Arles s’insère dans la plaine formée par le delta du Rhône : la Camargue. Elle est installée en tête du delta sur les rives du Grand Rhône. Le centre historique de la ville d’Arles est original à l’échelle de la vallée du Rhône car il se répartit sur les deux rives du fleuve. La rive gauche reçoit la majeure partie du centre, tandis qu’un faubourg de taille plus modeste et d'origine romaine, Trinquetaille, est implanté en rive droite. Ces deux espaces agglomérés ont une forme triangulaire (Figure 45). Le côté le plus long des triangles se trouve au contact direct du Rhône. La fenêtre fluviale est donc en 1876 très importante au regard de la superficie totale de la ville. Cela souligne l’intensité probable de la relation ville/fleuve puisque la ville et le Rhône sont en contact étroit. Il est en outre important de noter qu’Arles ne possède pas d’espace interstitiel vide entre son centre historique et la berge, contrairement aux trois autres villes méditerranéennes précédemment étudiées que sont Avignon, Tarascon et Beaucaire. Il existe donc une spécificité arlésienne en termes de sitologie urbaine. Le contact entre la ville et le Rhône est physiquement plus étroit et direct. En rive gauche, l’expansion urbaine suit trois directions. Arles s’étend au sud-est de manière radio-concentrique, en particulier entre 1949 et 1971. Amorcée en 1949, la croissance en direction du nord se renforce à partir de 1971. Elle concerne les quartiers de Monplaisir et du Trébon : l’urbanisation se réalise entre la voie ferrée à l’ouest et le canal du Vigueirat à l’est, parallèlement au Rhône, mais à une distance de la berge supérieure à 100 m. Les ségonnaux321 ne sont donc pas urbanisés. Le sud de l’agglomération, et en particulier le quartier de Barriol, fait l’objet de l’accroissement contemporain (1999) le plus important. L’urbanisation reste encore ici distante du Rhône, cette fois d’environ 200 m, et est circonscrite à l’est par le canal du Rhône à la Mer. Les berges du canal sont urbanisées régulièrement et progressivement depuis 1949. Depuis cette date, la croissance urbaine ne s’établit en rive gauche du Rhône qu’en un seul espace : sur la pointe formée par la confluence entre le Rhône et le débouché du canal du Rhône à la Mer au sud-sud-ouest du centre historique. La fenêtre fluviale s’étend ici de manière presque symétrique sur les deux rives puisque le quartier de Trinquetaille s’étend en rive droite à la même période (entre 1876 et 1949), doublant la longueur de sa fenêtre fluviale. Il se dessine durant la 1ère moitié du XXème siècle un couloir urbain fluvial. La croissance urbaine suit le cours du fleuve en direction du sud. Cette tendance ne se poursuit pas durant la seconde moitié du XXème siècle, signe d’un amoindrissement ou tout au moins d’une stagnation de l’intérêt du fleuve pour la ville.
En rive droite, le faubourg de Trinquetaille s’accroît dans deux directions préférentielles. Alors que le sud-ouest connaît une croissance forte entre 1876 et 1949, c’est l’ouest qui connaît la croissance la plus importante en termes de superficie et la plus récente. Le nord est relativement évité par l’urbanisation qui s’étend plus modestement que dans les deux autres directions évoquées. Cela peut s’expliquer par le statut particulier de cet espace formant une pointe à la diffluence du Petit Rhône et du Grand Rhône, appelé l’Ile des Sables. Il est en effet inondable. L’urbanisation se développe donc seulement à l’abri de la digue de la Tête de Camargue située au sud de l’Ile.
En définitive, on peut affirmer que le degré de corrélation entre la ville et les rives du fleuve, c’est-à-dire le niveau de pertinence actuelle du fleuve dans les sites urbains, est fonction des types d’urbanisation. Il diffère selon qu’il s’agit du site de la ville-centre ou de communes de banlieue.
