2.2.2.2.2. Différentes catégories de TPC

Les TPC peuvent être classées, en fonction de leur nature (connaissances relatives à l’élève, au programme …), parmi les diverses composantes des PCK. Nous reprenons, à cette fin, la catégorisation de Magnusson, Krajcik, et Borko, (1999) qui se situe dans la tendance de Grossman (qui différencie les PCK des connaissances sur le contenu disciplinaire). Les composantes sont les suivantes : connaissances sur les difficultés des élèves, connaissances sur les stratégies d’enseignement, connaissances sur l’évaluation, connaissances sur le contexte. Chacune de ces composantes est reliée à la composante « buts et valeurs de l’enseignement des sciences » (figure 9). Cette dernière chapeaute ainsi chacune des autres composantes et buts et raisons de l’enseignement des sciences. Ces cinq catégories de connaissances sont elles- mêmes constituées de sous -catégories.

Figure 9 : Modèle développé par Magnusson et al. Sur les différentes composantes des PCK.
Figure 9 : Modèle développé par Magnusson et al. Sur les différentes composantes des PCK.

La première composante que nous allons envisager concerne les connaissances que les enseignants ont à propos des difficultés des élèves. Elle contient deux sous-catégories : les connaissances sur les requis nécessaires pour apprendre des concepts scientifiques spécifiques et les connaissances sur les parties difficiles d’un contenu pour les élèves.

Cette sous-catégorie comprend les connaissances que possède l’enseignant à propos des connaissances que les élèves doivent avoir pour apprendre un contenu scientifique.

Par exemple, si le but d’un enseignant est d’illustrer le concept de température par des mesures expérimentales réalisées par les élèves, l’enseignant doit anticiper les connaissances dont les élèves vont avoir besoin (par exemple mesurer la température et interpréter les résultats). Savoir comment leur faire acquérir ces connaissances si les élèves ne les possèdent pas fait aussi partie des connaissances rattachées à cette composante.

Citons également dans cette sous-catégorie les connaissances de l’enseignant vis-à-vis des différences entre élèves, face à l’apprentissage d’un contenu spécifique, en fonction de leurs capacités. Ainsi, lors de l’enseignement d’un phénomène à l’échelle moléculaire en chimie, certains élèves vont être capables de raisonner à partir d’une formule chimique, d’autres auront besoin d’un modèle en trois dimensions etc.

Cette sous-catégorie fait référence aux connaissances des enseignants à propos des concepts scientifiques ou des sujets que les élèves trouvent difficiles à apprendre. De multiples raisons rendent compte des difficultés des élèves pour apprendre certaines choses. Par exemple on peut noter que le niveau d’abstraction de certains sujets est trop élevé et/ou la connexion avec le monde quotidien des élèves est trop faible. D’autres sujets sont difficiles parce que l’enseignement centre l’activité des élèves sur la résolution de problèmes et que certains d’entre eux éprouvent des difficultés à en planifier la résolution. Enfin, une troisième source de difficulté vient du fait que l’apprentissage du sujet à enseigner nécessite des connaissances en contradiction avec les connaissances naïves des élèves (issues de l’expérience quotidienne des élèves).

Les stratégies d’enseignement correspondent à des connaissances de l’enseignant sur ses manières de présenter un savoir (métaphore, analogie, modèle, exemples …) d’une part, et sur ses connaissances liées aux activités qui peuvent aider les élèves à comprendre un contenu d’autre part.

Illustrons cette catégorie à partir de l’une des analogies représentant le courant électrique. Il en existe plusieurs : de l’eau circulant dans un circuit fermé et mue par une pompe, une chaîne de vélo ou encore une foule se déplaçant. Chacune présente des avantages et des inconvénients. Par exemple, l’analogie de l’eau circulant dans un circuit fermé risque de renforcer chez l’élève une vision de l’électricité basée sur le modèle « source-receveur », et implique que le flux d’électrons se déplace dans une même direction. L’analogie de la chaine de vélo implique également que le flux d’électrons se déplace dans la même direction, mais par contre évite de renforcer le modèle source-receveur. L’analogie de la foule se déplaçant permet de distinguer le mouvement d’une personne et celui de la foule illustrant ainsi que le flux de charges dans un circuit électrique a une direction distincte du mouvement aléatoire des électrons. Savoir quel modèle utiliser est une TPC appartenant à cette composante des PCK.

