8.2. Type de TPC mises en œuvre et caractérisation des TPC

Notre deuxième ensemble de questions concernait le type et le nombre de TPC mises en œuvre par l’enseignante et la façon dont il est possible de caractériser ces TPC.

8.2.1. Type et nombre de TPC mises en œuvre dans un enseignement de chimie

Nous avons posé la question de savoir quels types, et combien, de TPC sont mises en œuvre lors d’un enseignement de chimie.

Nous avons constaté, premièrement, qu’aucune TPC de la catégorie « Évaluation » n’est mise en œuvre dans les épisodes interactionnels. Vraisemblablement les épisodes interactionnels ne sont pas des moments privilégiés pour l’étude de ce genre de TPC : lors de ces passages, ce sont les élèves qui prennent l’initiative de poser une question, l’enseignante met donc peu souvent en œuvre des connaissances relatives à la détection des difficultés des élèves.

La majorité des TPC mises en œuvre appartient à la catégorie « Stratégies », cette catégorie a été sujette à discussion : les frontières en sont floues, et ce que signifie une stratégie d’enseignement demande à être précisé. De plus certaines des TPC de cette catégorie sont en fait constituées de regroupement de TPC articulées entre elles. Nous avons donné au chapitre 6 l’exemple suivant : la TPC « utiliser le tableau d'avancement pour différencier l'état final de l'état initial et comme représentant des liens entre concepts » peut être décomposée en trois TPC.

  • « les élèves maitrisent bien le tableau d’avancement »
  • « les élèves éprouvent des difficultés avec les concepts d’état final et d’état initial »
  • « le tableau d’avancement est un concept central du programme du lycée »

Les deux premières TPC appartiennent à la catégorie « Difficultés », la troisième à la catégorie « Curriculum ».

Il s’agit toutefois d’une des principales catégories de TPC (van Driel, 1998), c'est-à-dire qu’il s’agit de la catégorie de connaissances la plus spécifique du métier d’enseignant. Nous nous attendions donc à ce que l’enseignante mette en œuvre ces TPC dans de nombreux épisodes.

La deuxième catégorie principale de TPC, d’après la littérature, est la catégorie « Difficultés ». Nous observons que ces TPC sont mises en œuvre de façon plus sporadique que celles de la catégorie « Stratégies ». Nous aurions pu nous attendre à ce qu’une TPC « Difficultés » soit mise en œuvre avec une TPC « Stratégies » selon le schéma d’action suivant : l’enseignante détecte une difficulté chez les élèves, ou sait que tel objet de savoir occasionne des difficultés chez les élèves ; en fonction de cette TPC elle met en place une stratégie d’enseignement afin de contrer cette difficulté en mettant en œuvre une TPC « Stratégies ». Nous ne retrouvons pas ces liens dans les graphes d’implications, ceci est dû à la particularité de la catégorie « Stratégies » :

  • La définition de ce qu’est une stratégie reste floue
  • Certaines TPC « Stratégies » reconstruites sont décomposables en TPC plus petites d’autres catégories.

Du fait que nous n’avons pas décomposé les TPC « Stratégies » en TPC plus « petites » les liens entre les TPC « Stratégies » et d’autre TPC d’autres catégories, notamment la catégorie « Difficultés » n’apparaissent pas.

Les TPC de la catégorie « Buts et valeurs » sont mises en œuvre de manière homogène tout au long de la séance. Ceci est dû au fait que les épisodes à partir desquels les TPC « Buts et valeurs » sont reconstruits sont relativement variés, nous retrouvons ainsi des épisodes traitant de l’expérimental par rapport au théorique (tableau 68), des épisodes traitant de ce qu’il faut savoir (tableau 66) ou enfin des épisodes permettant de voir comment l’enseignante apporte la justification à ses réponses (tableau 65). Nous obtenons de ce fait des TPC très variées au sein de la catégorie « Buts et valeurs » : des connaissances relatives à l’épistémologie, à ce qui est important dans l’apprentissage de la chimie et à la façon dont une réponse est argumentée.

