Conclusion

Dans notre recherche nous avons montré les effets médiateurs des supports didactiques numériques dans la conceptualisation en Statistique et leur besoin de règles d’actions afin de devenir des bon médiateurs. La médiation et les règles d’actions sont de concepts essentiels dans la conception de l’architecture des logiciels destinés à l’éducation, d’un point de vue cognitif en ergonomie. Ce besoin existe car c’est à travers les règles d’action que le logiciel pourra prendre en compte les représentations affectives et l’attribution de la causalité de l’échec. Le support numérique « Méthodes Quantitatives FORSE », disponible aux étudiants de Licence Formation à Distance (FAD) en Sciences de l’Education a été le logiciel que nous avons utilisé dans cette recherche et auquel nous conseillons une expansion afin de devenir plus qu’un médiateur suffisamment bon en tant que matériel numérique concernant la statistique, mais un bon médiateur.

Nous avons vu dans notre discussion théorique que l’insertion des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation (TICE) implique un nouveau paradigme dans le processus d’enseignement-apprentissage. Le rôle de chaque pôle du triangle pedagogico-didactique se modifie pour donner place à un quatrième pôle avec l’insertion de l’environnement didactique numérique.

La conception d’un outil didactique virtuel comme un médiateur implique son rôle à la fois de porteur du contenu et de facilitateur de l’apprentissage. Pour approfondir dans ces deux rôles, nous avons réalisé une analyse de l’interface de l’outil Méthodes Quantitatives FORSE, selon le domaine de l’ergonomie cognitive et aussi selon la théorie définissant un bon médiateur de Feuerstein (2000), phase 1 de la procédure expérimentale. Pour compléter ces données, nous avons réalisé une observation de l’utilisation de l’outil (phase 2 de la procédure expérimentale), un questionnaire sur son ergonomie (phase 3 de la procédure expérimentale) et un questionnaire sur son utilisation (phase 5 de la procédure expérimentale). Les résultats de ces phases nous amènent à conclure que :

Le support didactique numérique « Méthodes Quantitatives FORSE » est très peu utilisé. Ce donnée était déjà remarquée tout au début de notre recherche, étant même une des motivations pour l’étude de cet outil. Sur le questionnaire sur l’ergonomie de l’outil, 79% des sujets savent qu’il existe mais d’autres 79% n’ont jamais l’utilisé, étant la majorité de ceux qui l’ont utilisé, l’ont fait qu’ « une fois pour voir ». Sur le questionnaire des aspects psychologiques, 72% des sujets n’ont jamais utilisé le support numérique « Méthodes Quantitatives FORSE ». Sur le questionnaire de l’utilisation de l’outil seulement 29% des sujets l’ont déjà utilisé et ceux qui l’ont fait, la majorité était entre une et cinq heures. Nous pouvons rajouter aussi les résultats de ce dernier questionnaire qui montre que 33% des sujets ne sont pas du tout satisfaits avec le support en question comme outil d’étude de la Statistique, donnant de mots avec connotation négative à ce support.

Nous ne considérons pas que cette petite fréquence d’utilisation du support soit conséquence d’une faible divulgation de l’outil. Ainsi, nous nous retournons aux aspects de l’outil qui pourraient justifier ces données : pendant l’observation de l’utilisation de l’outil, 100% des utilisateurs se sont perdu dans l’interface, 50% n’est pas d’accord que l’interface soit intuitive et qu’elle lui plaît et la majorité des sujets ne trouvent pas facilement ce qu’ils cherchent. Notre analyse ergonomique a vérifié que l’arborescence est par fois trop profonde, que la typographie, l’esthétique et la flexibilité de l’interface ne sont pas très adaptés à son utilisation. L’aspect de « signification », de « compétence », et de « défi » dans la médiation ne sont pas si exploités. Il est important aussi de préciser que, sur le questionnaire de l’ergonomie de l’outil, 76% des sujets ont déclarés leur préférence à lire de documents textuels organisés de manière séquentielle et 89% préfèrent qu’un cours en ligne soit d’abord téléchargeable et imprimable, après téléchargeable et consultable depuis l’ordinateur et après consultable en ligne uniquement. Cela vient confirmer quelques aspects de l’enseignement-apprentissage par les TICE que nous avons abordés dans les discussions sur les nouvelles connaissances et compétences qu’ils exigent.

Les résultats cités nous laissent conclure que le support didactique numérique « Méthodes Quantitatives FORSE », pour exercer un rôle de bon médiateur de la Statistique, doit être modifié et adapté aux caractéristiques que notre recherche a pointé à partir de l’ergonomie cognitive et de la définition de la bonne médiation par des systèmes informatiques.

