Les espaces urbains situés en bord de fleuve et les villes fluviales sont des objets récurrents du champ géographique. Ils appartiennent à la grande famille de ces nouveaux objets de réflexion, ces hybrides précédemment évoqués. Ils ont intégré le domaine de l’investigation géographique sans bénéficier de la définition d’un cadre théorique et conceptuel.
L’espace fluvio-urbain consiste en l’espace urbanisé qui se situe à l’intérieur du lit majeur d’un fleuve. Il inclut le lit mineur, occupé en permanence par les eaux et bordé par les deux berges, ces petits talus le long des rives ; et le lit majeur, c’est-à-dire la zone envahie par les hautes eaux lors des crues. On pourra retenir dans le cas du Rhône, la définition du lit majeur correspondant au lit d’inondation de la crue de 185662. Cet espace est donc composé d’une partie en eau et d’une partie terrestre pouvant être submergée au moment des crues. Ces deux parties sont situées au sein d’un espace caractérisé par une agglomération de population et de constructions rassemblant un effectif minimum de personnes, soit en France selon l’I.N.S.E.E. 2000 habitants. Les dynamiques fluviales et les dynamiques urbaines se croisent et façonnent un espace hybride où nature et société sont indissociables.
La production de cet espace fluvio-urbain se réalise dans le cadre d’un système fluvio-urbain (Figure 2).
A propos du système fluvial, J.P. Bravard et F. Petit (1997) précisent que « le mérite de l’approche systémique est de prendre en compte le fonctionnement de la totalité des flux et des formes au sein du bassin versant en en dégageant les interactions, plutôt que de réduire l’analyse à l’étude des relations (en général bivariées) entre les composantes mesurables »63. On peut reprendre ce raisonnement et l’élargir au système fluvio-urbain dont l’approche permet de saisir l’ensemble des flux, des processus, des enjeux, des cadres et des acteurs contribuant au façonnement de l’espace fluvio-urbain en en cernant les interactions.
Le système fluvio-urbain voit ainsi interagir les constituants et les processus à l’œuvre dans ces deux systèmes que sont le sociosystème et l’hydrosystème. L’hydrosystème relève de ce que G. Bertrand nomme Géosystème dans son GTP. Il interagit ici avec le sociosystème urbain sur des modes complexes et non linéaires figurés dans le modèle ci-après (Figure 2), formant ainsi un système hybride plus vaste : le système fluvio-urbain. Ce dernier s’incarne dans un territoire défini par les composantes des deux systèmes, c’est-à-dire relevant de l’urbanisation et de l’hydrologie, et matérialisé par un paysage spécifique. Ce paysage traduit la relation de la société avec le fleuve, comme le spécifie le modèle de G. Bertrand, mais il traduit aussi l’impact du fleuve sur la ville et sur ses formes. Le paysage reflète donc en partie le fonctionnement du système fluvio-urbain, d’où l’intérêt de son analyse.
L’espace fluvio-urbain est un terme générique qui regroupe différents types de sous-espaces répartis au sein d’une agglomération implantée le long d’un fleuve. On peut les distinguer en fonction de leur position - centrale ou périphérique - et en fonction de leur relation au fleuve – directe (l’espace s’est développé ou se développe en lien avec la présence du fleuve) ou indirecte -.
Cette définition renvoie au principe de choix des P.H.E.C., les « plus hautes eaux connues » de manière homogène sur l’ensemble de la vallée du Rhône.
Bravard J.P., Petit F., 1997, p.144.