1.1.3 L’Apprentissage au sens Socioconstructiviste-Interactionniste

Nous présentons dans cette partie l’approche socioconstructiviste-interactionniste, une jonction des trois approches qui lui donnent l’origine du nom. Ici, nous avons l’objectif de détailler quelques aspects de cette approche pour éclairer la position de notre recherche dans le domaine du processus d’enseignement-apprentissage.

Comme nous avons vu, l’approche constructiviste, développée entre autres par Piaget, étudie les mécanismes et processus qui permettent la construction de la réalité chez les sujets à partir d’éléments déjà intégrés. Selon Piaget, la pensée humaine se construit à mesure que l’enfant entre en contact avec le monde, contacts qui donnent origine à des unités élémentaires de l’activité intellectuelle, appelés schèmes.

Les schèmes sont des entités abstraites d’organisation d’une action (physique ou mentale) et ils s’ancrent dans l’esprit lorsque l’expérience les conforte, ou se modifient lorsqu’ils sont contredits par les faits. La construction de schèmes implique deux mécanismes que Piaget appelle assimilation et accommodation.

‘« L’assimilation est un processus d’intégration par lequel un individu incorpore de nouvelles informations ou expériences à des structures déjà existantes. » Alors que « l’accommodation est un processus complémentaire qui consiste à modifier un schème afin d’y intégrer une nouvelle information que nous avons acquise par assimilation. …mécanisme consistant à modifier un schème existant afin de pouvoir intégrer un nouvel objet ou une nouvelle situation » (Bee, H. et Boyd, D., p. 23 ; Piaget, 1936). ’

L’autorégulation entre assimilation et accommodation est nommée « équilibration », ce qui permet de passer d’un état d’équilibre psychologique à un autre, qualitativement différent, en passant par des multiples déséquilibres et rééquilibrations.

Le sujet restructure (re-conceptualise) les informations reçues à partir de ses propres concepts.

Bien que l’interaction et les transmissions sociales soient un des quatre facteurs du développement (les trois autres sont : la maturation nerveuse, l’exercice et l’expérience et l’équilibration), Piaget limite l’influence du social aux structures de la pensée psychologique.

Ce développement ou maturation sur lequel Piaget met l’accent est aujourd’hui discuté car nous savons que la maturation biologique se développe en parallèle avec les interactions. Nous observons que la proposition d’exercices, de discussions et d’affrontement de conflits, contribuent au développement des structures cognitives du sujet. C’est sur ce point du rôle des variables sociales dans l’apprentissage que le socioconstructivisme vient collaborer.

La théorie socioconstructiviste de Vygotski (1989) a comme base la conception que l’enfant est le résultat de son immersion dans son environnement culturel et du processus d’appropriation qu’il en fait. L’enfant ne s’approprie son environnement culturel que lorsqu’il est actif et en communication. Globalement, Vygotski affirme que l’intelligence se développe à partir de certains outils psychologiques que l’enfant trouve dans son environnement, parmi lesquels se trouve le langage (outil fondamental). Pour lui, les mots sont source de formation des concepts, activité mentale de plus en plus complexe, selon l’expérience.

A partir de ces idées, Vygotski affirme que « ce que l’enfant sait faire aujourd’hui en collaboration, il saura le faire tout seul demain ». Ce concept est bien développé à travers la définition de « zone de développement proximal » (Vygotski, 1934).

Vygotski avance que le développement mental est composé de deux niveaux:

  1. Niveau de Développement Réel ;
  2. Zone de Développement Proximal, laquelle est définie comme :
‘« … distance entre le niveau de développent réel (déterminé par la résolution indépendante des problèmes par l’individu), et le niveau de développement potentiel (déterminé par la résolution des problèmes sur une orientation d’un adulte ou en collaboration avec ses camarades plus capables) » (Vygotski, 1989, p.97).’

A travers la constante actualisation de la « zone de développement proximal » l’apprentissage développe plusieurs processus internes propres qui arrivent quand l’enfant interagit avec d’autres personnes et quand il coopère avec ses camarades. Quand une nouvelle représentation est intériorisée, elle devient partie de l’acquisition et un élément du développement indépendant de l’enfant.

Vergnaud (1991) contribue à l’étude des processus de conceptualisation avec ces idées d’intériorisation de représentation dans le processus d’enseignement/apprentissage dans sa théorie des champs conceptuels et construction de schèmes pendant l’apprentissage. Selon lui, l’individu organise d’une manière invariante sa conduite pour une classe de situations données, mais avec des processus de contrôle qui permettent une adaptation des schèmes pendant l’activité en fonction des modifications qui peuvent arriver. Le schème dans les champs conceptuels de Vergnaud, est considéré comme une totalité dynamique fonctionnelle.

Nous verrons dans le prochain chapitre d’une manière plus détaillé, la conception de Vergnaud sur la théorie des champs conceptuels, nous focalisant sur les structures et conditions imbriquées dans la construction d’un schème, nous concentrant plus spécifiquement sur l’enseignement-apprentissage de la Statistique.

Pour cela nous considérons aussi la théorie d’enseignement que Bruner (1962) développe, dans sa perspective interactionniste, qui donne grande importance à la médiation sociale comme processus de régulation lors de l’enseignement-apprentissage. Il considère que dans l’enseignement, le médiateur a un grand rôle dans la façon dont le contenu à apprendre est présenté, à travers le concept d’étayage.

Dans sa théorie de l’enseignement, Bruner avance quatre caractéristiques importantes dans le processus d’enseignement-apprentissage:

  1. Prédisposition : l’individu doit être prédisposé pour qu’il apprenne. Pour cela, les aspects des expériences et le facteur affectif sont très importants ;
  2. Structure et forme d’enseignement : l’ensemble des connaissances (contenu) à être appris doit avoir une structure spécifiée ;
  3. Séquence et ses applications : l’ensemble des connaissances (contenu) doit avoir une séquence efficiente ;
  4. Forme et distribution de récompense : les aspects d’application de récompense et punition doivent être présents dans le processus d’enseignement-apprentissage.

Notre recherche se place entre ces quatre perspectives du processus d’enseignement-apprentissage : le constructivisme, le socioconstructivisme, l’interactionnisme et la théorie des champs conceptuels. Les aspects de chaque approche pris en compte dans notre recherche sont présentés dans le tableau suivant :

Tableau 1: Aspects des quatre approches considérés dans notre recherche.
Approche Caractéristiques
Constructiviste Apprentissage à partir de l’action de l’individu, qui donne origine à la construction et organisation de schèmes à partir des processus d’assimilation et accommodation.
Socioconstructiviste Importance des outils psychologiques dans le développement.
Zone de développement proximal
Interactionniste Importance de la médiation.
Sujet actif pour construire de nouveaux concepts.
Champs conceptuels Construction et adaptation des schèmes dans la conceptualisation.
Règles d’action comme ingrédient dans la construction des schèmes.