1.3.5.1 La Perception de Compétences et l’Autodétermination :

Piaget (1974) différencie la réussite d’un comportement et la compréhension du processus. Pour lui, l’action est un « savoir-faire » autonome si elle est comparée à la conceptualisation, laquelle arrive toujours après l’action. D’après les observations de Piaget (Till, 1999) les sentiments d’efficience qui découlent de la perception des variations d’états de l’organisme, où les efforts et les aptitudes propres semblent indifférenciés, correspondent aux premières perceptions de compétence pendant le processus de développement. Ensuite, le sujet commence à dissocier l’efficacité interne et les résistances externes. Il va progressivement faire des différenciations entre deux formes de causalités, une concernant les interactions des objets entre eux et l’autre en rapport son efficacité qui unit les intentions aux actions. Au cours du développement, les relations sociales sont très importantes pour les perceptions de compétence et sont des situations d’évaluation autonomique de la compétence qui stimulent l’autodétermination.

Dans la théorie des champs conceptuels, à partir de l’idée de concept en acte, Vergnaud travaille le concept de compétence. Il identifie cinq types différents de conception de compétence :

  1. X est compétent quand sait faire ce qu’il ne savait pas faire avant ;
  2. X est compétent quand il sait faire ce que Y ne sais pas ;
  3. X s’il prend d’une meilleure manière (plus rapide, par exemple) ;
  4. X est plus compétent car il dispose d’une ressource plus importante ;
  5. X est plus compétent s’il est capable de s’en sortir d’une situation nouvelle. C’est là que les concepts en acte sont plus importants.

Nous pouvons voir que l’idée de compétence varie selon l’activité et son objectif. Néanmoins, ce qui est important pour nous est l’auto-perception du sujet, quand il se voie compétent.

A travers les références externes à partir desquelles les individus font des jugements sur sa difficulté dans une tâche, ceux-ci peuvent apprécier leur niveau de compétence par la comparaison. Par exemple, un enfant qui se compare à d’autres, interprète qu’il fait moins d’effort pour arriver au même but que l’autre enfant. Il se perçoit alors plus compétent que l’autre (Till, 1999).

Le sentiment de compétence est très important lors de la réalisation d'une tâche. Si nous croyons que nous sommes capables de résoudre un problème, nous avons l’impression d'avoir le contrôle sur ce que l'on est en train d'effectuer et alors nous sommes davantage motivés pour poursuivre ce que nous sommes en train de faire. Donc, cela est en lien avec trois facteurs de la motivation : le sentiment de compétence à réaliser une tâche, le sentiment de contrôle sur le déroulement et la propre valeur que nous donnons à la tâche (Till, 1999).

La perception de compétence ou « d’auto efficacité » (Bandura, 1997) est une variable médiatrice dans le processus d’apprentissage car elle est au centre de la relation entre la perception des risques, l’attente des conséquences, la conscience des difficultés d’exécution de la tâche et l’intention à réalisation du comportement.

La volonté pour une activité ou l’autodétermination sont donc des clefs de la motivation, qu'elle soit intrinsèque ou extrinsèque. L'autodétermination, dans le cas d’une motivation intrinsèque, est démontrée par un intérêt personnel pour quelque chose, c'est l'envie de faire quelque chose sans aucune contrainte. Par exemple, un élève qui voudrait absolument être astronome sait que pour parvenir à cet objectif il doit se dédier beaucoup aux études (Fenouillet, 2005). Dans ce cas, la motivation est extrinsèque, mais l'autodétermination de l’élève est forte, alors il va se dédier beaucoup aux études.

Romainville (2000) fait des remarques importantes à propos de l’efficacité de la métacognition sur la performance. Il se base sur trois questions pour exprimer que la méta-connaissance n’implique pas forcément l’amélioration de l’apprentissage : a) Pourquoi il y a des élèves qui sont capables d’effectuer une action, mais qui n’arrivent pas à dire comment ils font ? b) Pourquoi un élève qui sait ce qu’il devrait faire et comment il devrait le faire, n’arrive pas à le faire ? c) Comment expliquer les situations où la conceptualisation s’effectue après l’action ? La théorie de Piaget (1974) insiste aussi sur l’idée que la conceptualisation (interprétation d’une action) n’implique pas forcément une meilleure action. D’ailleurs, s’il existe une conceptualisation partielle ou inadéquate, elle peut être préjudiciable à la réussite. Nous avons abordé cette conception dans le sous-chapitre sur les champs conceptuels, quand Vergnaud exploite le concept de théorème en acte.

La métacognition est la connaissance de la connaissance mise en œuvre. A travers des connaissances au niveau méta nous pouvons arriver à la motivation ou à la démotivation. Par contre ces connaissances n’impliquent pas forcément à des meilleures performances. Mais elles nous permettent d’avoir plus de sens de contrôle de l’action que nous réalisons.

Nous présentons en suite notre schéma qui a été élaboré dans le cadre de Master 2 en Psychologie Cognitive (Braga, 2005) :

Figure 12: Schéma des aspects cognitifs et affectifs en interaction (Braga, 2005).
Figure 12: Schéma des aspects cognitifs et affectifs en interaction (Braga, 2005).

Ce schéma met en relation quelques aspects psycho cognitifs et affectifs dans le cas d’échec dans une tâche. Nous pouvons vérifier que :

  • Les élèves qui sont souvent en échec et qu’utilisent de l’attribution de causalité interne ont une basse auto estime, se démotivent et abandonnent l’activité ;
  • Les élèves qui sont souvent en échec et ont une attribution de causalité externe peuvent abandonner l’activité ou utiliser la stratégie essai-erreur, selon leur niveau de motivation et à quelle représentation externe ils attribuent la cause de l’échec ;
  • Les élèves qui ont une attribution de causalité externe et abandonnent l’activité préservant leur haute auto estime, ont une motivation plutôt externe ;
  • Les élèves qui ont une attribution de causalité externe et utilisent plutôt de la stratégie essai-erreur peuvent avoir une haute ou basse auto estime. Cette relation a été testée dans notre travail de Master 2 et nous avons vérifié que l’auto estime a une tendance d’être toujours élevée. Pour cela, l’élève utilise plusieurs stratégies d’attribution de causalité.
  • Ceux qui ont une basse estime de soi se démotivent et abandonnent l’activité et ceux qui ont une haute estime de soi utilisent plus souvent la motivation externe ;
  • Les élèves qui utilisent de la stratégie réflexive ou perceptive ont une haute estime de soi et ont surtout une motivation interne ;

Nous pourrions encore vérifier la formation d’une boucle pour dire que les élèves qui ont une attribution de causalité externe et qui utilisent ainsi plutôt de la stratégie essai-erreur pour maintenir leur estime de soi élevée, sont impliqués par la motivation externe, ce qui peut stimuler et re-nourrir l’attribution de causalité externe, ainsi que l’utilisation de la stratégie essai-erreur.

Les élèves qui sont amotivés auraient la tendance d’arrêter l’activité le plus tôt possible. Cela pourrait expliquer le motif par lequel des élèves qui sont souvent en échec et font une attribution de causalité interne, ont à la suite une basse estime de soi et s’arrêtent. L’arrêt d’une activité dans ces conditions est l’alternative la plus rapide pour éviter les conflits cognitifs et affectifs.

Comme nous avons remarqué plus haut, l’estime de soit est un aspect qui tende à se maintenir élevé, ce qui peut expliquer l’utilisation de différentes stratégies de résolution d’une tâche et d’attribution de contrôle.