III. « Mains Ouvertes » à la part-dieu : l'invention d'une présence d'église au cœur d'une nouvelle centralité (1970-1975)

« Le quadrillage pastoral ancien n’est plus apte à couvrir les besoins nouveaux et à assumer la mobilité des gens. La pastorale doit-elle se couler dans la mobilité, en allant dans le sens du courant ? Ou doit-elle chercher de nouveaux points fixes, pour répondre aux besoins de pôles de référence qu’éprouve l’homme d’aujourd'hui ? Sans doute l’un et l’autre ». Cette affirmation des RPGV en 19742199 ressemble fort à un défi quasiment impossible à relever : comment à la fois participer à une dynamique et prendre de la distance sur le flux de l'histoire ? Comment se mêler à la vie d'une société de plus en plus urbanisée tout en conservant un recul pour l'observer, la juger et agir sur elle (pour reprendre les trois mots d'ordre de l'Action catholique spécialisée) ?

Au milieu des années 1970, à Lyon comme ailleurs, des initiatives originales et encore souvent méconnues prennent pourtant au mot cette tension entre le mobile et l'immobile, la ligne et le point : dans les lieux par excellence de la transhumance urbaine - galeries marchandes, gares, aéroports - des prêtres et des laïcs bricolent des centres d'accueil et de prière ou des haltes spirituelles pour signifier la présence de l'Église dans ces espaces déroutants, tout en inventant en retour de nouvelles formes d'aménagements urbains.

À la fin des années 1950 encore, le quartier de la Part-Dieu est envisagé comme le cadre probable d'une future paroisse : ce secteur du 3ème arrondissement de Lyon se peuple rapidement et fait l'objet de restructurations foncières. Surtout, la démolition programmée de la Cité Rambaud risque de priver la population locale de lieux de culte. La Ville semble cependant disposée à réserver un emplacement pour une église2200. La situation plaide donc en faveur d'un mode de présence et d'influence classique pour l'Église : le quadrillage spatial qui fait du lieu de culte le point de convergence des catholiques du quartier.

Pourtant, rien n'est vraiment décidé. Il semble que la proximité des églises paroissiales de Sainte-Marie-de-la-Guillotière et du Saint-Sacrement ait freiné un projet de construction, et que la chapelle de la Part-Dieu, utilisée par l'aumônerie militaire, ait longtemps suffi pour l'accueil des riverains. C'est la décision par l'armée de libérer l'espace occupé par la caserne qui accélère la reconversion du quartier.

Notes
2199.

AAL, fonds Delorme, I. 1525, « Cinq années de réflexion sur la pastorale des grandes villes », projet de note du Secrétariat de l’Épiscopat par le chanoine Boulard, 1974.

2200.

AAL, fonds Gerlier, 11.II.31, lettre du curé de Sainte-Marie-de-la-Guillotière à Mgr Claude Dupuy, 21 novembre 1958; « Les projets des futures paroisses », rapport de Mgr Joannès Mazioux, sans date, probablement 1958.