1.3.4.2 Les Représentations Affectives

Damasio (2000) fait référence à trois types d’émotion : émotions primaires ou universelles (joie, tristesse, peur, rage, surprise) ; émotions secondaire ou sociales (embarras, jalousie, faute, orgueil) et émotions de plans arrière (bien-être ou mal-être, calme ou tension). Cet auteur définit l’émotion comme un groupe complexe de réactions chimiques et neuronales qui forment un modèle ; en amenant d’une façon ou d’autre, à la création de circonstances pour l’organisme sur lequel le phénomène se manifeste. Les émotions sont liées à la vie d’un organisme, son corps, et pour être plus claire, sa fonction est auxiliaire pour que l’organisme préserve sa vie (Damasio, 2000).

Nous rencontrons aussi plusieurs définitions du concept d’émotion. Lazarus, selon Vallerant et Thill (1993) considère l’état émotionnel, comme les sentiments et les humeurs en les regroupent sous le vocable d’états affectifs. Les états affectifs sont tous les états qu’impliquent des sensations de plaisir-déplaisir ou encore les états liés au registre agréable-désagréable.

Scherer (1984) suggère que les émotions sont des épisodes de synchronisation temporaire des principaux sous-systèmes du fonctionnement organique (cognition, régulation physiologique, motivation, expression motrice et sentiment) en réponse à l’évaluation d’un stimulus, externe ou interne, pertinent aux intérêts de l’organisme.

Les activations physiologiques stimulées par les émotions influencent le déroulement des activités cognitives. C’est pour cela que nous pouvons faire des relations entre émotion et motivation. « L’émotion constituerait donc une phase aiguë avec une perturbation ou forte démarcation par rapport au niveau de base, plus stable, de l’état affectif d’un sujet » (Vallerant et Thill, 1993, p. 45).

L’affect est l’aspect positif ou négatif qui accompagne chaque chose. Il est exprimé par un jugement cognitif du sujet comme « j’aime » ou « je n’aime pas ». C ‘est important de souligner que les émotions, ainsi que les représentations cognitives jouent un rôle fondamental dans la perception affective.

Travaillant avec l’apprentissage, nous ne pouvons pas négliger l’influence des représentations mentales que les apprenants ont par rapport le contenu qui va être appris. Par contre, les divers travaux que nous rencontrons aujourd’hui sur les aspects affectifs qui se mélangent à l’apprentissage ne peuvent pas nous donner des explications certaines au niveau des processus. Comme nous pouvons voir avec le schéma des représentations affectives l’apprentissage d’un contenu parait plus facile et significatif quand l’élève lui aime bien. Nous savons aussi la présentation d’un contenu par un moyen ou quelqu’un que nous aimons déjà (représentation affective positive), favorise la construction d’une représentation affective aussi positive de ce nouveau contenu.

A travers les influences des interactions dans le processus de représentation, le médiateur peut stimuler une représentation affective positive ou négative d’un objet d’étude par l’apprenant. Forgas (2001) défend que l’état affectif (positif ou négatif) des représentations est soumis à une variété des conséquences informationnelles et processuelles sur la cognition sociale.

‘“Cognitive appraisal processes and emotion production rules are also heavily implicated in the way people perceive and construe situations, and in the nature of their resulting affective reactions” (Forgas, 2001, p.17)’

Comme nous l’avons remarqué, les représentations affectives positives sont des contributions au procès d’apprentissage. Alors, que faut-il faut considérer pour favoriser une représentation positive d’un objet quelconque?

Plusieurs auteurs nous montrent cette influence des aspects affectifs dans la cognition (Almeida, 1999 ; Galvao, 1995). D’un côté les émotions sont traitées comme dangereuses pour la pensée et de l’autre côté, elles sont interprétées comme importantes et nécessaires à la performance (Forgas, 2001).

La théorie d’estimation de l’activité émotionnelle nous apportet une double approche apparemment contradictoire : a) toute information subit un double traitement (affectif et cognitif) par le système nerveux, où les décisions d’agir restent sous le contrôle affectif et b) l’émotion est un facteur limitant de la performance de la faculté de raisonnement. Le langage populaire a intégré des tendances à éliminer les émotions de la prise de décision. Cela a un réflet significatif dans le procès d’enseignement et de l’apprentissage.

Les stades d’affectivité exposés par Piaget (1974) ne font pas partie du propre procès des émotions, mais ils sont des stades d’émergence de la complexe structure affective - cognitive, laquelle va définir les traces et caractéristiques de la personnalité individuelle.

L’école ne peut pas négliger, ignorer et ni même exclure l’espace de l’émotion dans les activités scolaires, par contre, la prévalence des aspects cognitifs au détriment des aspects émotionnels dedans les écoles est renforcée avec l’idée que l’augmentation de l’émotion baisse la performance intellectuelle et empêche la réflexion objective. Mais le développement des études théoriques, et empiriques sur la relation entre affect et apprentissage nous affirme qu’il est possible d’utiliser ensemble les aspects émotionnels et les activités scolaires pour ainsi développer l’apprentissage :

‘« Il faut voir que les forces de l’émotion et de l’affectivité peuvent être utilisées pour supporter les processus cognitifs d’apprentissage et pour favoriser progressivement la motivation à apprendre, le développement de connaissances et d’habiletés intellectuelles significatives, de même que le développement d’attitudes et de valeurs favorables aux apprentissages scolaires » ( Lafortune, 2002). ’

Alors le professeur peut chercher à utiliser les émotions comme source d’énergie et comme facilitatrices de la connaissance. Il est nécessaire d’aborder les aspects affectif et cognitif comme parts du procès de connaissance car les sous-systèmes du fonctionnement organique ne peuvent pas être abordés d’une façon isolée. Dans une approche fonctionnelle, les systèmes mentaux, physiologiques et comportementaux sont au service de l’adaptation de l’organisme aux circonstances (Sherer & Sangsue, 1994).

