1.3. De l’intérêt d’utiliser des données issues d’enregistrements vidéo

Notre analyse de la littérature ne met en lumière qu’une seule recherche prenant comme source principale de données l’observation en classe. Il s’agit des travaux de Morrison & Lederman (2003) (voir supra). Leurs observations étaient basées sur une grille d’analyse afin d’obtenir des données quantitatives. L’utilisation d’une grille d’analyse limite fortement la quantité de données qu’il est possible d’obtenir ; or l’activité de l’enseignant en classe est une activité complexe (Altet et al., 2001). L’utilisation d’une grille d’analyse est donc fortement réductrice, et induit une représentation limitée de ce qui se passe en classe. De plus elle implique une analyse a priori des observables pertinents pour l’étude des connaissances professionnelles, les allers-retours entre les données empiriques et le cadrage théorique sont pratiquement impossible tant la grille d’analyse ne fournit que des données reliées au cadre théorique. Ces allers-retours nous semblent être importants lorsqu’il s’agit de mettre au point une méthodologie nouvelle.

L’utilisation de données issues d’enregistrements vidéo permet de contourner cette limitation. Pour comprendre comment, il nous faut nous interroger sur la fonction de ces enregistrements vidéo dans une recherche. La recherche nécessite des traces à partir desquelles travailler (Van Der Maren, 1995). Ces traces sont nécessaires car l’observation des états des objets observés et de leurs transformations est éphémère. Ainsi l’analyse du chercheur ne peut se faire qu’à partir de ces traces, d’ailleurs le discours du chercheur ne porte que sur celles-ci. L’obtention de ces traces nécessite l’utilisation d’un instrument, qui n’est pas sans incidence sur la qualité des traces obtenues. La vidéo est un instrument permettant de récolter ces traces, au même titre qu’un questionnaire ou une grille d’observation. La recherche ne porte donc pas sur l’humain, mais sur les traces instrumentées de l’activité de l’humain. Les propriétés de ces traces ont une incidence très grande sur la méthodologie, les résultats, l’administration des preuves, bref sur l’ensemble de la recherche. Mais avant tout chaque instrument permet d’obtenir des traces plus ou moins adaptées à ce que le chercheur tente de mettre en évidence, au type de situation observée ou au type de recherche souhaité.

La vidéo est particulièrement pertinente pour obtenir des traces des interactions entre les personnes. Ceci tient à une de ses principales propriétés : elle rend la communication entre les personnes visible (Goldman & McDermott, 2007). Pour Tiberghien et Sensevy (En préparation) cette propriété explique pourquoi les chercheurs privilégient cet instrument lors de l’observation de situation de classe, où la communication est forcément impliquée. Certaines caractéristiques permettent d’expliquer pourquoi la vidéo permet de rendre visible la communication :

Nous proposons donc une étude des connaissances basée sur l’observation de l’activité de l’enseignant dans sa classe, utilisant des données issues d’enregistrements vidéo ce qui nous permettra d’adopter une configuration relativement souple dans notre démarche de recherche : nos a priori lors de la prise de données ont moins d’impact sur la suite du travail en utilisant la vidéo au lieu d’une grille d’observation. Un processus d’aller-retour entre la théorie et les données est ainsi rendu possible, nous permettant d’affiner nos hypothèses au fur et à mesure de l’avancement de la recherche. Notre démarche de recherche adopte une configuration plus souple.