6.3.2. Communiquer les TPC reconstruites

Le dernier problème posé par ce processus de reconstruction réside dans la communication des résultats. La première difficulté vient de ce que la reconstruction se fait à partir d’extraits vidéo. Il est impossible de décrire tout ce qui se passe dans une vidéo, ni d’en conserver la temporalité, à l’écrit. La contestation, la remise en question ou la validation, par une tierce personne, de la reconstruction d’une TPC par la seule transcription de l’épisode interactionnel reste problématique La solution à ce problème est donnée par la méthode des juges, qui consiste à demander à plusieurs personnes de coder les données en se basant sur une règle de codage commune. Les résultats du codage sont ensuite comparés. La règle de codage est validée lorsque les différences entre codages des différents participants est inférieur à un certain seuil. Nous n’avons pas appliqué la méthode des juges qui est une méthode très chronophage. Toutefois nous avons échangé, avec deux autres chercheurs, à propos des TPC reconstruites. Les trois chercheurs, après visionnage d’un épisode et prise en compte du contexte de l’épisode, ont discuté des TPC reconstruites. Cette étape nous a permis de nous assurer que la méthode de reconstruction n’est pas purement subjective, puisque les TPC reconstruites ont fait l’objet d’un consensus au sein des trois chercheurs. Notons que plus de TPC sont reconstruites lorsque les chercheurs travaillent en groupe.

La deuxième difficulté vient de ce qu’il faut mettre en mot une TPC pour pouvoir en discuter. Nous avons choisi plusieurs façons de procéder, en fonction de ce qui nous semblait rendre compte le plus fidèlement de ce que nous avions reconstruit. Nous procédons par phrases qui peuvent commencer par « l’enseignante fait ceci ... », parfois par une description de la situation, parfois la TPC est représentée par une phrase ayant une portée plutôt générale et décontextualisée.

La catégorie « Curriculum » présente une bonne homogénéité de la façon dont sont formulées les TPC, il s’agit de phrases courtes et concernant un élément de connaissance très précis, par exemple « Connaissant la formule de l'acide les élèves doivent savoir trouver la formule de la base conjuguée ».

La catégorie « Buts et valeurs », en plus de contenir le même type de phrases que les deux catégories précédentes est également constituée de TPC dont la mise en mots demande plusieurs phrases. Par exemple la TPC suivante : « Pour expliquer à la fois les différences de mesures du pH entre les élèves de la classe, la valeur de 0,8 comme taux d'avancement pour une réaction totale et que dans un DS on considère que 0,8 ne correspond pas à une réaction totale, l'enseignante admet que les expériences menées par les élèves ne sont pas précises (à cause du matériel apparemment). On peut en déduire des résultats par comparaison (0,8 est beaucoup plus grand que 0,04) ».

La catégorie « Difficultés » présente une hétérogénéité dans la formulation des TPC. Certaines TPC sont centrées sur la difficulté en jeu, comme par exemple les TPC suivantes : « L'écriture de l'ion oxonium est problématique pour les élèves » ; « Les logarithmes sont sources de difficultés ». D’autres TPC sont centrées sur ce dont les élèves ont besoin pour comprendre la chimie comme par exemple la TPC suivante : « Les élèves ont besoin de savoir à quoi va servir K dans les exercices ». Comment expliquer ces deux types de formulations ? Pour nous il s’agit de la façon dont l’enseignante perçoit la difficulté en jeu : est-ce qu’il s’agit d’une difficulté conceptuelle ou d’une difficulté de mise en œuvre du savoir. La TPC « L'écriture de l'ion oxonium est problématique pour les élèves » se réfère à une difficulté d’ordre conceptuelle alors que la TPC « Les élèves ont besoin de savoir à quoi va servir K dans les exercices » se réfère à une difficulté liée à la mise en œuvre du savoir.

Enfin la catégorie « Stratégies » comporte de nombreuses TPC qui ont nécessité plusieurs phrases qui sont, de plus très encrées dans le contexte de l’épisode. Par exemple : « L'enseignante utilise un exemple pour montrer que K n'est pas toujours inferieur à 0. Elle prend l'équation de la réaction déjà écrite au tableau et calcul K pour la réaction inverse. Les élèves ont déjà calculé le K de la réaction directe, il suffit juste de prendre son inverse. L'enseignante reprend ce qui est déjà au tableau, même si la réaction n'est pas la plus familière aux élèves ». Ce type de TPC correspond à une démonstration, comportant une ou plusieurs étapes. D’autres TPC « Stratégies » sont formulées grâce à des phrases moins proches de la description de l’action de l’enseignante, par exemple : « L’enseignante fait référence au « flacon », objet du monde visible, lorsqu’elle parle de l’état initial, propriété du monde non visible. » Contrairement à la TPC précédente, il ne s’agit pas d’une démonstration mais de donner un sens à l’état initial en le rapprochant de ce que les élèves ont fait en TP. Alors que le premier type de TPC correspond en fait à une description d’une stratégie, le deuxième type laisse plus de place, au chercheur, à l’interprétation.

Ces différences dans la formulation des TPC révèlent également, en plus de nature de connaissances différentes au sein de chaque catégorie de TPC, l’hétérogénéité des catégories de TPC. Nous l’avons vu, la catégorie « Stratégies » est à part des autres : la définition de ce qu’est une stratégie est laissée au soin du codeur ce qui, pour nous, a entrainé des frontières floues. Cette différence apparait aussi dans la mise en mot. La nécessité de prendre en compte, en partie, le contexte est probablement dû au fait que les TPC de cette catégorie sont moins des connaissances déclaratives, que des connaissances dans l’action. Ainsi s’il est facile de faire une liste des connaissances ayant trait au programme, cela se démontre être plus compliqué pour certaines connaissances sur les stratégies.