6.3.1. Caractérisation de la méthode de reconstruction

La reconstruction des TPC nécessite de donner du sens aux actions des protagonistes de la classe ; il s’agit de reconstruire « l’intrigue ». Deux approches peuvent être envisagées :

  • Une approche narrative permet de rendre compte de ce qui se passe dans l’épisode. Dans ce cas l’analyse obéit à une logique « analogique » à la situation elle-même. C’est ce type d’approche qui est utilisé si l’intrigue de l’épisode est reconstruite à partir d’un récit (L’élève pose une question concernant … L’enseignante se dirige vers le tableau …).
  • La deuxième approche consiste à affecter des mots clés à l’épisode, permettant de décrire l’intrigue cette fois-ci sous forme « digitale » (par analogie avec les 0 et 1 des systèmes numériques : soit l’épisode contient le mot clé soit il ne le contient pas). Cette approche implique comme hypothèse de départ de considérer que deux événements se produisant dans deux épisodes interactionnels différents peuvent être considérés comme appartenant à la même catégorie. Deux épisodes interactionnels différents qui sont codés à l’aide du même mot clé contiennent un événement considéré comme étant équivalent.

L’affectation des mots clés à un épisode interactionnel peut, en fonction du mot clé, relever de deux logiques :

  • Soit le mot clé code un événement auquel il est possible de donner du sens à partir de l’épisode. Par exemple le type de discours est codé en regardant uniquement l’épisode interactionnel. Il est possible de faire correspondre les frontières de l’événement avec les frontières de l’épisode. Un autre exemple est le niveau de modélisation dans la réponse de l’enseignante ou la question de l’élève.
  • Soit le mot clé code un événement auquel il est impossible, à partir de ce qui se passe dans l’épisode seul, de donner du sens, ou de rendre compte de cet événement. L’exemple le plus parlant est la chronogénèse. Rendre compte de la chronogénèse d’un épisode n’a pas de sens. Il faut prendre en compte la chronogénèse sur un temps plus long, pour pouvoir situer ce qui se passe dans l’épisode par rapport à l’avancée du savoir dans la classe. Ce type de mot clé correspond en quelque sorte au codage d’une analyse « narrative ».

Si l’on revient à la méthode de reconstruction des TPC, nous pouvons qualifier celle-ci d’analogique. L’attribution des mots clés, présentée dans la partie précédente, relève quant à elle d’une approche digitale. Prenons un exemple afin d’illustrer la nécessité, dans le processus de reconstruction des TPC, de prendre un point de vue analogique : Deux épisodes se voient affectés le même mot clé : l’enseignante ne répond pas tout de suite à la question de l’élève. En fonction du contexte, deux TPC différentes ont été reconstruites :

  • Le premier épisode se situe dans une séance qui fait suite à une séance de TP. Le thème dans lequel se trouve l’épisode est consacré à revoir ce qui a été fait en TP. A partir du fait que l’enseignante ne répond pas tout de suite à l’élève (codé sous forme de mot clé), nous avons, en fonction du contexte, reconstruit la TPC suivante : l’enseignante ne répond pas tout de suite pour pouvoir calquer la progression du cours sur la feuille de TP.
  • Le deuxième épisode se situe dans une séance ou l’enseignante reprend ce qui a été vu en TP (même cas que précédemment). Le thème dans lequel se situe l’épisode est l’avant- dernier thème de la séance. Au cours du dernier thème l’enseignante va introduire un modèle particulaire de l’équilibre chimique grâce à un simulateur. L’épisode est affecté du même mot clé relatif à la chronogénèse que l’épisode décrit ci-dessus (l’enseignante ne répond pas tout de suite à la question de l’élève). La TPC reconstruite dans ce cas là est : L’enseignante ne répond pas tout de suite aux questions portant sur l’interprétation microscopique parce qu’elle désire introduire le modèle microscopique de l’équilibre chimique à l’aide d’un simulateur et reporte toutes les questions afférentes à ce modèle au moment où les élèves auront la simulation sous les yeux, …

Cet exemple nous montre que le codage des épisodes à l’aide seulement de mots clés ne permet pas de reconstruire les TPC. Ou alors il faudrait disposer d’un nombre très important de mots clés, en espérant que ceux-ci vont permettre de décrire toutes les dimensions nécessaires à la reconstruction des TPC. L’approche analogique permet de se dispenser d’une analyse a priori des dimensions de description d’un épisode nécessaire à la reconstruction des TPC.

La reconstruction de chacune des TPC est très dépendante de la définition des catégories de TPC. Or ces catégories ont des frontières plus ou moins floues. Ainsi pour les catégories « Buts et valeurs de l’enseignement des sciences » et « Curriculum », certaines TPC sont difficiles à classer. Par exemple la TPC : les élèves n’ont pas à apprendre par cœur les constantes de réactions appartient à la fois à la catégorie curriculum, mais peut aussi être classée dans la catégorie « Buts et valeurs ». En effet il s’agit là d’une instanciation d’une TPC plus globale qui est que le but de l’enseignement de la chimie n’est pas d’apprendre des valeurs par cœur. Dans ces cas- là nous avons choisi de retenir la TPC « Curriculum » ainsi que de reconstruire la TPC « Buts et valeurs ». En effet il s’agit bien de deux éléments de connaissances qui sont liés au même élément de savoir. Nous avons soulevé ce problème de définition et de frontière des catégories dans l’introduction de ce chapitre. Dans la partie consacrée au processus de reconstruction nous avons vu que les TPC de la catégorie « Stratégies » ont nécessité pour être reconstruites, de préciser ce qui pouvait être envisagé comme relevant de stratégies. Nous avons identifié quelques pistes, correspondant à ce que nous avons appelé des indices : la mise en jeu de registres sémiotiques, la gestuelle …