2.1.2.2.3. D’autres systèmes d’activité

Sensevy (2007) note, à propos de l’action didactique, que l’étude de la classe nécessite la prise en compte et l’analyse de ce qui se passe in situ mais ne peut s’y restreindre. Il est donc nécessaire d’étendre le champ d’analyse à l’extérieur de la classe. Dans les termes de la théorie de l’activité, cela se traduit par le fait que les systèmes d’activité ne sont pas isolés les uns des autres, mais qu’ils existent au sein d’un réseau formé par d’autres systèmes d’activité. Ainsi, l’enseignement de la chimie, et surtout des Travaux Pratiques, ne peut se résumer à ce qui se passe en classe. En effet, la préparation du matériel, la mise au point des expériences fait appel à des individus absents des communautés des systèmes Bac et Chimie (le personnel du laboratoire de chimie du lycée). De plus, ces réseaux de systèmes d’activité ne sont pas figés dans le temps, mais au contraire évoluent, apparaissent ou disparaissent. Cette dynamique s’explique à travers les contradictions, d’origine interne ou externe, qui habitent un système d’activité. Par exemple, dans le système d’activité Chimie, les manuels scolaires sont des instruments. Ils ont pour but de servir de support à l’apprentissage des élèves, mais ils sont aussi des objets marchands. Ils sont donc source de contradictions internes pour ce système : les buts du système produisant les manuels scolaires ne sont pas obligatoirement en accord avec ceux du système dans lequel ils seront utilisés. Le but du système d’activité produisant les manuels est de produire des manuels qui se vendent bien, le but du système d’activité chimie (qui utilise ces manuels) est d’enseigner la chimie. Les deux buts sont distincts et peuvent même être antagonistes. Des contradictions externes peuvent naître dans un système. En effet, dans le cas du système Chimie, certaines règles (par exemple : alternance des TP de chimie et de physique) sont extérieures à ce système et peuvent desservir l’enseignement de la chimie si l’enseignant désire, par exemple, effectuer deux TP de chimie à la suite afin que les élèves fassent plus facilement le lien entre les notions abordées lors de ces deux séances. En cas de conflit, le système est déstabilisé et évolue afin d’internaliser la contradiction.

Nous introduisons deux systèmes d’activité supplémentaires qui permettent de replacer les systèmes Chimie et Bac dans leur contexte : le système d’activité correspondant à la participation de l’enseignante à un groupe de recherche développement sur l’enseignement de la chimie (groupe SESAMES), et le système d’activité relatif à son appartenance au laboratoire de chimie du lycée

L’enseignant que nous avons suivi a fait partie d’un groupe de recherche et développement appelé SESAMES (Situations d’Enseignement Scientifique : Activité de Modélisation, d’Évaluation de Simulation). Ce groupe est constitué d’enseignants de chimie et de chercheurs en didactique. Son but était de réfléchir sur l’enseignement afin d’améliorer ou de faciliter l’apprentissage des élèves. Cela c’est traduit, pour la partie qui nous concerne, par un travail sur les feuilles de Travaux Pratiques (TP) destinées aux élèves. Ces feuilles de TP ont été mises au point par un collègue enseignant du lycée dans lequel exerce l’enseignant observé. Celles-ci ont été modifiées, tant sur la forme que sur le fond par le groupe SESAMES. L’objet de ce système d’activité est de modifier les textes de la fiche de TP distribuée aux élèves. Le résultat attendu est l’amélioration de l’apprentissage des élèves. Le sujet est l’enseignant ; la communauté est l’enseignant étudié, les enseignants et les chercheurs participant au groupe. Les règles sont issues de sources différentes : d’une part des institutions encadrant les réunions SESAMES (INRP, UMR ICAR) (Fréquence et durée des réunions …) et d’autre part sont co-construites par le groupe lui-même (règles de fonctionnement, sujet abordé …).

Figure 4 : Représentation du système d’activité SESAMES.
Figure 4 : Représentation du système d’activité SESAMES.

L’enseignement de la chimie au lycée s’appuie sur un laboratoire. Celui-ci a pour rôle de gérer et de préparer le matériel, ainsi que de mettre au point de nouvelles expériences à proposer aux élèves, et ceci pour l’ensemble des enseignements de chimie. Un autre rôle du laboratoire est d’agencer l’ensemble des séances de travaux pratiques de toutes les classes du lycée afin de réduire les manipulations de matériel : si toutes les classes font le même TP dans la même semaine, le même matériel ne sera préparé qu’une seule fois.

L’objet de ce système d’activité, que nous nommerons système d’activité Laboratoire, fait écho au rôle du laboratoire (organiser les séances de TP de l’ensemble des classes du lycée, gérer le matériel de laboratoire pour un fonctionnement harmonieux des classes de chimie). Le sujet est l’enseignant et la communauté est constituée de l’ensemble des enseignants de chimie du lycée ainsi que du personnel du laboratoire de chimie du lycée (une technicienne et une employée). Les règles sont en grande partie co-construites par la communauté et la division du travail est nette : les enseignants conçoivent leur TP ; ils demandent en conséquence le matériel nécessaire que le personnel du laboratoire prépare puis installe dans les classes.

Figure 5 : Représentation du système d’activité Laboratoire.
Figure 5 : Représentation du système d’activité Laboratoire.