On ne peut que constater l’obsolescence du site fluvial dans la croissance contemporaine des villes-centres. L’urbanisation contemporaine est distante du fleuve. Elle s’organise autour des principaux axes de transport. Cela crée des formes étirées et de direction méridienne (Vienne, Valence) ou sub-méridienne (Avignon). Si l’accroissement le long des axes de transport est un phénomène urbain classique, il est ici accentué par l’importance des axes en question, tels que l’autoroute A7, la route nationale 7 et la ligne TGV322. Ces derniers sont des axes structurants à l’échelle du territoire national et pas seulement à l’échelle locale. Seules Tarascon et Beaucaire se distinguent par une croissance d’orientation est-ouest : elles ne se trouvent pas dans le corridor nord-sud emprunté par les grandes voies de communication mais sur un axe secondaire est-ouest qui relie la Provence au Languedoc. La fenêtre fluviale des villes-centres ne se développe pas, elle diminue proportionnellement à l’expansion urbaine. Il semble donc que l’urbanisation contemporaine soit détachée du fleuve, témoignant d’un intérêt faible, voire inexistant, de la ville pour le Rhône.
En revanche, le site fluvial semble avoir acquis une pertinence renouvelée pour les villes-annexes. La fenêtre fluviale a en effet tendance à s’accroître sur les rives périurbaines. Le fleuve présente un intérêt pour les espaces périurbains. Le cadre de vie offert par le Rhône et son paysage sont des facteurs qui peuvent expliquer ce phénomène. Le cadre de vie est ici un critère essentiel et supérieur à l’importance des voies de communication. Les axes de communication sont déterminants pour l’implantation de zones d’activité et de zones industrielles qui constituent une partie de l’urbanisation des villes-centres. En revanche, les communes périurbaines, dont la vocation est plutôt résidentielle, trouvent dans la présence du fleuve un élément de valorisation. Une exception cependant à Villeneuve-lès-Avignon, dans cette commune, la périurbanisation se développe plutôt sur les versants de colline que sur les rives du Rhône afin d’éviter un risque de submersion et de profiter d’un panorama dépassant le seul fleuve et englobant le Palais des Papes.
Qu’il soit valorisé et valorisant, c’est-à-dire très fortement corrélé avec l’urbanisation, ou obsolescent, et donc dé-corrélé de l’urbanisation, le site rhodanien se ressent encore aujourd’hui du poids de la contrainte posée par le risque d’inondation. Certains espaces ont certes pu s’affranchir de cette contrainte, comme La Courtine en Avignon. Cependant, les sites élargis témoignent encore d’une certaine contrainte posée par le fleuve et de la faiblesse de l’intérêt urbain qu’il représente puisque l’essentiel de la croissance urbaine actuelle s’opère majoritairement à distance du fleuve. Outre le risque d’inondation, subsiste une contrainte insurmontable, telle que celle du relief à Vienne.
Lors de l’implantation historique des villes, le Rhône apparaît comme une contrainte et un espace à contrôler. Cette contrainte est ensuite plus ou moins assumée par les villes qui prennent le risque de s’étendre dans les plaines alluviales. Cette extension se fait parfois à la faveur de périodes d’hydrologie déficiente mais l’on a vu que certains quartiers, qui se maintiennent dans les plaines inondables, font l’objet d’aménagements et d’exhaussements pour lutter contre les inondations. Aujourd’hui, alors que le risque d’inondation est assez bien connu et est l’objet d’une gestion importante, les agglomérations ne s’étendent pas pour autant sur les rives, ce qui montre un manque d’intérêt urbain très contemporain pour les espaces fluvio-urbains. Cela souligne l’existence d’autres facteurs explicatifs de la marginalisation de ces espaces rhodaniens, des facteurs ne relevant pas des dynamiques naturelles.
Aires de terre cultivable comprise entre les digues et le lit du fleuve.
A la condition qu’il y ait une gare ou un péage.