1. Un prêtre intéressé par les questions urbaines

Jean est un des fils du doyen André Latreille, professeur d’histoire à la Faculté de Lettres de Lyon. Né en 1926, entré au séminaire en 1950 après avoir préparé l’agrégation de philosophie, Jean Latreille est ordonné prêtre en 1954 et est reçu docteur en théologie. Il est nommé vicaire à Vénissieux (qui vient d’être rattachée au diocèse de Lyon) pendant deux ans, avant de devenir aumônier de l’INSA puis du campus de la Doua, enfin de l’ensemble des facultés et grandes écoles de l’agglomération lyonnaise. Devenu presque aveugle et ne pouvant assurer son ministère auprès des étudiants, il continue néanmoins son travail sur le terrain de la ville. Il fonde en effet « SOS Amitié par téléphone », puis est envoyé par le cardinal Renard « au service de la Nouvelle Part-Dieu » en juin 19722203 pour « réfléchir à ce nouveau lieu invraisemblable »2204.

Jean Latreille multiplie alors les contacts avec les responsables du projet « Part-Dieu », notamment Georges Vauzeilles en poste à la SERL. Deux rencontres vont cependant s'avérer déterminantes dans la conception d'un lieu d'accueil œcuménique dans le nouveau quartier. Il y a d'abord les liens noués avec Charles Delfante, l'urbaniste-architecte en charge du projet de la Part-Dieu. Une lettre de Delfante datée du 1er décembre 1972 constitue visiblement le tournant d'une double prise de conscience chez le père Latreille : d'abord celle d'une urgence à réserver un emplacement dans le nouveau centre, car la concurrence pour l'obtention de locaux est rude ; ensuite celle de la nature du projet urbain de la Part-Dieu. Il s'agit d'un lieu central radicalement différent des centres-villes traditionnels, avec une vocation tertiaire qui dépasse le seul périmètre du quartier pour incarner celle de l'ensemble de la région lyonnaise2205. La seconde rencontre décisive que fait Jean Latreille est celle d'un groupe « Vie Nouvelle » dans le quartier de la Part-Dieu. Celui-ci, autour notamment d’Antoine Saix, de Rémi et d’Yvette Doucet, réfléchit depuis 1970 à une présence originale des chrétiens dans ce quartier en restructuration complète et reposant sur un urbanisme inédit à Lyon. Yves Dartigue (1922-2005), pasteur à Lyon entre 1969 et 1979, est également partie prenante. La « communauté des accueillants » de « Mains ouvertes » sera de fait constituée par un noyau de militants de Vie nouvelle, comme Jacqueline Ruffier2206.

Notes
2203.

Archives personnelles de Jean Latreille, carton « Ville », lettre de Jean Latreille à Charles Delfante, 1er octobre 1972.

2204.

. Après l’expérience « Mains ouvertes », il rejoint l’équipe de prêtres de Saint-Bonaventure. Il est ensuite nommé curé de la paroisse d’Écully puis de Champagne-au-Mont-d’Or dans la banlieue nord-ouest de Lyon, où il assurait toujours cette charge en 2004 (Parcours établi à partir d’un entretien avec l’auteur, le 5 avril 2004).

2205.

Archives personnelles de Jean Latreille, carton « Ville », lettre de Charles Delfante à Jean Latreille, 1er décembre 1972.

2206.

Archives personnelles de Jean Latreille, carton « Ville », présentation de Mains Ouvertes intitulée « À l’ombre des tours : Mains Ouvertes », par Bernard Jouanno (rédacteur en chef du magazine Pèlerin puis grand reporter à La Croix), 1979 ou 1980. Entretien de Jacqueline Quevreux (née Ruffier) et Yvette Doucet avec l’auteur, 8 novembre 2004.