Sherer et Sangsue (1994) concluent qu’en étudiant l’émotion comme un mode d’opération de l’organisme, dans une synchronisation des ses plusieurs composants, les études futures s’orientent vers des paradigmes fondamentaux en direction de la complexité et du non déterminisme.

Dans notre travail les représentations affectives sont considérées comme le sentiment, favorable ou défavorable sur un contenu donné. Cette idée est développée d’après la théorie de la dissonance cognitive de Festinger (1957).

La théorie de la dissonance cognitive de Léon Festinger (1957) a comme point fondamental l’idée que nous cherchons toujours un état d’harmonie dans nos cognitions. Pour l’auteur « la dissonance cognitive est l’état désagréable que l’individu essai de réduire ou d’éliminer » (Rodrigues et al., 2000, p. 166). La dissonance cognitive varie selon l’importance des cognitions en relation dissonante les unes avec les autres et aussi avec la quantité des cognitions qui sont en relation dissonante.

Heider (Rodrigues et al., 2000) a décrit les possibles situations d’équilibre et de déséquilibre dans une relation triadique. Il donne comme exemple la relation de déséquilibre suivante :

Figure 9: Schéma de représentations (Rodrigues et al., 2000, p. 112)
Figure 9: Schéma de représentations (Rodrigues et al., 2000, p. 112)

Pour que la résolution de la situation de déséquilibre cité soit résolue, quatre chemins sont possibles : le changement de la relation P/O; le changement de la relation P/X; le changement de la relation O/X ou la différenciation. La différenciation est le processus de différencier les représentations par rapport un seul sujet, par exemple dans certaines situations, P a une représentation positive de X mais dans d’autres situations, il a une représentation négative de X (Rodrigues, 2000). Festinger argue aussi que la dissonance cognitive peut être réduite ou éliminée à travers la création de nouvelles cognitions ou du changement des cognitions existantes. Or, pour qu’il puisse y avoir de nouvelles cognitions et/ou changement de cognition, il faut une interaction de l’individu avec son environnement.

Nous rapportant au triangle pedagogico-didactique, nous délimitons trois représentations nécessaires pour un apprentissage. Nous pouvons élaborer un schéma (fig. 10) pour exposer les possibilités de représentations à partir d’une interaction, d’une représentation déjà existante chez l’apprenant et d’une représentation déjà existante chez le médiateur.

Figure 10: Schème de la formation de représentations affectives
Figure 10: Schème de la formation de représentations affectives

Si, comme nous le montre le premier cas (flèches plus interne, “1”):

  • l’apprenant a une représentation positive du médiateur;
  • le médiateur a une représentation positive de l’objet qui vas être apprenti;
  • alors, l’apprenant a une représentation positive de l’objet.

Malgré tout le complexe réseau de représentations qui interagissent pendant l’internalisation d’une nouvelle représentation, à partir de ce schéma nous pouvons mieux comprendre ce processus d’influences car il identifie les éléments d’interaction dans l’environnement pendant l’apprentissage (médiateur, apprenant et objet) et l’opération de transitivité définissant le signe affectif de la nouvelle représentation acquise. À partir de là, des études sur la complexité peuvent collaborer pour une meilleure définition du schéma.

Des nombreuses recherches montrent que les sujets placés dans les conditions de dissonance présentent une productivité (performance) significativement plus élevée que les sujets placés dans les conditions de contrôle. Cela se justifie avec la constante recherche d’équilibre cognitif. La dissonance aurait donc bien la propriété d’accroître l’activité générale des sujets (Vallerand et Thill, 1993).

Donc, dans une situation où il n’existe pas de dissonance cognitive, l’individu n’est pas motivé pour la résolution d’un problème, par exemple dans une situation où l’individu utilise la stratégie d’essai – erreur pour résoudre un problème.

Festinger considère que la dissonance est un état de motivation susceptible de mettre en évidence la dynamique cognitive en vue de sa réduction. « La présence de dissonance pousse à agir pour réduire cette dissonance, comme la faim pousse à agir pour réduire la faim » Festinguer, 1957 p. 18). Cet auteur a montré que l’état de dissonance s’accompagnait de réelles modifications physiologiques. Il a montré aussi que l’état de dissonance cognitive était un état de « stimulation non spécifique », susceptible d’être interprété de diverses façons par le sujet  et que la dissonance pouvait avoir, dans diverses situations d’apprentissage, des effets analogues à ceux de la motivation dans les théories traditionnelles de l’apprentissage comme nous avons vu chez Vallerand et Thill, l993. Ces aspects de dissonance cognitive, impliqués dans la motivation pour l’apprentissage, sont intégrés à ceux sur lesquels nous nous engageons dans notre travail.