Caractéristiques topographiques : au-dessus du fleuve

La butte, la terrasse et le coteau sont les trois éléments topographiques caractérisant les sites originels des villes rhodaniennes.

La butte est le site le plus répandu. Le site protohistorique d’Avignon est un promontoire : le Rocher des Doms, îlot de calcaire barrémien culminant à 55 m N.G.F. 308 et dominant de plus de 40 m la plaine alluviale, donc placé à l’abri des inondations. La ville s’étend à partir du IVème siècle avant J.C. sur la plaine, au pied du Rocher, pour atteindre une surface de plus de 30 ha au Ier siècle avant J.C. et une surface maximale de 44 ha durant la période augustéenne309.

Arles occupe aussi une butte calcaire (calcaire hauterivien) de 25 m N.G.F. d’altitude310. La ville protohistorique s’étend sur 30 à 40 ha jusqu’au piémont de la butte. La période romaine est aussi celle d’une extension urbaine importante à Arles. A partir du Ier siècle av. J.C., la ville s’étend sur les terres basses des deux rives. La partie basse de la ville de rive gauche est exhaussée par des remblais de 4 à 5 m. Le faubourg de Trinquetaille est embelli et voit la construction d’un quartier résidentiel aux IIème et IIIème siècles311.

Tarascon et Beaucaire sont implantées sur deux môles de calcaire hauterivien. Le château de Beaucaire (XIème siècle), dont ne subsistent aujourd’hui que des vestiges, est bâti au sommet d’une colline culminant à 91 m, les rives du Rhône étaient à 8 m d’altitude. Le château de Tarascon, bâti entre les XIIème et XVème siècles sur les ruines d’un édifice romain, occupe un pointement calcaire de taille réduite (350 m² environ312) au contact du fleuve. Vienne occupe un promontoire formé de roches métamorphiques, à la différence des villes méditerranéennes, qui s’élève à une quinzaine de m au-dessus de la confluence de la Gère et du Rhône (Figure 39). L’expansion de l’habitat dans la plaine alluviale commence au 2ème quart du IIème siècle av. J.C. en rive gauche et vers 40 av. J.C. à Saint-Romain-en-Gal dans une période d’hydrologie plutôt calme. De nouveaux quartiers sont créés à partir des années 15-20 ap. J.C. et des exhaussements sont réalisés sur les deux rives. Selon A. Le Bot Helly (1999), ils « pourraient être une réponse à un retour temporaire des crues ». Au IIème siècle ap. J.C., l’espace bâti couvre 200 ha313. A Valence, la ville romaine est implantée sur la première terrasse alluviale aux sols bien égouttés, à 20-25 m au-dessus du Rhône. Le site historique valentinois occupe la première de deux terrasses alluviales qui façonnent une partie de la large et vaste plaine qui s’ouvre à l’aval du défilé de Tain-Tournon en rive gauche du fleuve. Alors que la rive actuelle du Rhône se trouve à 107 m N.G.F., la première terrasse possède une altitude moyenne de 125 m. La deuxième terrasse, dite de Saint-Marcel-lès-Valence, a une altitude moyenne de 150 m. Le coteau constitue un autre type de relief sur lequel des villes rhodaniennes se sont installées. Tain est, par, exemple, historiquement installée au pied du coteau de l’Hermitage.

Ces sites sont marqués par une certaine ambiguïté : leur ancrage initial est terrestre et leur expansion se fait dans le lit majeur. Cet ancrage les place tous à une altitude généralement comprise entre 15 et 40 m au-dessus du fleuve (sauf Beaucaire), ce qui les met en position d’abri. La variable hydrologique rhodanienne imprime indirectement sa marque sur les sites urbains rhodaniens. Ce sont des ancrages urbains non inondables, c’est-à-dire avant tout terrestres. Ils sont défensifs, que ce soit contre les incursions du Rhône ou contre celle de populations. Ils montrent aussi une volonté de contrôle de l’espace terrestre et fluvial : les axes de circulation sont contrôlés depuis les promontoires.

Les villes rhodaniennes sont historiquement implantées sur trois types de sites topographiques : la butte, la terrasse, et le coteau. La plaine alluviale constitue un site secondaire, lieu de l’expansion urbaine placé sous la contrainte hydrologique.

Si Vienne s’étend en direction des basses plaines au contact direct du fleuve dès la période protohistorique, ces développements urbains dans le lit majeur datent essentiellement de la période romaine. Mais ces terres basses ne constituent pas pour autant l’ancrage initial et fondamental des villes. Si elles font l’objet de dynamiques d’expansion, elles sont aussi parfois abandonnées ultérieurement. Le faubourg de Trinquetaille est déserté à partir du troisième quart du IIIème siècle ap. J.C., les quartiers sud d’Arles sont abandonnés au VIème siècle ap. J.C. L’espace urbain avignonnais se rétracte sur son Rocher entre les VIème et VIIIème siècle, marquant une « occupation de repli »314. Cela montre que l’occupation ferme et définitive des basses plaines d’un certain nombre de villes, peut être plus tardive qu’à Vienne notamment.

Figure 39. Vienne de l’Age du Fer à la fin du IIème siècle ap. J.C.
Figure 39. Vienne de l’Age du Fer à la fin du IIème siècle ap. J.C.

Notes
308.

Nivellement Général de la France.

309.

Carru D. (1999).

310.

Arcelin P. (2000).

311.

Arcelin P. (2000).

312.

Le pointement calcaire de Tarascon est beaucoup plus réduit que la colline de Beaucaire qui couvre environ 4000 m².

313.

Le Bot-Helly A. (2000).

314.

Carru D. (2000), p.112.