2.1.2.1. Une action conjointe centrée sur le savoir

La théorie de l’action conjointe s’intéresse plus spécifiquement à l’action didactique. Dans le concept d’action didactique, Sensevy entend par action le fait d’agir. Il note toutefois que son acception du terme est compatible avec le concept d’activité dans la théorie de l’activité (voir infra) dans le sens où elle partage un certain nombre de positions épistémologiques de ce qu’est l’agir, notamment l’importance du social dans la production des pensées et des conduites. Soulignons aussi qu’elle s’insère bien dans notre paradigme de l’action située du fait qu’elle refuse une vision mentaliste2, et qu’elle accorde une grande importance au contexte.

Le terme didactique a ici une portée très générale et fait référence à « ce qui se passe quand quelqu’un enseigne quelque chose à quelqu’un d’autre (ce quelqu’un d’autre pouvant être soi-même) ». L’action didactique prend donc le sens de « ce que des individus font dans des lieux où l’on enseigne et où l’on apprend ». L’action didactique se distingue d’autres types d’actions par deux points :

  • l’action dans la classe est conjointe c'est-à-dire que, pour donner du sens à ce que fait l’enseignant, il est nécessaire de prendre aussi en compte ce que font les élèves. L’auteur note en effet que « le terme enseigner, d’une certaine manière, demande 3 le terme apprendre ; le terme apprendre demande le terme enseigner. Il existe certes des moments où quelqu’un enseigne sans que personne n’apprenne rien ; on peut d’autre part clairement apprendre certaines choses sans être enseigné. Mais ce qui caractérise une institution didactique, c’est qu’on y enseigne à des personnes sensées apprendre. » (Sensevy, 2007).
  • L’autre caractéristique de l’action didactique est qu’elle est centrée sur le savoir. Celui-ci est au cœur de la « transaction4 » entre l’enseignant et les élèves. Ainsi cette transaction est modelée par le savoir en jeu dans la transaction.

L’action de l’enseignant en classe ne peut pas être interprétée à travers les seuls déterminants internes à la classe. Ainsi Sensevy (2007) précise que « [l’activité de travail] trouve certains de ses buts non dans l’immédiateté de l’action, mais dans une structure intentionnelle qui la dépasse : pour le professeur, la nécessité d’honorer les programmes, une manière de faire décidée et produite collectivement dans l’établissement, un rapport particulier à tel ou tel parent d’élèves ou organisation de parents d’élèves, etc. » (page 21). Afin de prendre en compte cette structure intentionnelle, la théorie de l’activité est particulièrement adaptée, puisqu’elle permet de définir l’activité en fonction de ses buts.

Notes
2.

Qui reviendrait à considérer l’action comme indépendant de son contexte.

3.

Autrement dit : l’action d’enseigner va de pair avec l’action d’apprendre.

4.

Nous reprenons ici le terme de transaction au sens qu’en donne Sensevy, c'est-à-dire une interaction tributaire d’une finalité.