Lyon et la « reconquête » des fleuves

Notre objectif n'est pas d'apporter des informations inédites concernant la requalification des rives fluviales à Lyon qui sont l'objet de publications nombreuses212. Mais la présentation des réalisations lyonnaises213 sur le Rhône est indispensable afin d'établir un point de comparaison avec nos villes de l'aval.

L’agglomération lyonnaise a élaboré un plan d’ensemble pour le réaménagement des rives du Rhône et de la Saône qui s’étirent dans le Grand Lyon sur plus de deux cents kilomètres. Le Plan bleu, schéma d’aménagement des berges de la Saône et du Rhône 214 , conçu par l‘Agence d’urbanisme de l’agglomération et adopté en janvier 1991 par le Conseil de la Communauté urbaine, est actualisé en 1997. Le premier plan propose un schéma global d’aménagement des espaces « bleus » fédérant tous les projets autour des rives des vingt-sept communes riveraines des fleuves. Le deuxième insiste plus sur les liaisons entre les quartiers et les fleuves, et s’inscrit davantage dans une stratégie d’ensemble de recomposition de la ville. Il s'insère dans une stratégie d'agglomération.

Le Plan Bleu distingue quatre secteurs : le Val de Saône, le Rhône amont, le coeur urbain et le Rhône aval; il veille à la cohérence des opérations entreprises en bordure des fleuves. Il énonce trois objectifs principaux :

Les opérations en bordure de fleuve, à Lyon, Caluire ou Villeurbanne, sont réalisées sous la maîtrise d’ouvrage de la Communauté urbaine de Lyon et gérées, comme toutes les interventions sur l’espace public, par le service Espaces publics, créé en 1990.

« La Cité internationale de la Tête d’Or » occupe 17 hectares en amont du centre aggloméré. Le parc en amont, qui épouse la courbe du fleuve sur huit cents mètres, est l'oeuvre de Michel Corajoud. Son travail s'est inséré dans la construction de la Cité internationale de la Tête d’Or par Renzo Piano, sur un site compris entre le parc de la Tête d’Or (qui date des années 1850 et fut réalisé par les frères Bülher) et le Rhône. L’aménagement des berges a débuté en 1993. Elles ont été stabilisées selon une méthode innovante de génie biologique favorisant le retour des végétaux et de la faune indigènes. La voie rapide longeant le fleuve est transformée en « boulevard urbain » ponctué de feux de signalisation et où la vitesse est limitée à 50 km/h. Elle est bordée de bandes boisées. Une promenade plantée se trouve en contrebas sur la berge. Cet aménagement contribue à la recomposition de l’entrée nord-est de la ville associée à la requalification des berges du Rhône. L’organisation spatiale se fait en bandes parallèles au cours du fleuve. Le résultat reste assez contestable en termes de « reconquête du fleuve ».

Figure 3. La Cité internationale de la Tête d'Or
Figure 3. La Cité internationale de la Tête d'Or

Source : www.grandlyon.com

Au nord de la Cité Internationale, le parc de la Feyssine 216 que l'on aperçoit à l'arrière-plan de la figure 3, s'étend sur une quarantaine d’hectares. Il remplace une friche en front de fleuve sur la commune de Villeurbanne.

Face à la Cité, le Parc Saint-Clair217, visible sur la gauche de l'arrière-plan de la Figure 3, a été développé en rive droite du Rhône. Situé sur la commune de Caluire, il occupe une superficie de quatre hectares. Dessiné par le paysagiste Allain Provost, il masque le tunnel du périphérique nord percé le long des berges.

Figure 4. Le parc de Gerland

Source: www.grandlyon.com

Le parc de Gerland (80 hectares) est un parc paysager et sportif destiné à être le pendant méridional du Parc de la Tête d'Or. Il est réalisé par Michel Corajoud en plusieurs tranches au fur et à mesure de la libération des terrains. Il occupera à terme les quatre-vingt hectares d’une friche industrielle en façade du Rhône au sein du quartier de Gerland, en profonde restructuration. Cet espace est adossé au port Edouard Herriot et situé entre le Rhône, l’avenue Jean Bouin et l’avenue Tony Garnier. La première tranche de dix-sept hectares (1997-2002), organisée en bandes parallèles au fleuve, réunit une grande prairie de sept hectares en bordure de l’eau, une promenade, un jardin, et des équipements sportifs qui en font un parc à activités multiples. En juillet 2006, une deuxième phase d’aménagement a pris fin, comprenant principalement la création de trois jardins thématiques.