Cette sous-catégorie fait référence aux connaissances à propos des types de travaux qui peuvent être mises en place afin d’aider les élèves à comprendre certains concepts ou relations.

Cette composante se sous-catégorise en connaissances sur les aspects de l’apprentissage des sciences qu’il est important d’évaluer et connaissances relatives à leur évaluation.

L’apprentissage en science peut être évalué suivant différents aspects, par exemple : l’utilisation des concepts, les capacités expérimentales, la résolution de problèmes … Cette sous-catégorie de connaissances est fortement influencée par les connaissances de la composante « Buts et Raisons » de l’enseignement des sciences. Cependant, certains aspects de l’apprentissage des sciences sont plus ou moins faciles à évaluer en fonction du contenu. Ainsi, les capacités expérimentales des élèves seront plus difficiles à évaluer lors d’un enseignement portant sur la radioactivité (pour des raisons de sécurité) ou sur l’astronomie (pour des problèmes pratiques : faire observer aux élèves le système solaire en plein jour, avec quel matériel ?), que dans le cadre d’un enseignement sur le circuit électrique (matériel facilement disponible, possibilité de travailler à faible puissance). La planification de l’évaluation des différents aspects de l’apprentissage des sciences en fonction du contenu le plus approprié nécessite des TPC appartenant à cette sous-catégorie.

Cette sous-catégorie de la composante Connaissances sur l’évaluation correspond aux connaissances ayant trait aux manières qui peuvent être employées pour évaluer, de manière spécifique, un certain aspect de l’apprentissage des sciences par un élève. Savoir quelle méthode utiliser en fonction de l’aspect de l’apprentissage à évaluer représente une TPC de la sous-catégorie Connaissances sur les méthodes d’évaluation.

Cette composante est constituée de deux sous-catégories : la connaissance du programme officiel et les connaissances relatives au matériel et objets disponibles pour l’enseignement d’un contenu.

Cette sous catégories regroupe les connaissances des enseignants à propos du programme officiel dans leur discipline, ainsi que l’articulation de celui-ci avec le programme d’autres disciplines.

Nous retrouvons ici les connaissances qu’a l’enseignant sur le matériel disponible dans son lycée et qu’il peut utiliser pour son enseignement, ainsi que l’ensemble des documents existant se rapportant à l’enseignement d’un contenu. Par exemple les enseignants peuvent décider de se servir d’un document mis au point par un collègue, parce qu’il estime que ce document est adapté à l’enseignement d’un contenu.

Cette composante des PCK contient les connaissances des enseignants à propos des buts et raisons de l’enseignement des sciences à un niveau donné. Ces connaissances orientent les décisions de l’enseignant à propos de sujets tels que les objectifs à atteindre, l’utilisation du manuel scolaire ou encore l’évaluation de l’apprentissage des élèves. Cette composante chapeaute donc les autres composantes de ce modèle.

Des orientations possibles, directement issues des buts et raisons accordés par l’enseignant à l’enseignement des sciences, ont été répertoriées (Tableau 2 et 3) par Magnusson et al.