La petite utilisation, les défauts ergonomiques et le manque de prise en compte des règles d’actions n’excluent pas le rôle de ce support dans l’enseignement-apprentissage. En autre, le support « Méthodes Quantitatives FORSE » possède la plupart des défauts et qualités des logiciels destinés à l’éducation.

Nous pouvons vérifier sur les résultats des analyses implicatives le fait que ceux qui utilisent le support et l’utilisent dans une moyenne de temps plus élevé, ont une performance plus élevé par rapport à la moyenne générale de la formation en Licence FAD. Même que cela ne se vérifie pas concernant les notes de la discipline Analyse Quantitative, il existe une corrélation directement proportionnelle et significative entre ces notes et la moyenne générale de la formation Licence. Ces données viennent confirmer notre sous-hypothèse 4 : quant plus d’utilisation, meilleur elle est la performance. Nous avons argumenté que ce fait nous montre la possibilité des outils numériques tels que les Méthodes Quantitatives de devenir des bons médiateurs car ils sont déjà des médiateurs de l’apprentissage.

Dans la perspective socioconstructiviste-interactionniste de l’enseignement-apprentissage, nous considérons que les expériences et les interactions des apprenants dans leur environnement sont très importantes. Adoptant la perspective de la théorie des champs conceptuels de Vergnaud, nous considérons que le développement cognitif implique un développement d’un grand répertoire de schèmes, affectant différentes aspects de l’activité humaine, selon les expériences. Nous rappelons qu’un schème est formé de quatre composantes : 1) but, sous-but et anticipations ; 2) règles d’actions, prise d’information et contrôle ; 3) invariantes opératoires ; 4) possibilités d’inférences. C’est d’après le domaine de la Statistique que nous avons analysé les quatre composantes d’un schème concernant les concepts fondamentaux de la discipline comme les composants mentaux de l’esprit statistique. Pour l’approche de la médiation informatique nous avons dirigé notre attention plus précisément sur le composant « règles d’action » des schèmes.

Du point de vue interactionnel des règles d’action à partir du composant « apprenant » du triangle pedagogico-didactique nous avons défini la bonne médiation. Comme règles d’actions privilégiées dans le triangle pédagogico-didactique, nous avons proposé les aspects cognitifs et affectifs de l’apprenant : l’attribution de causalité, la motivation et les représentations affectives. L’hypothèse de cette thèse a été celle de définir ces aspects psychologiques comme règles d’actions dans la construction de nouveaux schèmes, car selon la théorie de champs conceptuels de Vergnaud (1990) des schèmes peuvent générer des nouveaux schèmes, mais non seulement dans l’esprit de l’apprenant, mais aussi dans l’architecture du logiciel.

Figure 1: L’emplacement de notre recherche dans la théorie des Champs Conceptuels de Vergnaud
Figure 1: L’emplacement de notre recherche dans la théorie des Champs Conceptuels de Vergnaud

En effet, c’est que en prenant en compte les représentations affectives et les attributions de la cause de l’échec des apprenants que le logiciel, même sans une intelligence conceptuelle tel que l’humaine, pourra devenir un bon médiateur.

Nos résultats nous permettent d’affirmer que, sur le questionnaire des aspects psychologiques, 63% des sujets ont une représentation affective envers la Statistique plutôt positive et 75% concernant les supports didactiques numériques. Par contre, sur le questionnaire sur l’ergonomie de l’outil, 67% des sujets ont une représentation affective plutôt négative du support didactique numérique « Méthodes Quantitatives FORSE ».

Nous pouvons observer avec l’analyse implicative que la représentation affective envers la Statistique est directement proportionnelle à la représentation affective envers les supports didactiques numériques. Nous observons aussi que plus positive est la représentation affective envers la statistique, plus élevée est la note dans la discipline Analyses Quantitatives et des dossiers méthodologiques, ce qui confirme notre sous-hypothèse 13 « plus positive la représentation affective, meilleure est la performance ». La confirmation de la sous-hypothèse 13 est très importante pour cette thèse vu que, à travers une grande corrélation entre représentation affective et note, une variable permet de prédire l’autre. Le logiciel, ayant accès à la performance de l’apprenant peu ainsi inférer de son état affectif envers le contenu et soi-même, le logiciel.

Nous pouvons observer aussi que les sujets qui ont une auto-évaluation plus positive concernant la statistique, ont une représentation affective de ce contenu plus élevé. Cette corrélation vient confirmer la discussion de l’importance du sentiment de compétence pour la réalisation d’une tâche : plus le sujet se sens compétent, plus il s’engage dans l’activité, plus il apprend. Cette idée est très importante dans le processus d’enseignement-apprentissage et est abordée dans plusieurs domaines de l’éducation, comme par exemple l’importance que Vygotski (1934) donne au travail dans la zone de développement proximal de l’apprenant.