Enfin les TPC « Curriculum » sont peu mises en œuvre, pour nous il s’agit d’une limitation de notre méthode d’analyse : nous n’avons réussi à reconstruire des TPC « Curriculum » qu’à partir d’épisodes assez particuliers dont les questions des élèves étaient du genre « ce qu’il faut savoir ». Or nous avons conscience que ce genre de connaissances est mis en œuvre de façon quasiment constante dans l’activité de l’enseignante. Cela étant dit, nos analyses montrent que ce genre de TPC est mis en œuvre de façon homogène dans la séquence, aucun thème ne semble être privilégié.

De tous ces points il ressort que lors de son enseignement de chimie, l’enseignante met en œuvre un grand nombre de TPC pour pouvoir répondre aux questions des élèves. Ces TPC sont variées (il s’agit rarement de la même TPC). Voici quelques exemples de TPC pour montrer la variété de ces connaissances :

  • « L'équation de la réaction est un représentant qui lie les concepts (produits, équilibre) et ainsi qui aide les élèves à comprendre ».
  • « Structurer le calcul, passer par des étapes (calcule de C,...) permet aux élèves de ne rien oublier ».
  • « Justifier sa réponse peut se faire en faisant appel à l'analyse dimensionnelle »
  • « Les élèves doivent savoir lister, lors d’une analyse par conductimètrie, tous les ions spectateurs ».

Le type de TPC mis en œuvre ne dépend pas du thème, ainsi à tout moment l’enseignante est susceptible de mettre en œuvre une TPC de n’importe quelle catégorie.

Dans la majorité des épisodes une seule TPC est mise en œuvre. Or le travail enseignant est défini comme étant complexe (voir chapitre 1) ce qui aurait comme conséquence que même pour des réponses relativement courtes de l’enseignante celle-ci mette en œuvre plusieurs TPC. Ce résultat est en grosse partie dû au problème de définition du grain de connaissance que représente une TPC. Comme nous l’avons évoqué, certaines TPC que nous avons reconstruites sont décomposables en TPC plus « petites ». Si nous avions pris conscience de ce problème plus tôt dans notre travail, nous aurions pu reconstruire à chaque fois la TPC la plus petite possible en décomposant au maximum chaque TPC. Nous aurions ainsi pu voir apparaitre la mise en œuvre de plusieurs TPC au sein d’un même épisode de manière plus systématique.

La caractérisation des TPC en fonction de leur spécificité par rapport au savoir enseigné auquel elles sont liées (caractère global ou local) nous renseigne sur la spécialisation des connaissances de l’enseignante. En effet une TPC a d’autant plus de chance d’être utilisée dans des situations diverses que l’élément de savoir auquel elle est liée est important en taille, si l’on part du principe qu’un « gros élément » de savoir nécessite plus de temps d’enseignement ainsi que de sa spécificité. Ainsi la TPC suivante : « Définir une grandeur en comparant ses propriétés par rapport aux propriétés d'une autre grandeur » est liée à un gros objet de savoir (les grandeurs) d’autant plus qu’il s’agit d’un objet de savoir offrant une « transversalité importante (c'est-à-dire qui peut être utilisée pour des connaissances chimiques différentes), cette TPC est susceptible d’être mise en œuvre dans des situations diverses étant donné que l’enseignement de chimie fait souvent appel à cet objet de savoir. Au contraire la TPC « Les élèves n’ont pas besoin de connaitre les valeurs des pKa » est liée à un petit objet de savoir : le pKa, très spécifique. Cette TPC est peu susceptible d’être utilisée si le savoir en jeu dans la classe ne concerne pas directement le concept de pKa. L’enseignante met en œuvre autant de TPC locales que globales. Ainsi des connaissances spécifiques sont utilisées conjointement à des connaissances d’ordre plus général.