Tableau 2 : Buts de l’enseignement des sciences pour les différentes orientations identifiées dans la littérature d’après Magnusson.
Orientation Buts de l’enseignement.
Process Aider les élèves à développer la pensée scientifique.
Rigueur Académique Représenter un domaine disciplinaire.
Didactique7 Transmettre des faits scientifiques.
Changement conceptuel Faciliter le développement de connaissances scientifiques en confrontant les élèves avec des situations qui remettent en question leurs connaissances naïves.
Conduite par l’activité Favoriser le contact des élèves avec le matériel, les objets, mettre la main à la pâte.
Découverte Fournir aux élèves des opportunités de découvrir par eux-mêmes des concepts scientifiques ciblés.
Basée sur des projets Impliquer les élèves à trouver des solutions à des problèmes authentiques.
Investigation Représenter la science comme une investigation.
Investigation guidée Constituer une communauté d’apprenants dont les membres partage la responsabilité de la compréhension du monde physique, en utilisant les outils de la science.
Tableau 3 : Caractéristiques de l’enseignement en fonction de l’orientation de l’enseignant. D’après Magnusson.
Orientation Caractéristiques de l’enseignement
Process L’enseignant introduit les élèves aux méthodes de pensé des scientifiques pour acquérir de nouvelles connaissances. Les élèves s’engagent dans des activités afin de développer la pensé scientifique
Rigueur Académique Les élèves sont confrontés à des problèmes et des activités difficiles. Les séances de TP et les démonstrations expérimentales sont utilisées afin de vérifier les concepts scientifiques en démontrant les relations entre des concepts et des phénomènes.
Didactique L’enseignant présente des informations, en général sous forme de cours magistral ou de discussion. Les questions posées aux élèves ont pour but de vérifier qu’ils connaissent les faits produits par la science.
Changement conceptuel Les étudiants sont interrogés sur leurs visions du monde et a propos de la pertinence d’explications alternatives. L’enseignant facilite la discussion et le débat nécessaire pour établir des affirmations valables.
Conduite par l’activité Les étudiants participent à des activités ou ils mettent la main à la pâte à des fins de vérification ou de découverte.
Découverte Centré sur l’élève. Les élèves explorent le monde naturel en fonction de leur propre intérêt et découvrent des modèles permettant de décrire comment fonctionne le monde lors de leurs explorations.
Basée sur des projets L’activité de l’enseignant et des élèves est orientée par une question de fond, qui organise les concepts, les principes et les activités. A travers l’investigation, les élèves développent un certains nombre d’instrument (des productions) qui reflètent leurs compréhension.
Investigation L’enseignant aide les élèves à définir et investiguer des problèmes, tirer des conclusions et évaluer la validité des connaissances issues de leurs conclusions.
Investigation guidée L’enseignant et les élèves participent à définir et investiguer un problème, construire des modèles, inventer et tester des explications et évaluer l’utilité et la validité de leurs données et l’adéquation de leurs conclusions. L’enseignant étaye les efforts des élèves pour utiliser le matériel et les outils intellectuels de la science jusqu'à leur autonomie.

Nous présentons l’ensemble de ces deux tableaux comme ils sont proposés dans l’article de Magnusson. Un même enseignant peut avoir différentes orientations en fonction du contenu traité, de la classe à laquelle il enseigne … Il peut présenter un mélange de différentes orientations, même si celles-ci sont antagonistes, comme par exemple didactique et découverte (Magnusson et al., 1999).

Cette catégorisation de l’orientation des enseignants nous semble intéressante pour bien comprendre leurs connaissances entrant dans la catégorie buts et raisons de l’enseignement des sciences. Toutefois elle est, à nos yeux, une classification trop artificielle, caricaturale et radicale du « style » ou de la manière d’enseigner d’un enseignant et en gomme toutes les nuances. Nous préférons donc ne pas nous reposer sur ces catégories, mais nous conservons toutefois l’idée qui se dégage de ces tableaux en ce qui concerne le type de composantes qui rentre dans la catégorie buts et raisons de l’enseignement : un fil conducteur, une vue globale qui va orienter les actions de l’enseignant dans sa classe. Nous ajoutons à cette catégorie un élément qui nous semble essentiel mais qui n’apparait pas dans le modèle de Magnusson : l’épistémologie de l’enseignant. Nous entendons par là ses connaissances sur le fonctionnement des sciences. Ce nouvel élément appartient bien à la catégorie Buts et Valeurs sur l’enseignement puisque cette épistémologie va venir influencer directement les buts qu’accorde l’enseignant à l’enseignement des sciences et les valeurs d’un tel enseignement et également fournir un fil rouge pour l’enseignant.

Nous venons de voir que les TPC, constituants des PCK, peuvent être catégorisés en cinq catégories. Il nous reste à voir maintenant comment nous prenons en compte la spécificité des TPC par rapport au contenu..

Notes
7.

Le terme de didactique est ici à prendre au sens Étatsunien (transmission de faits scientifiques) et non au sens français