Nous pouvons vérifier aussi que l’attribution de causalité plutôt externe est directement proportionnelle à une attribution de causalité au hasard. Nous interprétons ce donné comme reflexe que le hasard est une sorte d’attribution de causalité externe à l’individu, ce qui mérite une étude plus profonde. Nos analyses implicatives nous montrent une corrélation directement proportionnelle de l’attribution de causalité au hasard avec la motivation externe. Cela va dans le sens de confirmer notre sous-hypothèse 6, « plus l’attribution de causalité est externe, plus la motivation sera externe ». Un bon médiateur doit agir dans le sens de montrer que la cause de l’échec n’est pas toujours externe et proposer des exercices et explications plus fondamentales que celles auquel l’apprenant s’attaque, cela avant qu’il n’abandonne l’utilisation du logiciel.

Nous vérifions aussi que plus l’attribution de causalité est interne, plus le support didactique numérique « Méthodes Quantitatives FORSE » est utilisé, ce qui viens dans le sens de confirmer notre sous-hypothèse 1.

Nos données nous permettent affirmer que l’attribution de causalité et la motivation sont des processus différents entre eux et qu’il est plus intéressant d’investir pour la bonne médiation sur l’attribution de causalité comme une règle d’action, une fois que le support didactique numérique tienne en compte l’attribution de causalité à l’erreur il pourra choisir des action afin d’augmenter la motivation de son utilisation et ainsi l’apprentissage de son contenu, ce qui est un des objectifs d’un support didactique numérique bon médiateur.

Pourtant, nous ne pouvons pas confirmer notre sous-hypothèse 6 directement, « plus d’attributions de causalité internes, plus de motivations internes». Cela semble déprendre d’un équilibre personnel chez chaque apprenant. Nous vérifions que, quand une personne attribue plutôt des causalités internes que des causalités externes alors plus externe sera la motivation.

L’étude de l’apprentissage ou de la conceptualisation d’un domaine est assez complexe, vu qu’il implique une mesure de la construction de schèmes conceptuels. Dans notre approche de ces processus, nous avons utilisé dans cette thèse principalement deux sources d’investigation de l’apprentissage de la statistique : 1) les notes dans la discipline Analyse Quantitatives et la moyenne générale dans la formation en Licence de Sciences de l’Education FAD et 2) les dossiers méthodologiques, travail réalisé par les étudiants avec l’objectif de donner sens au contenu de la discipline.

Les résultats de l’analyse implicative nous montrent que ces deux types d’analyse de performance sont directement proportionnels l’un à l’autre, ce qui confirme notre sous-hypothèse 15, « meilleur est la performance d’après les notes, meilleur est la performance sur les dossiers méthodologiques ». Nous disons encore, une moyenne générale dans la formation Licence est plus élevée quand plus le sujet utilise le support « Méthodes Quantitatives FORSE » et plus son attribution de causalité est interne.

Nous pouvons conclure que les aspects cognitifs et affectifs ici considérés fonctionnent comme des règles d’action dans la construction d’un schème dans un champ conceptuel et que ces règles d’actions peuvent être pris en compte par les logiciels destinés à l’éducation en se servant d’une équation de régression afin d’inférer l’état affectif de l’utilisateur à partir de ses performances. Le type d’attribution de causalité, de motivation et de représentation affective fait reflets sur le processus d’enseignement-apprentissage comme par exemple : aimer plus le contenu de la statistique et les technologies de l’information et de la communication implique une motivation plus interne et une attribution de causalité plus interne implique une meilleure performance dans la formation.

En accord avec notre hypothèse générale, nous avons réalisé une régression linéaire entre les deux variables : représentation affective envers la statistique (variable quantitative dans une échelle de 0 à 40) et la note dans la discipline Analyses Quantitatives (variable quantitative dans une échelle de 0 à 20). Nous pouvons souhaiter, à partir des notes des étudiants, prévoir quel est leur état d’esprit concernant leur affect envers la Statistique. Dans ce sens, avec une corrélation significative de r=0,34934, on voit une droite de régression dans la diagonale ascendante :

De cette façon, quand plus grande est la note dans la discipline Méthodes Quantitatives, plus positive est la représentation envers la Statistique. L’équation de régression peut être utilisée pour inférer de l’état d’esprit d’un utilisateur d’un logiciel, à partir de ses performances. Cela implique l’affirmation qu’un support didactique numérique peut favoriser une représentation affective plus positive envers la Statistique, si on lui donne aussi quelques stratégies à pouvoir appliquer.

Ce résultat est déjà un pas en plus pour la conception du support didactique numérique « Méthodes Quantitatives FORSE » comme un bon médiateur du contenu de la Statistique. A travers ces propositions, il pourra favoriser la construction des représentations affectives positives envers soi même et son contenu, ce qui favorisera le processus de conceptualisation en Statistique, comme nos résultats l’indiquent.