Waterfronts et espaces fluvio-urbains

Les waterfronts, soit les fronts d’eau urbains, ont certains points communs avec la thématique ville/fleuve et la production des espaces fluvio-urbains. Mais certaines différences imposent un traitement spécifique. Toutefois, cela n’exclut pas quelques comparaisons.

Claude Chaline entend par waterfront « l’ensemble des territoires naguère occupés de manière quasi-exclusive par les activités maritimes, industrielles et leurs compléments obligés et notamment les emprises ferroviaires »148. Ces territoires ont fait l'objet de reconversions. Les premières ont été engagées dans des ports nord-américains comme Baltimore149 et Boston150 à partir de la fin des années 1950, et suivies par des grands ports européens à partir des années 1980, d’abord britanniques (Londres, Liverpool) puis continentaux (Rotterdam, Amsterdam, Anvers, Gênes, Bilbao, Barcelone). Ces différentes générations de reconversion se distinguent151. La première, représentée par les opérations de Baltimore (Inner Harbor) et Boston (Union Wharf), vise la reconquête d'une centralité perdue. La deuxième génération, celle des docklands de Londres, poursuit un double objectif : la requalification physique de vastes territoires et la reconversion de la base économique locale. Barcelone, Bilbao, Gênes et Marseille illustrent une troisième génération caractérisée par des opérations de reconversion de dimension moins importante, l’objectif étant principalement la création d’une nouvelle articulation entre l’espace portuaire et la ville.

Les waterfronts ne relèvent donc pas exclusivement du domaine fluvial mais plutôt du domaine maritime, même si, dans les estuaires par exemple, les influences maritimes et fluviales se croisent. Ce sont en outre des espaces essentiellement portuaires, ce qui n’est pas nécessairement le cas des fronts fluviaux urbains. Si certains des facteurs de l’évolution des waterfronts sont comparables à ceux de l’évolution des fronts fluviaux, comme la désindustrialisation ; d’autres sont spécifiquement maritimes comme l’effondrement des mouvements de transport de passagers en mer sur des longues distances. Ces différences justifient que nous ne développions pas ici la thématique des waterfronts et que nous n’évoquions que marginalement les travaux scientifiques152 dont ils ont fait l’objet. Les problématiques liées au redéveloppement des fronts d’eau non portuaires appellent une réflexion originale.

Les waterfronts nous intéressent dans la mesure où la bibliographie qui leur est consacrée constitue la littérature fondatrice en matière de recomposition des fronts d’eau urbains. Elle a fait l'objet d'une étude détaillée dans la thèse de Claire Gérardot153, à laquelle on peut se référer.

Cette littérature porte exclusivement sur la requalification des waterfronts présentée comme un phénomène quasi-inéluctable et presque universel d'où l'affirmation qui suit: « pratiquement toute ville située au bord de l’eau, portuaire ou non, s’est engagée dans un processus de revitalisation et de requalification de ses berges. »154 Cela met en exergue l'intérêt et l'originalité de notre démarche soit l'étude d'espaces fluvio-urbains qui ne font pas l'objet de véritables projets de « reconquête ». Nous formulons l'hypothèse que ce processus n'est pas systématique ni universel et nous nous attacherons à identifier et comprendre les facteurs limitant la diffusion de la recomposition des rives aux villes du Rhône à l'aval de Lyon.

Notes
148.

Chaline C., 1994, p.72. Ce terme est communément employé par les historiens et chercheurs qui s’intéressent à l’aménagement des fronts d’eau et semble avoir été créé par Bruttomesso R., 1993.

149.

Voir les travaux de Maria Gravari-Barbas (1991, 1996, 1998) que nous ne détaillons pas ici du fait de leur dimension maritime.

150.

Sur ce point, voir la thèse de Laurent Vermeersch (1998) centrée sur l’étude de huit villes portuaires : Baltimore, Boston, La Nouvelle-Orléans, San Diego, et San Francisco aux Etats-Unis, Toronto et Montréal au Canada.

151.

Voir Chaline C., 1994 et Rodrigues-Malta R., 2004.

152.

Comme la thèse de Vermeersch L., 1997, La reconversion des zones portuaires dans les centres-villes américains de 1950 à nos jours : vers une redéfinition de la ville moderne, Doctorat de Géographie, Université de Paris 4 Sorbonne, 262 p. ; et celle de Gravari M., 1991, La mer retrouvée : Baltimore et autres reconquêtes de fronts d’eau urbains, Doctorat de Géographie, Université de Paris 4 Sorbonne, 893 f.

153.

Gérardot C., 2007, pp.47-61.

154.

Ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, 2006, p.6.