La vallée du Rhône, un axe ponctué de villes modestes

En 1936 (Figure 11), les villes les plus importantes en termes de population constituent des pôles distincts qui, à l’exception de Lyon, se trouvent hors de la vallée du Rhône : Saint-Etienne, Grenoble, Nîmes et Marseille. La vallée du Rhône est quant à elle jalonnée par une série de petites villes qui se distinguent parmi une nébuleuse de communes modestes. Givors, Vienne, Valence, Montélimar, Avignon et Arles sont les villes principales de la vallée à l’aval de Lyon. Entre ces villes, de véritables vides urbains s’intercalent, si bien que la vallée ne présente pas de continuum urbain.

En 1975 (Figure 12), la hiérarchie urbaine ne s’est pas modifiée dans sa partie supérieure : les villes les plus importantes restent hors de la vallée à l’exception de Lyon. Cependant, la densité de villes au poids démographique notable a considérablement augmenté dans la vallée, façonnant « un semis urbain plus dense que riche »228. Certains tronçons présentent de ce fait une continuité urbaine. De l’amont vers l’aval, quatre sont identifiables : Lyon-Vienne, Tain-Valence-Loriol, Montélimar, Pierrelatte-Avignon. Entre ces tronçons, des espaces vides se maintiennent, marqueurs d’une discontinuité territoriale en partie conservée, une « osmose imparfaite »229.

La carte du semis urbain de 1999 (Figure 13) fait apparaître une succession de pôles urbains entre Lyon et la mer. La densité urbaine s’est encore étoffée depuis 1975 et les espaces vides sont en net recul. Cela dit, on ne peut pas parler pour autant de continuum urbain entre Montélimar et Arles. L’hypothèse émise par J. Bethemont en 1972230 du futur passage d’un peuplement ponctuel à un peuplement linéaire dans la vallée n’est donc pas confirmée. « L’ordre linéaire »231 n’est pas totalement réalisé.

Deux tronçons restent encore en marge de l’étoffage urbain : celui de Roussillon-Tain et celui de Loriol-Montélimar. Cela vient appuyer l’idée que la force du dynamisme démographique rhodanien « n’est pas telle qu’il puisse entraîner dans un même mouvement l’ensemble de la vallée »232, notamment en raison de la modestie des fonctions de la plupart des centres urbains. En effet, les petites villes règnent en maître sur la vallée. Sur les 114 communes riveraines du Rhône entre Lyon et la mer, seules 68 possèdent plus de 2 000 habitants. Parmi ces 68 villes, 73,53 % ont une population comprise entre 2 000 et 10 000 habitants ; 20,59 % comptent entre 10 000 et 50 000 et 5,89% plus de 50 000 habitants. Lyon est l’unique grande ville de la vallée, Valence et Avignon les deux villes moyennes, les autres villes possédant une taille modeste.

En cela les villes du Rhône se démarquent par exemple fortement des villes de la Loire. Henri Galinié233 qualifie l’espace ligérien de « rue de villes ». « De Roanne (…) à Nantes, le fleuve traverse Nevers, Orléans, Blois, Tours, Saumur, et longe Angers. Entre ces villes s’intercalent Feurs, Digoin Decize, puis la Charité, Sancerre, Cosne et Gien, puis Meung, Beaugency et Mer, puis Amboise, puis Langeais, puis Anceny. De l’amont vers l’aval, les intervalles diminuent entre les grandes villes, les petites n’y trouvent plus guère à se loger. Ce dispositif correspond grossièrement aux trois cours du fleuve : sur près de la moitié de sa longueur, jusqu’à Orléans, il forme le cours supérieur ; on retrouve ensuite le val d’Orléans à Angers, enfin le cours inférieur. A ces trois segments répondent trois rythmes urbains, trois formes d’associations : chapelet de petites villes et de rares villes moyennes jusqu’à Nevers, villes moyennes et petites presque en alternance régulière jusqu’à Angers, Nantes, enfin métropole régionale qui prend ses distances. Comme si le dispositif urbain accompagnait la croissance du fleuve : un milieu peu urbanisé, un autre où les rivalités n’ont pas été stimulantes, un dernier ouvert sur l’extérieur. » Ce dispositif diffère du Rhône : la métropole régionale se trouve loin de l’embouchure, le segment associant un chapelet de petites villes et de rares villes moyennes se trouve dans la partie aval du Rhône à l’inverse de la Loire. Ce contraste souligne encore la modestie des villes rhodaniennes à l’aval de Lyon.

On constate donc que les villes du Rhône se démarquent légèrement de la dynamique du corridor rhodanien (marqué par une tendance longue à l’accroissement démographique) du fait de leur modestie. Les plus importantes de ces villes sont même marquées par un déclin démographique dans la période la plus récente (1982-1999). L’évolution démographique de ces villes, plutôt atone, entre désormais en contraste avec celle du corridor.

Notes
228.

Bethemont J., 1972, p.37.

229.

Bethemont J., 1972, p.24.

230.

Cette hypothèse est développée dans Bethemont J., 1972, p.24.

231.

Bethemont J., 1972, p.25.

232.

Bethemont J., 1972, p.25.

233.

Galinié H., 2003, p.147.