2.2.1 Le Rôle de Médiateur des TIC dans le Processus d’Enseignement-Apprentissage

L’éducation est un système qui évolue dans l’interaction d’un individu avec l’autre et d’un individu avec le monde et la culture dans laquelle il est inséré. C’est à partir de l’interaction et de l’échange que l’apprentissage est rendu possible. Selon l’approche interactionniste en sciences sociales, l’individu et son environnement physique et social sont indissociables, se formant et se transformant dans l’interaction. L’intégration des TIC dans l’enseignement est un témoignage de ce phénomène et nous pouvons l’observer dans une grande partie des pays développés et en développement.

Dans une première lecture de l’utilisation des TICE, l’utilisateur, et en particulier l’élève, est celui qui fait la démarche intersubjective, c’est-à-dire celui qui a la capacité de comprendre le point de vue de l’autre, phénomène essentiel dans l’activité d’apprentissage. Dans ce sens, au travers des interactions avec l’ordinateur, l’utilisateur a le rôle de comprendre le mode de fonctionnement de l’ordinateur, ainsi que le contenu qu’il véhicule (Grossen et Pochon selon Perriault, 2002). Néanmoins, nous ne pouvons pas négliger tous les aspects cognitifs, sociaux et éducationnels que ces rôles d’utilisateurs impliquent.

Au sous-chapitre sur l’ergonomie, nous avons cité quelques aspects des TIC qui sont importants pour sa compréhension et son utilisation. Dans la suite, nous précisons quelques aspects des TIC et des situations qui posent des difficultés pour leur utilisation comme médiateurs dans l’enseignement-apprentissage:

  • L’existence de plusieurs types d’ordinateurs et de systèmes d'exploitation : PC, Macintosh, Windows, MacOS, Linux, etc, ce qui peut occasionner des conflits entre les étudiants et entre enseignants et étudiants ;
  • Le fait que certains utilisateurs n’ont pas assez de connaissance de la machine, ce qui provoque plusieurs interprétations, comme l’anthropomorphisation de la machine ;
  • Les représentations du fonctionnement du logiciel et de la machine jouent un rôle très important dans l’utilisation. Par exemple, un étudiant peut être déçu car les didacticiels n’ont pas les effets spéciaux des jeux vidéo ;
  • L’enseignant doit gérer les difficultés spécifiques au contenu et celles qui sont propres à la machine ;
  • L’enseignant doit gérer aussi bien la médiation avec le logiciel que celle avec la machine, en privilégiant la dimension relationnelle ou la dimension cognitive ;
  • Le changement dans la pratique de l’enseignement pour l’accompagnement de la réalisation de la tâche par les élèves, sans oublier de donner toujours un sens à la tâche.

Le mode de présentation du contenu d’un logiciel éducatif a aussi son importance (Vieira, 1999) :

  1. forme passive : l’élève est spectateur, il existe une séquence logique des informations ;
  2. forme interactive : l’élève établit une relation avec d’autres informations, il existe une interaction entre élève et outil ;
  3. forme participative : l’élève est participatif pendant l’utilisation du logiciel, ce qui développe la créativité.

L’utilisation des ordinateurs comme machines d’enseignement peut varier selon la forme de présentation de l’outil et de son contenu. Nous listons quelques formes d’utilisation possibles :

  1. Logiciels d’exercices et de pratiques : concernent les versions électroniques des exercices travaillés dans la salle de cours. Sont intéressants vue la grande quantité d’exercices mis à disposition mais peuvent se rendre fatigants et limités à un apprentissage de stimulus-réponse ;
  2. Tutoriels : il existe une présentation différente de ce que l’enseignant offre dans la salle de cours, par exemple sons, images, animations ;
  3. Systèmes Spécialistes ou Tutoriels Intelligents : l’intelligence artificielle (IA) s’engage pour l’analyse de l’exécution des activités et l’apprentissage, ce qui donne des informations sur les difficultés des élèves, par exemple. Aborde le recueil des traces d’utilisation ;
  4. Jeux : c’est une forme amusante et intéressante pour l’apprentissage, surtout pour les enfants ;
  5. Simulations : l’ordinateur reproduit de modèles de phénomènes du monde réel. A l’avantage de tester et vérifier des hypothèses, mais reste plutôt un outil qu’un tutoriel.

Face à cette grande variété de la qualité et de l’objectif des outils numériques, comment pouvons-nous considérer un outil numérique comme un logiciel éducatif ? Nous adoptons la conception selon laquelle un logiciel éducatif est tout logiciel utilisé avec une finalité de formation, même s'il n'est pas construit avec cet objectif. Un logiciel éducatif est alors un outil d’aide à l’acquisition de connaissances ou de compétences. Néanmoins, nous nous focalisons sur un logiciel dédié à l’apprentissage de la Statistique, auquel nous faisons parfois référence avec la dénomination « outil ».

L’analyse du rôle de médiateur de TICE que nous réalisons dans notre travail se base sur les 12 critères de Feuerstein (2000). Nous avons fait ainsi une adaptation à l’enseignement médiatisé par les outils numériques, des caractéristiques d’un médiateur dans la salle de cours, décrit par Feuerstein et que nous avons abordé dans le sous-chapitre « le rôle du médiateur » pendant la discussion sur le triangle pédagogico-didactique :

  1. Intentionnalité et Réciprocité : l’outil numérique contient des ressources qui aident l’apprenant à avoir conscience de ce qu’il fait, en stimulant son engagement dans une tâche ;
  2. Signification : la structure de présentation du contenu dans l’outil a un sens et aide l’apprenant à se situer ;
  3. Transcendance : l’outil offre des ressources pour que l’apprenant puisse aller au delà du contenu abordé ;
  4. Compétence : l’outil prend en considération les différents niveaux de compétence de l’utilisateur, lui donnant le sentiment de compétence pendant la navigation ;
  5. Régulation et contrôle du comportement : l’outil offre des ressources pour que l’apprenant ait une responsabilité de ses actions ainsi que la conscientisation de cette responsabilité ;
  6. Comportement de coopération : l’outil offre des ressources pour que l’apprenant puisse partager ses expériences avec d’autres utilisateurs ;
  7. Individualisation : l’outil offre des ressources pour une adaptation aux habitudes et aux capacités de l’utilisateur ;
  8. Recherche de buts : l’objectif du contenu et de l'outil lui-même est bien explicite ;
  9. « Challenge », défi : l’outil stimule l’apprenant à avancer dans les tâches à chaque fois plus difficiles ;
  10. Changement : l’outil offre des ressources pour une conscientisation du changement et l’avancement personnel dans l’apprentissage ;
  11. Alternance positive : l’outil offre plusieurs ressources qui prennent en considération la variété des capacités et de difficultés de l’apprenant, lui laissant ainsi exprimer ses connaissances ;
  12. Appartenance à l’espèce humaine : l’outil offre des ressources pour que l’apprenant ait une conscientisation du contexte et de la culture auxquels il appartient.