La confluence avec la Saône (Figure 36) donne au fleuve une nouvelle dimension. Son régime, jusqu’alors fortement marqué par des « caractères submontagnards »296, se complexifie. Il reçoit successivement l’influence de la Saône, rivière de plaine au régime pluvial, puis de l’Isère, rivière alpestre à régime nivo-pluvial (Figure 37), ces deux apports combinés contribuant à renforcer la variabilité des débits. Cette variabilité peut s’avérer contraignante pour un espace urbain. Elle vient perturber la navigation en cas d’étiages trop importants et donc de tirant d’eau insuffisant. Les crues peuvent être plus fréquentes puisque se conjuguent les influences alpestre et pluviale qui suscitent des crues à des saisons différentes, ce qui augmente le risque d’inondation du fait de l’augmentation de la fréquence d’occurrence de l’aléa. Viennent ensuite les affluents cévenols qui drainent le rebord oriental du Massif Central (Eyrieux, Ardèche, Cèze, Gard), les affluents préalpins méridionaux (Drôme, Roubion, Eygues, Ouvèze) et enfin la Durance (Figure 37).
A l’aval de Lyon (station de Ternay297), la composante océanique du régime s’est affirmée avec netteté grâce aux apports de la Saône (Figure 31). A dominante pluviale, le régime est marqué par la supériorité des débits de saison froide : les débits moyens mensuels des mois de novembre à avril (respectivement 1090, 1190, 1300, 1360, 1240 et 1160 m³/s) sont supérieurs au débit moyen annuel qui s’élève à 1040 m³/s. Les débits mensuels moyens minima se produisent en août et en septembre (739 et 732 m³/s), c’est-à-dire à la fin de l’été, après la période alpestre de fonte des neiges. L’importance de la pluviométrie de saison froide explique la formation de crues hivernales298. Ternay se trouve dans la zone qui s’étend de la confluence de l’Arve299 jusqu’à Valence et où s’exerce l’influence océanique (Figure 38). Entre septembre et mars, des pluies régulières et durables sont à l’origine de crues océaniques. Elles sont provoquées par l’arrivée de masses d’air pluvieuses de l’Atlantique qui ne se sont pas condensées sur l’ouest de la France et le nord du Massif Central. Ces crues bénéficient des apports de la Saône. Dans la période hivernale, le mois de mars concentre le plus grand nombre des fortes crues300. Les basses eaux ont lieu en saison chaude avec des débits mensuels moyens minima atteints en août et septembre (739 et 732 m³/s), ce qui constitue une inversion par rapport à la station de Lyon-Perrache où les débits moyens mensuels maxima ont lieu en juin et juillet (Figure 36). Cette inversion est le signe du passage progressif de la prédominance de l’influence alpestre à la prédominance de l’influence océanique entre Lyon et Valence. Le régime hydrologique est plus contrasté : l’écart entre le débit mensuel moyen maximum et le débit minimum se creuse. La différence est de 628 m³/s à Ternay, contre 208 seulement à Lyon-Perrache.
A partir de Valence, l’influence alpestre de l’Isère et ses hautes eaux printanières (Figure 37) allonge la période des hautes eaux du Rhône jusqu’au mois de juin, mois dont le débit moyen s’élève à 1560 m³/s pour un débit moyen annuel de 1420 m³/s (Figure 36). L’écoulement suit des phases saisonnières plus marquées qu’à l’amont. L’Isère accentue encore la complexité rhodanienne : les contrastes sont « si variés que le régime échappe de plus en plus à toute qualification simple »301. Il associe des caractéristiques alpestres à des caractéristiques pluviales telles que l’abondance des débits hivernaux (débit maximum moyen mensuel atteint en février avec 1670 m³/s) et la médiocrité des débits de fin de saison chaude (débits mensuels moyens minima atteints en août et septembre avec 1040 et 1020 m³/s). « Le Rhône est donc tour à tour, et parfois en même temps, pluvial et nival, séquanien ou glaciaire, pondéré ou torrentiel, océanique ou méditerranéen »302.
Bravard J.P., 1987. Dans sa thèse, J.P. Bravard définit le régime naturel du Haut-Rhône.
Ternay est une station qui se trouve à l’amont de Vienne au point kilométrique 15,200.
L’analyse des crues rhodaniennes sera poursuivie et approfondie dans des pages ultérieures..
Rivière des Alpes, affluent de rive gauche du Rhône, qui draine le Massif du Mont-Blanc.
D’après Territoire Rhône, 2000, Etude globale des crues du Rhône, lot 1 : analyse hydrologique, rapport d’étape provisoire n°1, phase 1 : typologie des crues et analyses statistiques, volume de texte.
Pardé M., 1925, p.427.
Pardé M., 1925, p.428.