Le Parc des Berges du Rhône (figure 5) s'étend sur la totalité des bas-ports de la rive gauche du Rhône, du parc de la Tête d’Or au Nord jusqu’aux parcs des Berges du Rhône et de Gerland au Sud, soit un linéaire de 5 km de long et une superficie d’environ 60 000 m². Ont été désignés en 2003 pour réaliser ce parc les cabinets In Situ (paysagistes), Jourda (architectes) et Coup d’Eclat (concepteurs lumière). Les travaux ontdébuté en septembre 2005 pour s'achever à l'automne 2007. Il s'agit d'un espace de détente et de loisirs créé en plein coeur du centre lyonnais, qui permet la libération de l'emprise de l'automobile sur le site (déménagement des parkings préexistants), la promotion des modes de déplacement doux (piétons, vélos, rollers) grâce à l’aménagement d’une voie verteréservée à la circulation des véhicules non motorisés, et la valorisation d’un cadre naturel.

D'autres projets sont en cours de réalisation à l'heure où nous écrivons ces pages. Il s'agit en particulier de « Lyon Confluence » (150 hectares). Ce grand projet concerne l’extrémité sud de la Presqu’île, entre la Saône à l'ouest et le Rhône à l'est, entre la gare de Perrache au nord et le confluent au sud. Ce site est composé principalement de friches industrielles et est traversé par une voie de chemin de fer et une autoroute. Sa reconversion témoigne de deux objectifs: l'extension du centre sur cette partie de la ville et la valorisation de la porte sud de la métropole lyonnaise. Le paysagiste Michel Desvigne et l’architecte-urbaniste François Grether ont été choisis pour veiller à la conception et à la cohérence urbaine et paysagère du projet.Leur stratégie propose « un processus d’occupation évolutive et souple des terrains disponibles qui utilise la fragmentation de ce territoire urbain pour infiltrer parcs, jardins et promenades. A terme, chaque bâtiment devra être en relation directe avec ce parc ramifié qui compose un réseau d’espaces publics en relation avec le parc linéaire prévu sur les berges de la Saône. »218 La première phase, en cours aujourd’hui, représente un programme de construction de logements et bureaux comptabilisant au total 340 000 m2. Ce projet vise un rayonnement dépassant la seule agglomération lyonnaise. Il illustre la spécificité des projets métropolitains et contraste fortement avec les aménagements réalisés dans les villes de l’aval de Lyon.

Figure 5. Les bas-ports du quai Victor Augagneur (rive gauche du Rhône, entre les ponts Lafayette et Wilson, vers l’amont) avant (juin 2005) et après (juin 2007) la création du Parc des Berges du Rhône

Source: Claire Gérardot, 2007, p.151.

Les aires de stationnements ont disparu avec l’élaboration du Parc urbain dévolu aux modes de circulation doux. La piste cyclable est séparée de la zone piétonne (au contact de l’eau) par une zone végétalisée. A droite, on voit une péniche-restaurant dont la terrasse s’est agrandie à la faveur du réaménagement.

Figure 6. La confluence lyonnaise aujourd'hui et demain
Figure 6. La confluence lyonnaise aujourd'hui et demain

Source : www.lyon-confluence.fr, auteurs - (1) Desvigne Conseil et (2) Asylum Axyz -

La recomposition territoriale prévue dans le projet se marque visuellement par la création de nouveaux îlots bâtis côté Saône (moitié gauche de la presqu’île), agrémentés d’espaces verts et de bassins, supprimant les friches et les entrepôts visibles sur la photographie aérienne.

Notes
212.

Concernant Lyon et ses fronts fluviaux, nous renvoyons à la thèse de Claire Gérardot (2007) qui présente et analyse de manière détaillée les aménagements réalisés et en cours de réalisation.

213.

Nous étudions uniquement les aménagements réalisés sur les rives rhodaniennes du centre urbain (Lyon, Villeurbanne, Caluire) et non sur l'ensemble de l'agglomération (le val de Saône est exclu) dans la perspective d'une comparaison avec les villes de l'aval.

214.

Communauté urbaine de Lyon, 1991; Agence d'urbanisme de Lyon, 1998. Pour une version condensée du Plan bleu, voir Brégnac F., 2004.

215.

Une balme est un coteau très abrupt. A Lyon on appelle "balme" les bordures de plateaux et de collines. Le mot vient du gaulois balma qui signifie grotte d'ermite. Les falaises et même les parois abruptes des vallées, étaient souvent creusées de cavernes de dissolution servant d'abris. Le nom a été ensuite appliqué à l'ensemble du versant.

216.

Voir Père G., 2002.

217.

Voir Ehret G., 2003.

218.

Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction (2006).