutenir toutes les initiatives qui étudient des solutions face aux injustices sociales, en particulier celles dont sont victimes les mères de famille. Il s’agit donc d’une association d’éducation populaire féminine1725 qui souhaite former ses adhérentes au moyen de commissions de travail dans les sections locales, de congrès régionaux et nationaux et de publications. L’objectif de l’UFCS est de donner aux femmes les moyens intellectuels de participer à la vie sociale, puis à la vie politique à partir de 1945. L’UFCS se définit en 1960 comme un « mouvement civique, un mouvement féminin, un mouvement d'éducation,d'information, un mouvement d'action »1726. En cela, l’UFCS se distingue nettement de l’ACGF dont l’activité consiste essentiellement en une animation de la vie paroissiale.

Enfin, l’UFCS garde de ses origines un attachement à l’amélioration du sort des mères au foyer, tout en défendant une conception traditionnelle et hiérarchique de la famille, contrairement à la plupart des mouvements féministes des années 1930. Le lobbying qu’elle exerce auprès des autorités pour la reconnaissance d’un statut pour ces « ouvrières du progrès humain » entraîne une partie de ses membres à travailler auprès des autorités de Vichy1727. Ces compromissions n’ont cependant pas discrédité le mouvement à la Libération : son maintien puis son essor tiennent, d’après Mathilde Dubesset, à un double facteur : d’une part, la priorité accordée à la sphère sociale que les dirigeantes de l’UFCS conçoivent comme extérieure au combat politique et, d’autre part, non sans paradoxe, l’importance des besoins en formation civique que suscite alors le droit de vote accordé aux femmes, en particulier pour les élections municipales1728.

Notes
1725.

Pour une approche comparatiste avec d’autres mouvements d’éducation populaire, voir Jean-Marie Mignon, Une histoire de l’éducation populaire, coll. « Alternatives sociales », Paris, La Découverte, 2007 (p. 147-148 pour l’UFCS).

1726.

CAF, 16 AF 2, texte de présentation de l’association, sans auteur, mars 1960.

1727.

Voir Francine Muel-Dreyfus, Vichy et l’éternel féminin, contribution à une sociologie politique de l’ordre des corps, Paris, Seuil, 1996, p. 168-188. Des responsables et militantes de l’UFCS se sont cependant engagées dans la Résistance : voir Sylvie Chaperon, Les années Beauvoir, 1945-1970, Paris, Fayard, 2000, p. 60-61.

1728.

Mathilde Dubesset, « Les engagements catholiques au féminin »…, op. cit., p. 106 et 114.