Dans le diocèse de Bordeaux, Jean-Pierre Moisset signale que c’est à partir de 1969 que la politique d’équipement religieux se ralentit, passant en quelques années de la dilatation au repli2031. Dans le cas lillois, la question de la légitimité d’un lieu de culte est posée ouvertement en 1971 au moment du projet de la ville nouvelle de Villeneuve d’Asq : le Centre régional d’études socio-religieuses de l’Université catholique publie un Livre blanc sur la nature des « présences d’Église » dans ces quartiers neufs2032. Dans le diocèse de Lyon, si l’on s’en tient aux données fournies par le bulletin diocésain, le moment de bascule entre le maintien d’une politique volontariste de construction et l’annonce d’un ralentissement des chantiers s’effectue au cours de l’année 1973.
En effet, en novembre 1971 encore, le cardinal Renard et son auxiliaire Mgr Rousset réaffirment la nécessité de la poursuite de la construction d’églises. Certes, concèdent-ils, il faut éviter tout triomphalisme et travailler à la pluri-fonctionnalité des bâtiments construits. Mais l’ODPN n’a pas à faire cas des critiques : « Certains se croient autorisés à mettre en doute l'opportunité d'un tel effort […]. Des lieux de célébration pour le culte et des salles pour le catéchisme, sans parler de locaux d'accueil plus ouverts au quartier, restent toujours nécessaires »2033. Un an plus tard, l’autorité diocésaine maintient son appel en faveur de l’équipement religieux des périphéries lyonnaises. Elle concède cependant que le rythme de ces constructions s'est« fort heureusement » ralenti : le fardeau financier devient lourd à porter. L’aveu d’une diminution inquiétante des recettes depuis quelques années alors que nombre de dettes restent impayées laisse deviner un sentiment d’épuisement à l’ODPN et à l’Archevêché2034. Dans les mois qui suivent a lieu le revirement, car en novembre 1973, Église de Lyon indique que seuls deux ou trois projets importants sont en cours d'exécution ou à l'étude, à Lyon et à Saint-Étienne. De nombreux projets d’églises ont donc été abandonnés, au profit désormais des aumôneries de l’enseignement public qu’il s’agit de construire2035. Ce basculement est confirmé l’année suivante à l’occasion de la quête (maintenue) pour les églises nouvelles : « Les "églises nouvelles". Faut-il encore en parler dans le contexte d'une Église en pleine mutation sur le plan liturgique, sacramentel et pastoral ? »2036. L’Archevêché maintient l’appel aux dons pour deux raisons : le remboursement des emprunts dont le montant s’élève à 4,5 millions de nouveaux francs pour la seule agglomération lyonnaise, et le financement des aumôneries dont il est rappelé l’urgence2037. Si l’effort financier est donc encore de mise, la construction de nouveaux lieux de culte n’est, quant à elle, plus justifiée ni même mentionnée2038.
Si l’on considère cette fois le rythme des chantiers de nouvelles églises dans l’archidiaconé Saint-Jean entre 1952 - date de l’achèvement de la première église après-guerre - et la fin des années 1970 (fig. 19), le constat est le même : après 1973, aucun nouveau lieu de culte ne voit le jour. Le graphique montre cependant que le nombre d’églises construites est faible (entre 0 et 2 par an) depuis en fait la fin des années 1960.
Jean-Pierre Moisset, « Les nouveaux lieux de culte dans la banlieue bordelaise (de 1945 aux années 1960) », dans Jacqueline Lalouette et Christian Sorrel (dir.), Les lieux de culte en France…, op. cit., p. 161-176, en particulier p. 175-176.
Thibault Tellier, « Les lieux de culte à l’épreuve de l’urbanisation (1955-1975) », dans Jacqueline Lalouette et Christian Sorrel (dir.), Les lieux de culte en France…, op. cit., p.147-160, p. 156.
« Quête pour les églises nouvelles » Église de Lyon du 12 novembre 1971.
« Appel du cardinal Renard et de Mgr Rousset en faveur de l'implantation des équipements religieux » dans Église de Lyon du 17 novembre 1972.
« La quête des églises nouvelles », Église de Lyon du 23 novembre 1973.
« Les églises nouvelles », Église de Lyon du 15 novembre 1974.
L’ODPN mentionne que pour l’année 1975, seulement 34 % des 524 paroisses ou lieux de culte du diocèse (18 sur 54 à Lyon) lui ont remis la recette de la quête pour les églises nouvelles (AAL, fonds Delorme, I. 1541, lettre-circulaire de l’ODPN-CDERIER n°64, octobre 1976).
« Les églises nouvelles », dans Église de Lyon du 15 novembre 1974.
Graphique réalisé à partir des données présentées dans le tableau récapitulatif des 41 églises nouvelles (Fig. 7 dans l’introduction de la deuxième partie).